Guitar Hero,
premier du nom, a véritablement relancé un temps le jeu musical (ou de
rythme pour parler plus largement, même si dans ce grand ensemble on
peut trouver désormais des Just Dance, série
remplaçant, en terme de ventes, le papa-guitare). Genre pourtant pas
récent. Comme pour tous les domaines artistiques, un gros succès
commercial entraînant une foule de copies, on vit débarquer des clones
du jeu d'Activision avec plus ou moins de saveur. La plupart se
démarquant les uns des autres par leur playlist plus que leur gameplay, globalement identique. Du coup, quand on constate qu'un jeu tente de
renouveler le genre par de nouvelles règles et une bande son originale,
notre esprit à moitié endormi est soudain ragaillardi. C'est ce qui se
produisit pour ma modeste personne lorsque Maestro ! Jump in music, du jeune studio Pastagames, débarqua sur Nintendo DS. Un peu de fraîcheur dans cette ritournelle commerciale.

 

I) L'alliance improbable

Gérer toutes les informations

Maestro ! Jump in Music, c'est avant tout l'alliance impossible de deux genres, la plateforme d'un côté et le jeu musical de l'autre. Comment concilier un héros sautillant et la finesse, la rapidité et la précision d'un jeu de rythme ? En faisant courir notre canard, puisqu'il s'agit du héros, sur des fils faisant office de cordes d'un instrument et obstacles obligés du Jumpman-like.

Ainsi, notre volatile débute chaque niveau en franchissant à pas cadencés une grande clé de sol, symbolisant ainsi le commencement du morceau. Alors qu'il court sans s'arrêter, le joueur va devoir gérer les différentes actions possibles pour faire du chiffre car là est l'objectif principal du soft. Il faut réussir à jouer le plus de notes, certes, mais le plus justement possible pour engranger des points et donc passer au niveau suivant.

Alors que Canardo effectue ses foulées, plusieurs cordes s'offrent à nous. En haut, en bas, partout. Certaines demandent à être
grattées au bon moment pour effectuer de belles notes. D'autres
nécessitent un va-et-vient frénétique pour obtenir une mélodie propre à
la mandoline. Enfin, certaines sont regroupées pour faire un
tout, il faut alors les toucher les unes après les autres afin de jouer
un air d'harpe. Différentes dispositions pour différents instruments, simple mais ingénieux.

Agir sur notre canard

A côté de ces grattements frénétiques et jouissifs, il faudra également au joueur de gérer d'autres informations comme le lynchage d'ennemis. Certains volatiles, entres autres, vous tourneront autour. Il s'agit
d'être patient, d'attendre que le cercle qui les entoure se resserre
suffisamment pour tapoter d'un coup sec et dégager du même coup le nuisible. Même principe pour les stages se déroulant au Mexique, des volailles habillées en Mexicain devront être éliminées en tapant au bon moment sur des cibles leur passant dessus.

Il ne faut pas gérer que des
informations extérieures au héros, il faut également le diriger par
certains moments. En grattant vers le bas la corde sur laquelle se
trouve notre oiseau, il effectuera un saut. L'action inverse produira une descente d'un cran. Pratique lorsqu'il s'agit d'esquiver un ennemi ou récolter des fruits (permettant d'augmenter notre score).

C'est par ce mélange de mécaniques propres aux jeux de rythme et ces vieilles recettes du jeu de plateforme que Maestro ! Jump in Music réussit à captiver. Dosage quasi parfait entre deux disciplines diamétralement opposées, a priori, le soft fait vivre au joueur une aventure soutenue sans temps mort ni réel gâchis.

II) La musique classique à l'honneur

Rares sont les jeux musicaux à miser à ce point sur la musique classique, c'est vrai qu'il est plus tendance (et plus vendeur également) de mettre l'accent sur des groupes rock/pop voire des titres dancefloor. A part Wii Music et Moderato Cantabile (adaptation d'un manga pour filles, mélange de romance mièvre et de fiction pointue sur la musique), c'est bien simple on ne trouve quasiment personne.
Pour les portables, on navigue même en plein désert.

Même si la liste de chansons que propose Maestro ! Jump in music n'est pas exclusivement composée de musique classique elle en est gorgée à hauteur de 90% au moins. Au programme, tous les grands incontournables. Peu de surprises, malheureusement, peu d'audace pourrait-on dire mais ne jouons pas au plus fin. Le plaisir reste intact.

On pourra ainsi prendre plaisir à se faire une Petite fugue de Bach, un passage du Casse noisette de Tchaikovsky ou encore une Danse hongoise de Brahms. De quoi réviser ludiquement ces grands morceaux. Réviser ou découvrir
puisque le jeu mentionne, pour chaque niveau, le titre, l'auteur et
propose même une petite présentation bourrée d'humour de l'extrait sur
lequel notre canard se défoulera.

III) Un scénario pour un jeu musical

Les jeux musicaux ne sont pas vraiment connus pour l'importance de leur scénario. On est là pour jouer, jouer et encore jouer. C'est simple, on zappe les scènes cinématiques, on zappe ces péripéties d'un groupe de rock qui monte, par exemple, pour arriver plus rapidement aux sessions de jeu.

Ce Maestro ! Jump in music propose lui un petit scénario fort sympathique. On n'atteint pas là des sommets d'ingéniosités mais une idée accrocheuse et agréable à suivre.
Au programme, une femme pour deux hommes, un drame aussi ancien que la philosophie aristotélicienne. En effet Bella, une canarde magnifiquement fardée, vient semer le trouble dans une petite ville paisible où règne la musique.

Presto, le héros que l'on incarne et notoire chanteur d'opérettes, tombe sous le charme de la ravissante donzelle tout comme Staccato son voisin d'immeuble et accessoirement guitariste. Les sérénades commencent, à coup de vocalises pour l'un et de riffs assassins pour l'autre. Mais les femmes ne comprennent rien au rock et c'est donc vers Presto que notre pépète se dirige. Blessé, meurtri, Staccato pique une crise monumentale et va jusqu'à jeter le silence le plus absolu sur cet univers musical. Presto n'a plus qu'à libérer toutes les villes du coin et terrasser son rival, désormais incontrôlable.

L'idée est simple mais amusante et permet aux développeurs de proposer des environnements variés (sous l'eau, dans l'espace...) ainsi que des scénettes développant l'idée de la lutte entre les deux amoureux transis. Les images introduisant
chaque nouvel environnement et les sempiternelles batailles contre Staccato participent à ce développement.

Mais Maestro ! Jump in music ne se contente pas d'un scénario amusant, il propose également un final intéressant et pour le coup surprenant. Alors que l'on bataille ferme depuis des dizaines de niveaux, voilà notre ennemi guitariste enfin terrassé. On se dit que notre gentil monde va rentrer dans l'ordre, que les nuages disparaitront et tout le tralala. Que nenni ! La lumière
s'allume, des applaudissements se font entendre.

Le joueur retrouve le classique schéma du triangle amoureux mais prenant une tournure atypique puisque musical mais surtout complètement factice. Au beau milieu d'une scène de théâtre, les trois protagonistes saluent un public en liesse. Cette aventure n'était qu'un vaste spectacle vivant à la mise en scène intelligente. Au royaume du faux et de l'illusion,
le joueur se retrouve être le dupe de cette grande manigance.

Mention


Commentaire : Petit jeu sorti de nul part, Maestro ! Jump in music réussit à nous séduire l'espace de quelques heures. Malgré quelques
défauts (des arrangements moins réussis que d'autres, les affrontements
du boss sous-exploités...), ce premier jeu du jeune studio
Pastagames nous propose un mariage aussi improbable que jouissif et une
bande son atypique dans le monde des jeux musicaux. Pour une première
production, ce n'est pas si mal.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=112:chronique-maestro-jump-in-music-ds&catid=37:ds&Itemid=28