C'est un fait divers peu banal qui, hier, a fait la une des journaux au Japon, et monopolisé l’antenne de ses quarante chaînes de télévision. Et pour cause ! Ce qui aurait pu n'être qu'une simple affaire d'usurpation d'identité parmi tant d’autres (on se souvient de cet escroc de génie qui s'est fait passer, pendant plus de trente ans,  pour un mangaka à succès sous le pseudonyme de Masami Kurumada) a pris des proportions surréalistes quand les circonstances exactes de l’affaire ont été communiquées au public.

 

Tout commence fin janvier 2012 : Hideo Kojima, célèbre créateur de jeux vidéo, est invité par le Tokyo Tower Wax Museum à venir découvrir le mannequin de cire qui vient d’être réalisé à son effigie. Une visite mémorable, entre indifférence polie et indifférence enthousiaste, que le japonais de 50 ans n’est pas prêt d’oublier, intérieurement flatté qu’il est d'intégrer ce panthéon prestigieux - aux côtés d'autres figures mythiques de la culture nippone telles qu'André Rieu et Chantal Goya. C’est peu après avoir pu admirer son jumeau de cire sous toutes ses coutures (si l'on peut dire) que tout bascule pour cette sommité de l’establishment vidéoludique. Profitant d’un instant de confusion, le mannequin enjambe le cordon de sécurité et prend sa place avec un naturel  troublant ; si bien que stupéfait, l'homme reste sans réactions (il n’a, au jour d’aujourd’hui, pas encore retrouvé la totalité de ses facultés motrices - au niveau facial, notamment, tout reste encore à faire). Le service d’ordre n’y voit que du feu. Les portes se referment sur un Kojima tétanisé et ne se rouvriront qu’en février 2014, au terme d’une longue et pénible réclusion.

 

Comment les responsables de la galerie ont-ils pu se rendre coupable d’une telle méprise, et garder un être humain (sur le plan biologique) enfermé pendant plus de 730 jours sans se rendre compte de leur erreur ?

 

 

Une enquête est actuellement en cours, afin de déterminer si la confusion est accidentelle ou si l'usurpateur, un mannequin de 80 kilos, aurait bénéficié de la complicité d'un ou deux employés du musée. Aucun visiteur ne s’est toutefois jamais douté de la substitution.

 

Il faut bien reconnaître, se défend Rikidu Suneiko, conservateur, que le mannequin ressemble plus à Hideo Kojima qu'Hideo Kojima lui-même".

 

Voilà comment, pendant plus de deux ans, une copie inanimée a vécu le quotidien (trépidant) de l'illustre créatif et a, entre autres, signé les scénarios et la direction artistique de Metal Gear Rising : Revengeance et de Metal Gear Ground Zeroes. Ce serait un léger sourire de suffisance narquoise qui aurait trahi l'usurpateur, au moment de la diffusion des chiffres de vente de la X-Box One au Japon. Sans cela, de leur propre aveu, ni ses proches, ni sa compagne ne se seraient rendu compte de rien.
 
On se disait bien qu’il paraissait plus ouvert, plus humain nous confie Yui Kojima, l’épouse du programmeur. Je suis heureuse que mon mari revienne à la maison, bien sûr, c’est un grand bonheur, mais je pense que son remplaçant va nous manquer à tous. Quand on repense aux fous-rires que nous avons partagés pendant ce laps de temps, c’est dur de le voir sortir de nos vies comme ça, du jour au lendemain.  
Kojima, lui, reste philosophe :
 
Heureusement que je n’ai pas besoin d’ingérer ni liquides, ni solides, ou d’en excréter de la même façon, c'est ce qui m'a permis de tenir bon, s’est-il contenté de déclarer à la presse, les lèvres pincées en une étrange grimace.  
Grimace que les spécialistes, depuis lors, s’efforcent de décrypter, car s’il devait s’agir d’un « léger sourire de suffisance narquoise » (sic), nul doute que les certitudes des forces de l’ordre seraient balayées dans l’instant et, avec elles, celles du Japon tout entier.
 
Contacté dans sa cellule de détention préventive, le mannequin n’a pas souhaité répondre à nos questions.
 

 
ERRATUM : dans sa sagacité, notre estimé lecteur aura rectifié de lui-même : les légendes de nos photographies ont bel et bien été inversées. Hideo Kojima y apparaît à droite, et non à gauche, comme indiqué ci-dessus.