Lors de sa sortie, Bayonetta marqua les esprits. Autant pour son héroïne tout de cuir vêtue que pour son gameplay énergique et son univers joyeusement hybride. Platinum Games réussissait, une fois encore, un grand coup en imposant en un jeu seulement une icône bourrée de charisme. Retour sur une sorcière pas comme les autres.

 

 

 

 

I) L'érotisme soft ou l'ennemie des chiennes de garde

Ce qui fait que Bayonetta nous charme, c'est avant tout son originalité. Une originalité du point de vue de son héroïne. Certes, c'est jouer la carte de la facilité que de placer non un bellâtre bodybuildé, bas du front, mais une pin-up tendance secrétaire farouche et sexy, mais ça marche. On se prend très vite d'affection pour cette sorcière aux jambes ultra longues et à la chevelure démente.

Bayonetta est sexy et de ce point de vue là les développeurs n'ont pas hésité à en rajouter deux voire trois bonnes couches. Il est clair que le résultat n'est pas issu d'un cerveau féminin tant la femme représentée est sexuelle au possible. Mais justement, c'est cela qui séduit : que Platinum en fasse des tonnes. Bayonetta jette des bisous coquins du plat de la main, prend des poses suggestives lorsqu'elle se bat, des ralentis viennent savamment nous montrer ses cuisses fermes, ses fesses galbées qu'elle déroule avec malice. Elle est la femme objet assumée de bout en bout. En bref, l'ennemie des chiennes de garde car trop sexy et assumant totalement son statut de belle plante pour être respectable aux yeux des aigries qui pensent qu'une femme se doit d'être cérébrale pour être respectable.

D'ailleurs, pour aller à fond dans ce standard de la femme sexy s'offrant sans honte aux regards, comme ces vieilles publicités pour les jeans dans les années 80,  l'imagerie machiste des développeurs offre à Bayonetta une combinaison noire tout en cuir. Existe-t-il un cliché plus tenace que le cuir moulant dans l'imaginaire populaire ? Autre cliché de l'érotisme pataud, la sucette que garde constamment la sorcière. L'analogie avec le sexe de l'homme n'est pas une coïncidence (couleur, forme...). Elle tient la sucrerie dans sa bouche la plupart du temps, la suce régulièrement voire la balance pour en prendre une autre. C'est un peu comme si, par cette simple voracité gustative, elle cherchait à asseoir son statut de femme fatale, de croqueuse d'hommes.

II) Un humour débridé

Mais Bayonetta n'est pas qu'un bel édifice machiste de la femme, derrière cette posture volontairement provocatrice, le jeu se veut également éminemment drôle. Sauf, vers la fin, où le titre prend une posture plus sérieuse et d'ailleurs beaucoup moins réussie. Comme si les développeurs voulaient se rattraper de leurs bouffonneries antérieures.

Bayonetta use d'un esprit bouffon propre à l'humour japonais. C'est pourquoi la sorcière se voit entourée de faire-valoir, lance des petites tapes sur les mains des monstres histoire de démystifier ces grandes gueules éructant là où un autre héros aurait serré les dents avant de flinguer à tout va. Bayonetta fait son boulot avec nonchalance et candeur.

Le jeu se plait d'ailleurs, histoire de déstabiliser le joueur, à compléter cet humour bouffon d'actions délirantes. Bayonetta, ce n'est pas qu'un poster pour les routiers, c'est également de l'absurde poussé jusqu'à son paroxysme. On retrouve par exemple notre sorcière marchant sur les murs, combattre son ancienne rivale, Jeanne, avec une moto en effectuant des acrobaties incroyables, achever les monstres en transformant ses cheveux en animaux géants comme un corbeau ou un serpent, faire du surf sur le dos d'un vilain encore à terre.


Et que dire de ces finals où Bayonetta achève avec classe, mais toujours en dotant le tout d'un brin d'absurdité, ses ennemis. Elle les jette par exemple dans des prisons dotées de grands pics, fait rouler une roue avec d'énormes pointes sur le dos d'un sbire, attache un vilain sur un cheval de bois avec des chaînes, enchaîne à une guillotine un pleutre pour lui botter les fesses avant de lancer le couperet. Bayonetta ose le délire le plus absolu pour rompre avec le sérieux du genre. On retrouve d'ailleurs dans ces accès délirants certaines morts de Madworld du même studio. Contrairement à un Devil May Cry se prenant toujours au sérieux, le titre de Platinum Games est constamment en roue libre. Là où Dante effectuerait une pose classieuse, cheveux au vent, Bayonetta écarte les jambes et tire sur un bus pour faire un trou en forme de cœur histoire de laisser passer la voiture de Luka.

L'idée est simple : prendre à contre-pied ce sérieux absolu qu'affichent de nombreux beat them all. Certes, ces titres sont toujours irréalistes (il est impossible de mettre à terre une dizaine de types lorsqu'on est seul) mais cherchent malgré tout à garder un ton éminemment respectable. On ne rigole pas. C'est grâce à cette volonté de démarcation que Bayonetta réussit à se forger une singularité tout comme l'avait fait Madworld même si ce dernier demeurait au final un peu plus sérieux, principalement du fait d'une critique sociétale venant se glisser dans le récit.

III) Une esthétique foutraque

Bayonetta est une œuvre assez insaisissable, esthétiquement, du fait de ses nombreux mélanges. Le jeu mêle habilement des éléments religieux, fantastiques et gores pour offrir un rendu très contrasté mais globalement pertinent.

A la vue de Bayonetta, on comprend que les développeurs sont allés puiser dans une esthétique type vieille Europe. On visite à un moment donné une ville, Visgrid, faisant incroyablement penser à une citée comme Cologne en Allemagne avec ses façades colorées. A un autre moment, on découvre un Colisée comme si l'on se trouvait à Rome.

A aucun moment, le jeu ne prétend poser son histoire dans un cadre réel. On ne mentionne aucun pays, aucune ville. On multiplie par contre les clins d'œil mais tout en les déformant, en mêlant une esthétique à une autre, un univers à un autre pour proposer un environnement singulier. Même si l'aspect bric-à-brac déroute, il reste accrocheur. Déceler les différents emprunts devient presque un jeu.

 

Mention

Commentaire :

Bayonetta est un jeu étonnant sur bien des plans. Jouant à fond la carte de l'humour absurde et du sexy soft, le titre cherche avant tout à se jouer des codes du genre, en les parodiant via une technique simple mais efficace : l'excès. Le titre de Platinum Games n'hésite pas. Il n'y a que lorsque le jeu cherche à rejoindre un cadre plus conventionnel qu'il perd en impact. Une belle bizarrerie au royaume des jeux vidéo.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=162:chronique-bayonetta-360&catid=25:360&Itemid=28

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