Comme chaque week-end, un article republié (et retravaillé) pour réviser son levelfive.fr. Cette fois-ci, un article d'art numérique.

Les auteurs d'art numérique proviennent d'univers variés. Le créateur de World Skin est un plasticien et se nomme Maurice Benayoun. Retour sur une œuvre mêlant photographie et militantisme.

 

World Skin, de Maurice Benayoun

Le journalisme, un regard partiel

Il serait assez fastidieux de livrer une biographie condensée de Maurice Benayoun tant l'homme est prolifique. On peut dire qu'il a été le co-fondateur de Z.A, laboratoire travaillant sur les nouveaux médias, l'image de synthèse ou encore la réalité virtuelle. On peut également dire qu'il a réalisé, avec François Schuiten, la première série d'images de synthèse 3D en haute définition. Bref, un créateur boulimique.

World Skin est une installation interactive que l'on pourrait qualifier de reportage-photo. Le spectateur/acteur est plongé dans un monde virtuel qui l'installe dans un univers apocalyptique, rongé par la guerre. On avance, via une petite télécommande, pour le dire vite un joystick, tout en découvrant des décombres, des personnages évoluant dans ces débris.

Muni d'un appareil photo, le spectateur/acteur se livre à des prises de vue. Il photographie ce qui lui semble digne d'intérêt, digne d'être transmis. Que choisir ? Que prendre ? Que transmettre mais encore comment le faire ?


Ce sont ces multiples interrogations qui asseyent celui qui tente l'aventure World Skin. Chaque photo modifie l'aspect de ce monde virtuel. La prise de vue entraîne la création d'un rectangle blanc découpant sauvagement cet univers apocalyptique. De cette façon, Benayoun cherche à nous montrer l'impact de l'information sur notre monde.

D'une certaine manière, ce rectangle blanc nous montre toute la difficulté du journalisme. Rendre compte, c'est toujours ne montrer qu'un bout de la réalité. Un bout choisi. Telle femme et pas telle autre, tel immeuble, etc. Une vision restreinte nous obligeant à nous focaliser sur un élément, un simple élément occultant tout le reste. Un corps mutilé pour combien sous silence ?

 

Photos vidéoludiques

Le domaine du jeu vidéo, sans rentrer dans des questionnements aussi graves que World Skin, a déjà utilisé ce concept du reportage-photo. Plusieurs jeux reprirent ce procédé, chacun variant par l'esthétique et, plus largement, l'univers dans lequel le joueur s'immergeait. Par exemple, un jeu comme Pokemon Snap proposait au gamer une visite d'un parc où vivaient des pokémons. Traversant les niveaux sur des rails, dans un wagonnet, le joueur/reporter devait saisir par l'image ces créatures imaginaires. Les points engrangés variaient en fonction de l'espèce shootée (plus ou moins rare) et la netteté de la photographie.

Pokemon Snap, Nintendo

Derrière ce cadre imaginaire, Nintendo ne conservait du travail de reporter-photo que l'aspect délicat de la prise de vue, le côté esthétique, gratuit. Big-N évacuait toute problématique politique ou toute réflexion sur l'information.

D'autres titres surfèrent sur l'idée du reportage-photo. Citons-en quelques-uns : Safari photo, Jambo Safari, Safar'Wii, Wild Earth : African Safari. La plupart de ces titres misent sur un aspect encyclopédique. C'est par la pratique du shooting, en maniant le joystick et les boutons, que le joueur en apprendra plus sur la faune traversée. Le message se double, pour certains titres, d'un discours écologiste militant sur la difficile cohabitation entre les animaux et l'homme comme Safari Photo en Afrique sur PC. Alain Bougrain Dubourg apporte des explications sur des scènes de vie. Les missions que l'on exécute peuvent échouer si l'on s'approche trop des animaux. Donc, si l'on ne laisse pas ces animaux vivre en paix.

Safari photo en Afrique, PC

En adoptant un angle ludique, mais également pédagogique du fait du caractère encyclopédique des shootings ou des missions aux connotations écologistes, le jeu vidéo s'approprie d'une manière plus terre à terre, mais pas forcément inintéressante, l'idée du reportage-photo. Une extension comme une autre de la prise de vue polémique d'un World Skin.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=176:art-numerique-world-skin-maurice-benayoun&catid=48:art-numerique&Itemid=56

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