Un Grand Theft Auto sur une console portable est souvent mal vu. Parfois mauvais (comme les portages sur Game Boy Color) voire sympathiques mais sans plus, jamais excellents. Pourtant, cet opus Chinatown Wars, toujours signé Rockstar, renversa en son temps la vapeur. On ne tenait plus entre les mains un spin-off opportuniste mais un jeu ambitieux et réussi.

 

 

I) Un scénario riche

Petit tour chez les Chinois

 

Le scénario de ce nouveau GTA est intéressant sur plusieurs points. Tout d'abord, son aspect communautaire. Cet opus se focalise sur la mafia chinoise, chose assez rare dans le domaine des jeux vidéo de gangsters. En général, on croise plus des italo-américains ou des afro-américains. Le personnage que l'on incarne, Lee, endossera une fois de plus le rôle du traditionnel porte-flingue comme la série sait si bien en créer. Mais attention, un porte-flingue grinçant. Bien que malléable, il sait rester critique. Notre homme s'exécute mais aime jacter.

A plusieurs reprises, Lee use de sarcasmes pour dépeindre sa communauté d'origine. Il se moque royalement de l'épée ancestrale que recherchent ses pères, il l'a réduit même à une simple babiole allant ainsi à l'encontre de toute la mythologie qui gravite autour de la mafia chinoise. Les clichés du genre sont malmenés avec Lee. D'une part il réduit à néant les symboles, d'autre part au cours d'une conversation qu'il a avec un de ses employeurs il lui rétorque, ce dernier s'enflammant sur le mythe d'une mafia respectueuse de la civilisation dont elle est issue, que leur communauté n'est bonne qu'à vendre de la drogue, des armes et à gérer des putes. Le folklore n'est qu'un vernis, un vernis hypocrite qui ne cherche qu'à recouvrir des hommes vénaux, loin de leurs traditions, de leur identité « originelle ». Lee n'est pas dupe, il fait le sale boulot mais ne tombe pas dans le panneau. Ces êtres sont des décadents et il le sait.

Péripéties multiples

GTA Chinatown Wars arrive également à nous surprendre dans ses péripéties, son histoire n'a rien du petit train-train. Les gens de chez Rockstar imposent aux joueurs des tours de force dès les premières minutes de jeu. La jeune femme asiatique, placardée dans le métro lors de la sortie du jeu, ne fait pas long feu dans cette aventure rocambolesque. Alors qu'on suppose une probable relation entre elle et Lee, la donzelle se fait descendre dès la première mission...un coup de force magistral.

 


Je ne vais pas m'attarder sur les traditionnelles traîtrises des différents mafieux pour lesquels Lee devra travailler au cours du jeu. Des retournements plus classiques mais bien mis en scène qui nous poussent à aller de l'avant. A savoir comment finira cette collaboration avec ce flic (un peu véreux) qui nous demande de l'aider, jusqu'où ira cette dégradation des rapports entre les deux jeunes chiens fous issus de la même famille mafieuse. Des interrogations habillements traités par les gens de chez Rockstar qui nous montrent, une fois de plus, toute leur maîtrise du sujet.

II) Un peu d'humour dans ce monde de brutes

Rions un peu

 

GTA IV se voulait un opus plus réaliste que les précédents et donc, forcément, plus sérieux. Niko Bellic n'était pas un grand marrant et même si quelques saillies grinçantes faisaient leur apparition elles étaient bien rares et n'émanaient pas forcément du personnage principal. Le tout offrait un rendu plutôt sobre. Ce Chinatown Wars réintègre avec brio l'humour si singulier de la série. Blagues potaches et humour scabreux sont clairement de la partie.

On prend ainsi un malin plaisir à guetter les cinématiques dans l'espoir de voir une réplique cinglante. Petit exemple du raffinement proposé, à un moment Lee parlant à l'un de ses patrons l'accuse d'avoir une « petite bite » tout en lui assurant qu'aujourd'hui « y a des opérations pour ça ». Vulgaire et assumé.

Parfois l'humour se fait incorrect et lance quelques volées de plomb aux différentes communautés présentes dans le jeu. Les relations entre les mafias se ponctuent bien souvent par quelques mots d'oiseaux. Des « faces de citron » aux « bouffeurs de pattes », personne n'est épargné. Du Céline sur DS...presque.

III) Diversité et nouveautés

Des nouveautés qui font du bien

 

 

Faire un GTA sur DS fut une vraie aubaine pour Rockstar, l'occasion d'enrichir un peu le gameplay-cadre de la série. Le stylet et l'écran tactile permirent de créer des interludes accrocheurs et bien pensés. Crocheter une serrure, bidouiller les câbles d'une voiture, monter un fusil à lunette...autant d'opérations pourtant bénignes.

Le joueur profite ainsi de l'immersion que permet la portable de Nintendo en faisant ce lent travail de besogneux du crime. Ces petites opérations qui ne paient pas de mine mais nous projettent aisément dans les galères de Lee. Le stress de pirater rapidement une voiture, la répétition d'actions quasi rituelles, le possible échec forment un tout cohérent, ventilant un peu les mécaniques de la saga.

Diversifier le tout

Chinatown Wars sur DS propose une certaine diversité pour ce qui est des phases de jeu. Missions de sniper, destructions du haut d'un hélicoptère, course-poursuites à pieds, en voitures, fusillades, filatures, achats et ventes de drogues, conduite d'un dragon rouge lors du nouvel an chinois ...on enchaîne les missions, certes, mais toujours avec plaisir.

Bien évidemment, une certaine redondance s'installe, c'est le genre qui veut ça. Mais malgré tout, on ne ressent jamais cette douloureuse sensation de refaire des dizaines voire des centaines de fois la même chose. Chinatown Wars a réussi à varier les phases de jeu en se basant sur des classiques de la série tout en y implémentant quelques petites innovations.

IV) Une vision négative

Pessimisme et chute des anges

On est habitué au pessimisme de Rockstar, à leur vision tout en noirceur. Cet opus ne déroge pas à la règle. Tous les personnages que l'on côtoie sont minables. Les mafieux (chinois ou non) ont tous des tares : obsédés sexuels, vieux libidineux, jeunes insolents avides de pouvoir...aucun ne réussit à racheter son voisin par sa conduite. Aucun n'a même cette prétendue éthique du voyou.

Même le policier que l'on fréquentera, bien que cherchant à faire tomber des mafieux (action louable), est au cœur d'une affaire de drogue et d'argent sale. On a vraiment l'impression que la ville est pourrie et qu'elle pourrie les âmes de chacun. Une cité de la bassesse où il est plus simple de devenir une canaille qu'un bon gars. Une Rome décadente...de nos jours.

Mention

Commentaire :

Chinatown Wars fut une bouffée d'air frais pour la série. Innovations, jeu bien pensé et surtout bien géré, le titre de Rockstar ne souffre que de défauts mineurs. Le plus fou, c'est que les aventures de Lee ont vu le jour, en premier, sur la console la plus faible, technologiquement parlant, de cette génération. Comme quoi, la taille ça ne fait pas tout.

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