Kirby n'est pas forcément la mascotte la plus médiatisée de Nintendo. Pourtant, derrière son aspect enfantin, voire niais, se cache un véritable terrain d'expérimentations pour les développeurs de Big-N. C'est sans passer par la case Game Cube, épisode repoussé qui ne sortira jamais, que la petite boule rose débarqua sur la Wii. Un épisode beau et inventif.

 

I) Un gameplay évolutif

Pour ce nouveau Kirby, les développeurs de Nintendo nous proposent, coup de force à souligner, de délaisser les traditionnels pouvoirs de notre héros asexué pour lui offrir une technique tout à fait originale. Exit le Kirby qui vole et traverse le niveau en deux secondes ou qui avale tel un invincible tous les ennemis rencontrés.

Le nouveau Kirby ne vole pas et ne gobe pas, il attrape les éléments qui l'entourent avec une ficelle. Soit pour les réduire à néant, soit pour se constituer une petite boule de laine (bien pratique pour faire exploser des cubes ou tuer des boss). Rien que ce petit tour de force vaut le détour, ce n'est pas souvent que des développeurs repartent, pour ainsi dire, de zéro en ce qui concerne le gameplay-structure du héros.

Imaginez donc un Mario qui ne sauterait plus mais utiliserait des armes à feu, un Link sans son épée, un Kratos sans ses hachoirs, un Master Chief sans son ratelier. Autant d'exemples pour vous donner l'ampleur de la chose. En japonais, on dit qu'on a renversé la table de thé. Seulement, ce n'est pas la première fois que Kirby remet en question sa base même. On l'avait déjà vu avec sa première aventure sur Nintendo DS où le brave devait se déplacer via des traits tracés par le joueur (utilisant ainsi le « pinceau » magique, élément central de cet opus). Kirby se réduisait alors à l'état de boule à diriger.


Mais, à côté de ce gameplay-structure modifié, on découvre à chaque niveau ou presque un gameplay alternatif. C'est ainsi que Kirby se retrouvera à faire du surf, à se transformer en voiture de course, en camion de pompier pour éteindre des feux, en mécha et j'en passe. Notre boule rose varie son jeu régulièrement comme pour éviter de retomber dans un genre trop balisé.

Nintendo propose dans cet opus, pour ce qui concerne le gameplay, un renouvellement quasi permanent ce qui devient au final une vraie leçon de créativité. Big-N ne se contente pas de proposer des phases de jeu différentes, il les pense toujours par rapport à la wiimote. C'est ainsi que pour certains passages, des boutons seront utilisés là ou, à d'autres moments, ils céderont leur place à des collègues. Penser avec autant de symbiose les phases de jeu et le gameplay, c'est là le signe des grands créatifs.

II) Une esthétique originale et cohérente

Dans cet épisode de Kirby, les développeurs ne proposent pas qu'un concept, un monde constitué de laine pour tricoter, mais bien un univers. En partant de ce postulat, simple background déclinable aisément par l'utilisation de quelques lieux communs, ils inventent une esthétique. On retrouve ce travail de symbiose vu précédemment, cette fois-ci entre un univers graphique et une architecture ludique (la structure des niveaux). Ce n'est plus l'un puis l'autre mais bien l'un et l'autre, entre les deux une relation indissociable.

Prenons un exemple, dans un niveau se passant dans le désert, on peut voir des sables mouvants. Grand classique, visible dans un nombre incroyable de Mario et une foultitude d'autres titres du même type. Seulement, comme nous sommes dans l'univers du tricot, les développeurs proposent une matérialisation étonnante de ces sables. Quatre fils de deux couleurs différentes, jaune et orange, structurent le sol. Une ligne de fil s'en va, ce qui donne l'illusion du sable qui se déplace, elle est automatiquement remplacée par une autre ligne, d'une autre couleur. Ainsi, cette alternance de fils donne la sensation d'un sable qui s'écoule vers le bas, donc mouvant. On ne peut s'empêcher, en voyant de telles astuces, de penser au cinéma de Michel Gondry. Cet aspect bricolé comme il l'exploite dans La Science des rêves ou Soyez sympas, rembobinez.

Un peu plus loin, on découvrira également une cascade en dentelle. Ce textile, brodé et maniéré, est animé d'une façon si convaincante que l'on comprend qu'il s'agit d'une cascade d'eau. C'est là toute la force de cette esthétique, ne pas dissimuler le matériau de départ (des textiles, facilement reconnaissables) pour mieux le détourner et faire illusion (la dentelle qui fait penser à une cascade d'eau, les fils de laine qui renvoient à du sable mouvant...). Ainsi, on joue sur une signification à deux niveaux. Le matériau de départ et la symbolique.

III)  Variations du décor

Dans la lignée de cette esthétique intelligente, on retrouve de nombreuses variations du décor dans cet épisode. Que l'on soit dans le choix de niveau ou dans les niveaux eux-mêmes. Les développeurs laissent libre cours à leur imagination pour utiliser le mieux possible ce textile qui constitue l'univers de notre boule rose.

Plusieurs exemples. Tout d'abord, celui du volcan. On en rencontrera plusieurs dans le jeu. Chaque volcan, constitué de tissus cousus à une toile, impression de relief, se voit agrémenté d'un petit fil horizontal, en pointillé, au niveau de l'embouchure. En tirant sur ce fil, on resserre les tissus pour boucher le trou et ainsi arrêter la lave qui ne cessait de couler.


Autre idée ingénieuse, celle des éléments éloignés. Une plateforme est loin de vous, il suffit de tirer sur un fil pour plisser les tissus qui constituent le niveau et ainsi rapprocher la passerelle tant convoitée. Un dernier pour la route, la déformation, encore une impression de relief, du décor lorsque Kirby « rentre » dans un bâtiment. On ne voit plus notre héros mais on distingue une grosse boule qui déforme le tissu. C'est assez rare pour le dire, alors signalons-le, ce Kirby au fil de l'aventure nous donne enfin une impression de relief à une époque où la 3D intégrale règne. Comment faire ? Tout simplement en pensant un jeu 2D avec les techniques de la 3D. L'idée des tissus qui se déforment, plissent, chiffonnent est le concept qu'il fallait pour mettre cette idée sur pied.

Parlons rapidement du choix des niveaux. Au lieu d'avoir une banale carte, les développeurs continuent de travailler leur matériau de base. Ainsi, chaque nouveau niveau se traduit par un dévoilement de la carte façon textile. On jette une sorte d'orbe, permettant de déverrouiller un nouveau niveau, et un ours (par exemple) quitte sa tanière. Le fait de quitter cet espace déforme le terrain et nous offre un moyen d'accès au niveau suivant : une porte trop haute. Autre dévoilement, un génie à qui l'on fait une offrande et qui dégage le reste de la carte, dentelle blanche (nuages), en soufflant. C'est ces petites attentions qui nous montrent que le choix d'un matériau de départ étonnant, le textile, offrit aux développeurs un terrain fertile pour leur créativité.

Choix des niveaux se déroulant sous la forme d'un papyrus

Mention :

Commentaire : Kirby au fil de l'aventure a des défauts comme une bande-son insupportable, un univers très niaiseux mais ce serait lui faire du tord que de considérer trop hautement ces détails. Ce nouveau Kirby reste un grand moment de créativité débridée où chaque élément est pensé et intelligemment mis en scène. Esthétique, structures des décors, gameplays...tous ces éléments se renouvellent pour notre plus grand plaisir.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=160:chronique-kirby-au-fil-de-laventure-wii&catid=29:wii&Itemid=28

Suivez-nous sur Twitter : https://twitter.com/#!/alfouxlf

Rejoignez-nous sur Facebook :https://www.facebook.com/pages/Levelfivefr-Chroniques-vid%C3%A9oludiques/121393444645752