La révision du week-end, c'est une ancienne chronique : The Legend of the mystical ninja (Snes). Pas de réécriture, faute de temps. Il ne s'agit que d'une copie d'un ancien article mais il reste à mon avis encore valable (pour sa pertinence).

 

La série Ganbare Goemon n'est pas spécialement connue chez nous. Pourtant, il s'agit bien d'une grande saga, les premiers épisodes sortant sous Famicom (Nes), produisant encore régulièrement quelques épisodes comme c'est le cas sur cette génération avec une incursion en 2005 sur DS, Ganbare Goemon: Tōkai Dōchū Ōedo Tengu ri Kaeshi no Maki, malheureusement exclusivement pour l'import. A part deux épisodes Nintendo 64 traduits en français, les textes tout du moins, le reste se cantonne soit au japonais, soit à l'anglais en cas de sortie sur le territoire américain. Cet épisode, The Mystical Ninja, sorti sur Super Nes est un des opus les plus populaires et les plus représentatifs des aventures de ce ninja aux cheveux bleus.

. Pragmatisme économique :

 

Il est intéressant de voir exposer ce que j'appelle le pragmatisme économique dans un jeu vidéo. Après tout, le coût de la vie a ses disparités. Des différences qui vont de pair avec différents profils budgétaires. C'est bien pour cela que pour les supermarchés, il y a LIDL et Auchan, Aldi et Leclerc, comme pour les vêtements il y a Zadig et Voltaire et Tati. Ce n'est pas la même chose, pas les mêmes produits donc pas les mêmes prix. De quoi contenter toutes les bourses.

 

Souvent, dans le jeu vidéo, on se retrouve face à une unicité du prix. Il y a un même prix pour dormir dans une auberge, un même prix pour passer telle frontière, et compagnie. Des différences selon la frontière ou l'auberge mais une unicité de prix tout de même. Quelque soit l'expérience du joueur, bien souvent on paiera la même somme.

 

Etrange conception, assez irréaliste au final. Pourquoi pas plus de choix ? Comme dans la vraie vie ? C'est ce que propose The Mystical Ninja en donnant la possibilité au joueur de payer un service à différent tarifs. Je m'explique. A la fin du premier stage, on nous explique qu'il faut se rendre sur une île pour poursuivre notre quête. Seulement, impossible d'y aller à pieds. Le bateau ou l'avion. En allant voir une agence de voyage, notre héros a le choix. Trois « package », donc trois prix, pour se rendre au fameux endroit. En prenant le moins cher, ce qui fut mon cas, cherchant à faire des économies, mon ninja se retrouva à ramer dans une espèce de tonneau, poursuivi par un requin agressif. L'ancêtre du low cost.

 

 

De même, dans les villes parcourues, il est parfois possible de passer une nuit dans une auberge. Là encore, le choix est au rendez-vous. Pas de prix unitaire mais une offre dégressive vous permettant de séjourner dans une suite, une chambre correcte ou un cloaque. En choisissant d'abord le cloaque puis la suite luxueuse, je pus découvrir une vraie différence de traitement. Deux tatamis et un aspect sale contre un grand espace propre. Mon personnage récupéra toute son énergie dans les deux cas mais grâce à la suite, il acquérait un statut différent. D'aventurier pouilleux mais économe, devint un voyageur de luxe misant plus sur son bien-être que la stratégie de l'économie. L'aventure, c'est aussi une question de bourse, on l'oublie trop souvent.

 

. Humour omniprésent :

 

The Mystical Ninja est un titre plein d'humour, cet humour, malheureusement, si peu présent dans nos jeux HD actuels. Au cours du périple, en s'aventurant dans les multiples maisons visitables, le joueur pourra rencontrer un voyant tirant des prédictions fumeuses de son esprit embrumé. Alors que notre ninja est le héros d'une grande quête, le mystique ne verra rien d'exceptionnel dans son destin. Ce qui le surprend, première fois de sa vie qu'il est confronté à un tel vide.

 

Les ennemis sont bien souvent loufoques. On croisera ainsi des robots poupons, des clowns grossiers, des pêcheurs se baladant avec de gros thons sur l'épaule, un ninja poussant une poussette munie de mitrailleuses (référence au manga Lone Wolf and Club et à son adaptation au cinéma, la saga Baby Cart), etc.

 

 

De nombreux clins d'œil, petits écarts et autres gimmicks simplistes qui font mouche. Le soft baigne dans un absurde joyeusement communicatif où les références sont détournées, malmenées, caricaturées. A chaque fois, on y décèle la trace du réel, qu'il s'agisse du quotidien ou d'un domaine artistique, mais aucune restitution fidèle. Chaque matériau passe à la moulinette permettant à la saga de se créer une identité : celle de l'absurde.

 

. Mise en abyme et anthologie du jeu à la japonaise :

 

Entre deux/trois coups de pipe, notre héros aura la possibilité de s'essayer à plusieurs mini-jeux. Une mise en abyme ludique et intéressante. De par son nombre tout d'abord. Pour un jeu datant tout de même de l'époque Super Nes, on ne peut qu'être impressionné par cette foule d'à-côtés. Alors qu'une série comme Yakuza est couverte de louanges pour ses petites occupations qui sont autant de micro gameplay, un jeu comme The Mystical Ninja le proposait déjà en 91 au Japon.

 

Mais le plus intéressant, au-delà du nombre et de l'intérêt ludique de plusieurs de ces jeux, c'est l'aspect « anthologie nippone ». Le titre propose en effet une sorte de grand résumé du jeu à la japonaise. Allant des dès style tripot, en passant par des arts plus nobles, la peinture, sans oublier les jeux de foire (le lancer), de ceux que l'on voit dans ces fêtes populaires au Japon, pour terminer par des jeux vidéo. L'occasion pour Konami de faire un clin d'œil à ses propres productions, on retrouve Gradius ainsi que d'autres petits jeux comme un casque-brique.

 

 

Une histoire du jeu nippon disséminée ici et là, d'un monde à l'autre, d'un niveau à l'autre. Une mise en abyme intelligente qui donne encore plus de sens à cette plongée déjà réussie sur le strict plan ludique.

 

. Comportement éthique ou l'anti-bourrin :

 

Grâce à un petit détail, le jeu cherche finalement à cadrer par la sanction le comportement du gamer curieux, pour ne pas dire bourrin. Comme l'action principale dans de nombreux jeux consiste à tirer/taper bref une action forte et physique face à un autrui menaçant, The Mystical Ninja valorise à certains moments la non-violence. Dans un des premiers niveaux, le jouera rencontrera des biches. Il est possible de les tuer en les frappant mais cette action nous coûte de l'argent.

 

En effet, pour chaque animal exterminé, le joueur perd 10 pièces d'or. L'extrême inverse du méchant de base qui, à chaque extermination, nous rapporte de l'argent. De l'argent pour les jeux, les restaurants et les achats. La même chose se reproduira lorsque l'on croisera ce qui ressemble à des prêtres. En les frappant, c'est 100 pièces d'or que l'on perd. En allant au contact de ces religieux, au contraire, notre bourse augmente de 10 précieuses pièces.

 

 

Par un simple détail, le jeu incite le joueur à un comportement éthique comme pour lui expliquer que malgré une panoplie réduite d'actions, on est pas dans la contextualisation dantesque d'un Heavy Rain, et malgré la tendance action du titre, il est possible de dessiner en creux le caractère du personnage. Soit un fou furieux amoral dont les actes néfastes, abattre des êtres inoffensifs, non agressifs, auront des conséquences pécuniaires ; soit un aventurier éthique, ne tuant que les méchants, enrichi par sa non-violence lorsque celle est légitime.

 

La sanction financière valorise ou pénalise et permet ainsi de donner plus de poids aux choix du joueur puisqu'au final ses coups auront des répercussions sur l'état de sa bourse. Autrement dit, sur sa progression dans le jeu. Cette capacité à acheter certaines armures, certains plats, pour se faciliter la tâche.

 

. Japonité absolue :

 

Le titre, et par extension la saga, à quelques exceptions, baigne dans une japonité absolue ou, de façon parfois plus générale, dans une Asie quasi rêvée. L'ambiance est exotique et bourrée de références. Rien que l'arme de notre ninja est significative. Il s'agit d'une pipe faisant plus penser à une pipe à opium qu'à la pipe de Brassens.

 

De même, les restaurants que l'on croise nous proposent des mets culinaires presque exclusivement japonais. Notre ninja pourra se repaître de sushis, de soupe tendance miso. Les magasins permettant des achats durables jouent eux aussi la carte du Japon en proposant au gamer des zoris (sandales japonaises), des casques tressés en osier, etc.

 

 

Les ennemis rencontrés sont également marqués culturellement. On découvre des acteurs de théâtre échappés de la tradition kabuki (ils portent des masques blancs symbolisant chacun une expression), des samouraïs ou rônins le sabre à la main, sans oublier les fantômes nippons comme la femme en kimono, le premier boss, ou le second portant sur son dos une architecture en bois fournie en lampions rouges.

 

Ce ne sont pas quelques touches qui font référence ici et là à un pays, une culture, c'est le jeu dans son entier. Bien des aspects, comme on vient de le voir, s'inspirent de l'identité culturelle nippone. The Mystical Ninja n'est pas le seul jeu à le faire, Okami joue aussi le porte-étendard du Japon, mais reste un exemple marquant et fort réussi de cette culture portée à bras le corps. Réutilisation fidèle ou fantaisiste, là n'est plus la question.

 

Mention

 

 

Commentaire :

The Legend of the Mystical Ninja est un jeu d'action/aventure, mâtiné d'un peu de RPG, qu'il faut faire une fois dans sa vie. Pour découvrir cette grande saga nippone peu connue chez nous et qui mériterait pourtant un petit regard, voire plus. Drôle, riche dans son aventure autant que dans ses audaces conceptuelles, cet opus de la série Ganbare Goemon est une parfaite introduction tant le jeu synthétise à merveille l'identité de la série et, plus pragmatiquement, se montre abordable via une bonne traduction en anglais.


L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=104:chronique-the-legend-of-the-mystical-ninja-super-nintendo&catid=47:super-nintendo&Itemid=28

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