Nous avons découvert grâce aux jeux-vidéo que le capitalisme est un spectacle planétaire, un mensonge, et qu'il peut être vécu comme un jeu planétare soumis à certaines règles. La question en suspend est : comment s'amuser en tant qu'individu soumis aux règles du jeu capitaliste ? Comment se rebeller efficacement et ne pas culpabiliser devant la misère du monde, en particulier devant la pauvreté des Moldaves ou des Ch'tis ?

 

 

 

 

 

 

 

 

  • La fin du capitalisme : « Exodus, movement of virtual people, oh yeah! »


    Afin d'arrêter la machine infernale du capitalisme, plusieurs options s'offrent à nous, toutes naturellement inspirées des jeux vidéo. Les jeux de gestion et de stratégie sont généralement sans fin : les mondes virtuels s'enrichissent et se complexifient jusqu'à leur propre limite définie par le "score maximal", ou d'autres limites spatio-temporelles. Par exemple dans Sim City 2000, lorsque le nombre d'arcologies (mini-ville-écosystème tout intégré, illustrée ci-contre) dépasse un certain seuil (301), et que cela à lieu après l'an 2051, toutes ces constructions se mettent à décoller dans l'espace, provocant un exode massif de la population, appelé "exodus"... Le jeu peut alors reprendre sur des bases saines : c'est à dire de zéro. Un exemple de score maximal de la société contemporaine capitaliste défini par un nombre de digit limité, fut le pseudo "bug de l'an 2000". Ou encore pour les adorateurs de Paco Rabane & Co, la fin du calendrier Maya en 2012 : les nombres sont ici prophétiques car établis en calendrier, ils formatent l'avenir. Il est donc possible de formater, dans le Jeu planétaire Capitaliste, une prophétie d'exode planétaire.

     

    Paris (à gauche sur la photo et aussi en politique), recomposé avec brio dans Sim City 2000 (Simsational). Cela n'a pas autant de charme que la ville de droite (a priori photo seulement), le concept de la ville poussé à sa productivité maximale... quelques instant avant l'exodus et la disparition complète de la population qui décollera vers l'espace.

    Les prophéties liés au Capitalisme ont été nombreuses au fil de l'Histoire : des critiques de grandes figures du XXe siècle : comme Hitler, Mussolini, Mao, ou la plus teigneuse de toutes, Arlette. Leur critique se base sur le dogme (croyance indémontrable) de la lutte des classes : le travailleur serait exploité, à travers divers outils qui évoluent au fil du temps (outils de production, marchés d'échange de besoins, rémunération du travail, capitalisation de l'information ). Si le travailleur exploité disparaît, la classe exploitante disparaît aussi ; c'est alors la fin du jeu. Les prophéties sont des fonctions de l'Histoire. A chaque ère de l'humanité (féodale, industrielle, numérique) correspond une contrainte de l'environnement : le but des Capitalistes Puissants est à chaque fois de renouveler le jeu de l'optimisation du profit, soit obtenir le plus gros score possible imaginable : à ce jeu, Bill Gates est un sacré hardcore gamer. Ce sont les contraintes extérieures (modification des ressources disponibles) liées aux contraintes intérieures (du progrès technologique) qui assurent l'évolution des règles du jeu du Capitalisme. Un exemple pour comprendre le franchissement du highscore en vigueur est le changement d'un niveau de branche technologique à la suivante dans Age of Empire ou dans Warcraft. Tous les jeux de stratégie assure cet équilibre fondamental : plus les ressources s'épuisent, plus le progrès techno est avancé... Jusqu'à la fin de la partie. Il y a donc une règle fondamentale dans les jeux de gestion, qui est la même règle que le Capitalisme : l'exploitation maximale des ressources.

    Trois jeux fondateurs du genre STR : Dune II, Warcraft, Settlers II. La stratégie de la réussite consiste à vider les ressources le plus vite possible pour produire et écraser l'adversaire.
    En d'autres termes : Cliquer plus pour gagner plus.

    L'exode final n'est possible que si une limite prophétique est clairement définie, puis franchie. Dans Sim City 2000, c'est le nombre d'habitant qui déclenche l'exodus. Dans les Civilizations de Sid Meier, la fin du développement technologique débouche sur la colonisation d'une autre planète, qui sera jouable dans la suite Alpha Centauri. Quel serait aujourd'hui la limite définie du capitalisme ? La taille de la planète Terre et ses quantités finies de ressources correspondent parfaitement à cette définition. Le catastrophisme écologique se révèle donc le poseur de ces nouvelles règles, du nouveau highscore à franchir. Il est cependant irrationnel de croire en l'inéluctable chute de la civilisation, car ce discours est en lui même une prophétie. L'Histoire nous a toujours enseigné qu'elle réservait des surprises, et que l'homme pouvait surmonter toujours ses peurs : n'oublions pas que "celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre", dixit Karl Marx. Renoncer à croire en une catastrophe, c'est vivre sa responsabilité à l'instant présent. Acheter quelque chose plutôt qu'une autre, c'est favoriser l'émergence d'un futur plutôt qu'un autre. Ainsi la fin de la partie peut survenir grâce au consommateur qui est le Joueur principal du Jeu Capitaliste.

  • Le plaisir du consommateur joueur

    Ainsi nous avons vu que certains jeux vidéo de gestion et stratégie, malgré leur fondamentale limitation à ne pousser le joueur qu'à accumuler toujours plus, nous dévoilent un enseignement spirituel lié à la satisfaction des désirs et la quête de l'augmentation du plaisir.

    Dans les Sims, le joueur peut accumuler pléthore d'objets et de relations dans le but de se distraire, trouver du bien être. Le joueur exprime ses désirs dans un univers virtuel en dépensant du temps. Theme Park (cf. critique) nous motive quant à lui à accumuler du brouzoufs, mais le message est aussi que la création du joueur (un park d'attraction) satisfait les attentes des "clients virtuels", ce qui génère chez le joueur une satisfaction de réussite en retour : c'est l'apprentissage de la réjouissance. Satisfaire un client, en lui vendant l'objet de ses désirs, revient à accomplir un acte d'amour, de compassion : "tu souffres de ton désir, je te libère avec ma création que je te vends". Il n'a pour preuve jamais été contesté le pouvoir thérapeutique d'une séance d'achat, comme en témoigne les Acheteurs Compulsifs de la communauté GameKultBlogs, avec comme éminent représentant le kulteur bababaloo qui, à la question "que recherches tu dans le fait d'acheter", réponds après une mûre réflexion dont il a le secret : « le plaisir ».


    Le plaisir des yeux, d'après certains psychoneurologues publiés dans Vogue, ça fait du bien.
    (ci-dessus, des Warcraft-babes à l'apogée du salon de l'E3).

    Comment concilier le plaisir et la responsabilité du consommateur, devant notre Futur ? La réponse est finalement simple. Chaque personne ayant sa propre vérité, sa propre conception du plaisir, sa propre projection du futur et de la responsabilité... il est donc vain de vouloir imposer une vision. La réalité est là : à chacun sa liberté. Chacun sa manière de consommer, chacun sa manière de jouer. Par exemple une partie de Warcraft c'est comme une relation de l'ordre de l'accouplement intime : ça peut se boucler en rush-zerglins en 7 minutes (score des soit-disant étalons Italiens) ou en match équilibré et maîtrisé, qui, excusez l'expression, pompera effectivement toutes les ressources en 323 minutes (score des Roumains pratiquant la continence sexuelle... ça ne s'invente pas). L'essentiel est de se faire librement plaisir tout en assumant ses responsabilités. Le joueur assume sa responsabilité signifie qu'il accepte les conséquences de ses clics. De la même manière, si le capitalisme prône la quête de l'augmentation de capital avec des règles d'échange monétaire, c'est au joueur-consommateur de les interpréter librement... et d'inventer ses propres règles en pratiquant une autre forme d'accroissement lié à sa liberté : car « tout ce qui augmente la liberté, augmente la responsabilité », dixit Victor Hugo (parce que c'était le nom de mon collège).

  • Le consommateur joueur est éternel

    Nous sommes donc beaucoup plus puissants qu'il n'y paraît. Deux preuves radicales ont été apporté au XXe siècle.
    D'une part en 1972 Edward Lorentz présente la notion de "prédictibilité : le battement d'aile d'un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ?". Appliqué au Capitalisme : l'achat d'une bière belge peut-il entraîner la faillite du CAC40 ?
    C'est en effet une conclusion possible du deuxième indice, donné par l'économiste français Maurice Allais, prix Nobel d'économie en 1988 sur la "théorie des marché", a démontré qu'une décision banale d'un consommateur était en fait d'une importance majeure.

     

    Avec sa métaphore du voyageur de Calais, Maurice Allais démontre que les cheminots sont les maîtres du monde (RailRoad Tycoon III).

    Maurice Allais pose la question de savoir « combien coûte un passager monté à Calais dans le train pour Paris ? ».

    * Un contrôleur estimera que la consommation de ressources supplémentaires n'est pas vraiment chiffrable, et sera tenté de répondre presque rien (coût marginal nul).
    * Le chef de train sera plus mesuré : si soixante passagers font comme lui, il faut ajouter une voiture au train. Il sera donc tenté d'imputer 1/60ème du coût de la voiture pendant le temps du transport.
    * Le chef de ligne ne l'entend pas de cette oreille : on ne peut pas ajouter indéfiniment des voitures à un train, et au bout de 20 voitures il faut doubler celui-ci. Il souhaite donc imputer pour sa part, en plus du 1/60ème de voiture précédent, 1/1200ème du prix de la motrice et du salaire de son conducteur.
    * Le chef de réseau n'est pas du tout d'accord : on ne peut pas multiplier ainsi les trains sans risque sur une même voie, et à partir de 50 trains par jour il est obligé de doubler la voie. Il ajoute donc pour sa part 1/120 000ème du coût de la voie (toujours rapporté au temps du transport) => coût très élevé.

    Cet exemple illustre qu'on ne peut jamais proprement parler du coût d'un bien ou d'un service, mais qu'il est plus exact de parler de coût d'une décision en indiquant à quel niveau on la considère. Ainsi il introduit la notion de responsabilité. Il apparaît qu'en indicant le niveau le plus élevé, soit la "Société humaine", alors le coût d'une décision tends... vers l'infini. Le consommateur est donc l'acteur le plus puissant du jeu capitaliste !
    Nous pouvons en conclure sans le moindre doute, que la responsabilité de chaque consommateur-joueur est énorme, donc les futurs possibles sont beaucoup moins étroits que ce que nous croyons. Chaque acte est empreint d'une conséquence imprévisible, qui potentiellement change le monde à chaque instant. Aucune prévision n'est possible. Aucune prophétie ne se réalisera avec certitude. Le consommateur joueur est libre de ses achats et responsables de ses conséquences potentiellement infinies : il est le maître du Jeu Capitalisme.


    Les grands Hommes libres qui marquent l'Histoire ont de grandes responsabilités. A la fin du premier épisode de Civilization, le jeu pro-capitaliste par définition, votre nom reste à jamais dans les mémoires des futurs colons de l'espace. Ça fait plutôt plaisir, ce qui est normal et mérité vu que vous en avez à priori chié plusieurs dizaines d'heures.

    Références supplémentaires :
    Histoire du Capitalisme[Wikipedia]
    Chaire de Théorie des Jeux et Gestion[HEC Montreal]

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=106:reflexions-spiritualite-et-jeux-video-le-capitalisme-liberal-partie-22&catid=35:reflexions&Itemid=29