Les nouvelles technologies, en particulier celles liées au numérique, ont ouvert la voie à une démocratisation galopante des moyens de communication jusqu'alors totalement inaccessibles, ou du moins très difficilement, pour un public d'amateurs. Des prix trop élevés, la plupart du temps, empêchaient au quidam de lui aussi proposer au plus grand nombre ses propres créations. Retour sur un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur depuis quelques années déjà.


 

le HD54 de Genius

 


 

I) Les difficultés d'avant

Une caméra 8 mm

Avant, pour faire des films, ou même des documentaires, des émissions, bref de la vidéo, il fallait un budget caméra. Même s'il a toujours existé des produits moins onéreux que d'autres, le passionné désirant devenir créateur se devait d'acheter une caméra de type 8 ou 16 mm et des bobines, des achats conséquents en ces temps pré-numériques. N'oublions pas non plus que de nombreuses caméras, il y a bien des années de cela, ne permettaient pas de filmer en continu pendant de longues minutes. Certaines offraient la possibilité d'un plan de 25 secondes ou 35 secondes par exemple. Le montagne, aboutissement de tout film, était lui aussi complexe car lié à un assemblage de plans, à d'ingénieuse découpes, etc.

Ce n'est qu'au début des années 80 que les caméscopes cassettes débarquèrent pour le grand public. Des produits onéreux qui n'offrirent pas, dès leur sortie, une accessibilité très grande. Même si la question du stockage, et donc de la durée du film en continu, devint plus simple d'autres problèmes persistaient. Par exemple, l'usage des pellicules ou encore un montage toujours délicat pour le néophyte.

 

La carte SD, grande remplaçante de la pellicule

Avec le numérique, la notion de perte est devenue presque caduque. Il y a encore quelques années, lorsque l'on faisait des photos avec des pellicules, on avait intérêt à ne pas se louper car le nombre de prises était limité et surtout il n'y avait aucune possibilité de se rattraper, sans parler du coût du développement. Un doigt apparaissant malencontreusement dans le champ, un contre-jour gênant, un sujet qui bouge et donc qui floute la photo, des éléments extérieurs qui viennent parasiter la prise de vue...autant d'incidents qui étaient synonymes de mort pour la photo. Depuis l'instauration des appareils numériques, une photo ratée est automatiquement effacée pour en faire une autre ou tout simplement oubliée vu que la capacité de stockage, grâce aux cartes SD ou micro SD, est dantesque.  L'exemple précédent évoque le domaine de la photographie mais il en est de même pour la vidéo.

Ainsi, c'est la fin du problème du stockage et de l'usure des prises. Une sauvegarde sur l'ordinateur ou un disque dur externe et plus de problème. Fin aussi du problème du son, avec un micro intégré les caméscopes numériques permirent de capter du son avec une qualité médiocre mais acceptable sans se ruiner en matériels d'appoint. De même, les années passant, le matériel pour enregistrer de la vidéo, caméscopes numériques/appareils photo enregistrant de la vidéo/Smartphones..., devint plus accessible et donc plus populaire.

II) La facilité d'utilisation ou l'ouverture à la médiocrité

A partir du moment où le matériel proposé permit de contourner tous les problèmes évoqués au début de cet article, on observa une démocratisation de pratiques jusqu'alors élitistes. De plus, l'arrivée d'Internet offrit au grand public de nombreux espaces de totale gratuité ou presque, des espaces permettant de montrer facilement au plus grand monde ses créations. Alors qu'avant, avant Internet j'entends, il fallait passer par le cadre de la télévision (locale ou non) voire du cinéma pour les ambitieux, désormais un simple upload de quelques minutes/heures sur dailymotion ou youtube offre la possibilité de potentiellement toucher quelques milliers de personnes.

Le fameux Windows Movie Maker

Exit donc le problème de la diffusion, on devient soi-même diffuseur. C'est là tout le principe d'Internet avec des plateformes communautaires offrant des outils simplificateurs au possible pour permettre aux internautes-cinéastes une relative autogestion.

Dernier obstacle, le montage. Windows avec son célèbre Windows Movie Maker, logiciel de montage simplissime, bien que très limité, devint très rapidement l'outil idéal des amateurs souhaitant monter leurs rushs. Faire de la vidéo n'était plus alors un problème. Ni de stockage, ni d'usure, ni de son, ni de captation, ni de montage, ni de diffusion. En se débrouillant bien, l'investissement total pour créer un film et le publier sur Internet frôle désormais la gratuité absolue.

III) Du bon et beaucoup de mauvais

Cette démocratisation a du bon. Il est simple maintenant de filmer et de diffuser ses propres créations. On gagne en simplicité et en gratuité. Seulement, à côté de quelques projets amateurs de qualité, comme Le Joueur du grenier, on ne compte plus les innombrables copies de copies de bas étages qui pullulent désormais sur le net.

Marcus dans son émission Level One (Game One)

Deux problèmes récurrents demeurent. Tout d'abord, la qualité globale des créations. Certes, on ne demande pas à avoir une production type Canal + ou TF1, les moyens logistiques n'ont rien à voir, mais tout de même. Souvent, le son est inaudible, la captation hasardeuse, et le montage parfois proche de l'absurde. Dans de nombreux cas, le manque de soin est flagrant et le résultat indigeste.

Autre problème, l'écriture et l'inventivité. Redécouvert par de nombreux internautes il y a quelques années, l'ancienne émission de Marcus sur Game One, Level One, semble être devenue LA source d'inspiration première des amateurs. Résultat, chacun veut faire sa propre émission dédiée aux jeux vidéo en copiant allégrement le concept du célèbre animateur.

Il faut dire que la formule se prête incroyablement bien à l'amateurisme des jeunes créateurs. Il suffit d'avoir une console et un jeu, une caméra et de parler (avec des outils comme le Dazzle pour capter des images, le tout devient encore plus simple). Le souci, c'est que, ne bénéficiant d'aucunes préparations, on se retrouve avec des vidéos montrant des passages souvent inutiles, des flots de paroles peu pertinents et entrecoupés de nombreux « heuh » et « ah ». Ne sachant que dire, et ne sélectionnant pas leurs plans, donc ne montant pas réellement leurs vidéos, les jeunes présentateurs, ou moins jeunes parfois, parlent de tout et de rien, se répètent, et imposent au spectateur internaute un temps distendu.

IV) Conclusion

Il ne faut pas voir une moquerie facile de ma part dans cet article, simplement un constat qui découle de l'analyse d'un phénomène. Celui d'une démocratisation ouvrant la voie à la médiocrité, revers de toute démocratisation en réalité. Une question demeure malgré tout dans mon esprit, pourquoi ? Pourquoi faire de telles vidéos lorsque, des professionnels, proposent exactement la même chose d'une bien meilleure qualité pour des raisons logistiques et de compétences ? Pourquoi faire sa petite émission quand jeuxvideo.com propose son Gaming Live (resucée de Level One) ou gamekult.com son émission hebdomadaire entre informations et conversation à bâtons rompus ? Pourquoi coller à une formule vue et revue des dizaines, des centaines de fois ?

Je me pose cette question avec le plus grand sérieux. A vrai dire, je ne comprends pas pourquoi les amateurs, que je respecte profondément, s'obstinent à singer les professionnels en prenant, fatalement, le risque de la comparaison et donc de la moquerie. Dans le cadre du cinéma, une société comme Trauma, cinéma indépendant américain, a proposé au public, et propose encore, des productions atypiques avec des thématiques souvent loufoques et une façon de réaliser singulière. Ne bénéficiant pas de beaucoup de moyens, des réalisateurs dont Lloyd Kaufman cherchent à créer leur propre style à défaut de pouvoir rivaliser avec les canons du film d'horreur ou d'épouvante hollywoodien. Pas une copie mais une parodie pour les petits gars de chez Trauma. Quelle voie pour les vidéastes vidéoludiques amateurs ? La pâle copie ou l'innovation ? Je prie pour la seconde.

Lloyd Kaufman

C'est vers cette voie là que doivent se diriger les amateurs. Libérés d'une contrainte éditoriale, d'une certaine obligation au classicisme, il serait de bon ton à chercher de nouvelles formules, penser un peu plus la critique par la vidéo du jeu vidéo au lieu de paresseusement reprendre, comme de nombreux professionnels, les vieilles ficelles usées même si efficaces du genre.

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