Les jeux japonais n'ont pas spécialement la cote aujourd'hui, à part quelques exceptions. Les softs de chez Platinium Games rentrent dans ce petit cercle des productions nippones de qualité. Après Bayonneta, Madworld, on avait compris que nos Japonais fous étaient de grands créatifs maniant l'absurde, l'outrance à tous les niveaux (n'hésitant pas à verser parfois dans le mauvais goût), bref des types biens. Néanmoins, chacune de leurs productions conserve un petit fond de sérieux, comme pour légitimer un produit qui, à la base, partait dans tous les sens. Un vrai talon d'Achille tant la posture détruit le reste. Mais concentrons-nous aujourd'hui sur le titre Vanquish. Jeu d'action ultra pêchu, jouissif mais également bien décevant sur une foultitude de points.

I) Un étrange mélange

Ce que nous proposent les gars de chez Platinium Games, c'est avant tout un grand mélange. Une sorte de mariage improbable entre des genres normalement éloignés. Au lieu de faire un traditionnel TPS, comme c'est décidément la mode avec cette génération de consoles, nos Japonais nous servent une mixture qui allient la vision et les mécanismes du TPS popularisé par Gears of War (système de couverture, de gestion des armes, de mouvements prédéfinis si l'on est caché...) à la rapidité d'action d'un Shoot Themp Up (les boss vous tirent des dizaines de roquettes à la seconde, ça canarde dans tous les sens, tout va très très vite, le turbo du héros et compagnie).

En clair, l'idée est de casser cette sacro-sainte demi-stratégie institutionnalisée, une fois encore, par GOW. Se planquer derrière un bloc de bitume, attendre que l'autre ait vider son chargeur pour dégainer à son tour, se déplacer de muret en muret, bref de la douceur dans un monde de brutes. Tous ceux qui tentèrent, pour faire le malin, de perforer les lignes ennemies des Locustes en tapant le sprint s'en souviennent : c'est la mort assuré.

Peut-être agacé par cet aspect figé de l'action, repris par d'innombrables clones (La saga Uncharted par exemple), Vanquish se veut l'antithèse du jeu d'Epic. Ici tout va vite, fuse et l'on est plus dans un jeu se basant sur nos réflexes que sur l'élaboration d'une stratégie se fondant sur l'avance sécurisée. Certes, on peut se planquer, certes il n'est pas possible de foncer tête baissée, surtout lorsque l'on prend d'assaut un barrage qui monte à pic, mais malgré tout on peut se permettre de dynamiser considérablement les phases de shoot. Un coup de turbo pour foncer sur un ennemi et lui fracasser le crâne, un autre pour aller se planquer in extremis, encore un pour contourner ce mur sur pattes qui vient de se dresser en face de soi...

Cette accélération de l'action se double, autre héritage du shoot them up, d'une débauche visuelle incroyable digne d'Ikaruga. C'est simple, un épileptique rendrait son dernier souffle dès la deuxième seconde de jeu. Ça clignote de partout, ça se télescope, devant, derrière, sur les côtés. C'est quand même autre chose que ces batailles rangées, vues et revues chez les confrères. Un souffle nouveau, pas forcément incroyable mais agréable en cette période de clonage intensif.

II) L'upgrade pour les nuls

Certains jeux misent sur une customisation outrancière. C'est le cas de la série Army of Two qui nous permet de bichonner notre râtelier comme s'il s'agissait de notre propre femme. Ajouts sur toutes les armes, choix variées, couleurs différentes, etc. Même Halo récemment, avec son Reach, mou et chiant, nous proposait une customisation de ce type. Casque, torse, tant de combinaisons possibles pour les manias du tuning vidéoludique.

Et bien, accrochez-vous, Vanquish fait tout le contraire. Les différentes armes ne sont pas à acheter après un butin précieusement amassé, mais juste à ramasser. Sur un champ de bataille rouge sang, vous n'aurez qu'à délester un ancien ennemi de son bazooka ou lance-disque pour l'avoir et l'utiliser. Tout simplement. De même pour les améliorations des armes. La capacité du chargeur, par exemple, se verra accru grâce à une collecte sur un cadavre.

 

En clair, les développeurs parient ici sur une customisation simple et rapide. Celui qui est récompensé, c'est celui qui tue, beaucoup. Alors, il pourra délester les cadavres, ou les coffres parfois, pour améliorer son personnage. Après tout, ce tuning pour les nuls, ceux qui ne veulent pas se prendre la tête à se perdre dans des grilles insondables et la gestion d'une monnaie artificielle, réjouira les fanas d'action pur. Encore une fois, il faut aller vite, ne pas briser l'action, que ce soit dans la fluidité des gunfights ou dans la gestion du personnage.

III) Des situations types pour une créativité en berne

Ce qui est choque dans ce Vanquish, c'est la fainéantise globale des développeurs. Eux pourtant  si prolifiques, créatifs, délirants, d'habitude, voilà qu'ils nous servent un alignement ennuyeux de situations types pour confectionner leur jeu. Du coup, on aura le droit à l'inévitable passage sur un train avec le duel entre wagons (le vôtre et celui des ennemis, côte à côte, à toute vitesse), la traditionnelle désactivation d'un brouilleur qui réveillera logiquement une résistance en attendant des renforts, la commande à débloquer manuellement vu qu'elle ne fonctionne plus à distance (impossible de l'activer de loin), ou encore le beau poncif du « un camarade est resté sur le champ de bataille, il faut vite aller l'aider avant  que les portes se referment... » (le gars chutera mais sera récupéré de justesse).

Pas besoin de m'étaler, on l'aura compris l'originalité n'est pas au rendez-vous. Bien au contraire, on refait des scènes tant mâchées qu'elles ressemblent désormais à de la bouillie. Où est le plaisir ? Est-ce que, sincèrement, vous trouvez fun d'aller désactiver un brouilleur pour la centième fois dans votre vie de gamer ? De tirer sur un wagon qui bouge tout seul ? Soyez sincères les gars. Moi, j'en suis désolé par avance, ça m'emmerde. Ça m'emmerde de voir une telle facilité.

Surtout que ces situations types se couplent à une foule de défauts du même type. Prenons les boss. C'est bien simple, les développeurs les recyclent comme si l'on était dans un vulgaire Devil May Cry ou un congrès écolo. Viper Cristal (sorte de repompe de l'homme de cristal du manga Cobra) ramène sa fraise deux, trois fois; tout comme l'araignée géante et j'en passe. C'est du développement durable permanent. Même s'il peut avoir ses vertus dans le cadre de la vie quotidienne, ce n'est rien d'autre qu'un tic de branleur lorsqu'on parle de création. Ne pas être capable, sur un jeu pourtant pas bien long (même si ennuyeux les deux dernières heures), de varier ses boss c'est quand même un comble.

Et que dire du scénario, creux comme une chanson de Christophe Maé. En partant d'un postulat classique, la Terre se fait attaquer par des envahisseurs de l'espace (plus précisément, c'est San Francisco qui morfle), les États-Unis et les forces alliées vont casser la gueule aux communistes (décidément à la pointe), les vilains derrière tout ça (enfin des types qui cherchent à faire un putsch pour être précis). On tient ici un mélange entre 24h chrono (la présidente, le rythme de la longue intro cinématique...), le film de genre (Science-fiction bad ass) et le nanar (les cocos de l'espace). Si le second degré était omniprésent, on pourra apprécier grandement ce qui serait une sorte de pastiche des productions actuelles en matière d'action/thriller et en même temps une création déviante débridée.

Au lieu de cela, le scénario se déroule péniblement durant les 3/4 de jeu. On n'avance pas beaucoup, mis à part les classiques péripéties qui nous obligent à prendre telle voie et pas telle autre. La fin du jeu apporte enfin son twist ringard comme si le scénariste venait de se réveiller après une bonne cure de sommeil. Le général qui vous accompagnait est un traître, il aide la présidente (traître envers la Nation) qui cherchait à déclencher une guerre pour des intérêts bassement économiques. Bref, la critique, grossière et rapidement évacuée (malheureusement), des U.S.A pour la question du World Trade Center/Pays du Moyen Orient s'enlise bien vite jusqu'à ce que le générique de fin la sauve de sa médiocrité.

Une fois encore, Platinium Games tente d'insuffler un peu de sérieux à leur jeu, croyant donner de l'épaisseur à une production qui sombre au final dans le grossier. Autant s'abstenir quand on ébauche une critique politico-économique en lorgnant du côté des théories comme « la guerre relance l'économie donc provoquons une guerre ». On ne peut pas débuter un tel propos dans la dernière partie du jeu et conclure brutalement. Il fallait préparer le terrain, développer un univers, des personnages, des liens amenant les idées. Bref, pas juste proposer un jeu d'action nerveux. Une erreur de composition, clairement. Le cul entre deux chaises avant la grande bascule.

IV) Personnages insipides et petite transgression

Les personnages ne sont pas plus passionnants que le scénario. Au contraire, on s'ennuie ferme en voyant notre héros, un stéréotype sans saveur (le décontract' qui assure), le général qui vous épaule (vieux loup de guerre) ou les méchants russes pas plus bandants. Là encore, les petits gars de chez Platinium Games se reposent sur leurs lauriers, pensant que leur coup de force en matière de gameplay et de gestion du personnage principal suffit. Seulement, on ne fait pas un chef d'œuvre en délaissant tout le reste. Que ce soit la création de personnages qui ont du corps, un scénario qui tient la route et qui sort des canevas vus et revus dans tant de productions antérieures.

Seul détail amusant, et le mot détail n'est pas excessif, le fait que notre héros enchaîne clope sur clope. C'est bien simple, à chaque temps mort, notre brave en grille une. Une cigarette qu'il a d'ailleurs bien du mal à finir. Il faut dire que fumer sur un champ de bataille, ça n'est pas très évident. Du coup, on peut y voir deux choses. D'une part, le désir des développeurs d'apporter un peu de transgression, ce qui est d'ailleurs récurent dans leurs productions (Bayonetta qui botte des culs ou se retrouve à poil lorsqu'elle lance un gros sort), une transgression de petits bras (sans conséquence ni intérêt); d'autre part, la volonté d'approfondir le héros en faisant de lui une sorte de fou furieux de l'action, un peu désinvolte et dandy lorsqu'il s'agit de se reposer. Se griller une petite clope après une fusillade, derniers résidus d'une virilité malmenée. Au final, ça ne pisse pas très loin.

Enfin, pour terminer cette chronique et apporter un ultime filet à mon moulin, je note également la présence d'une insulte, dans la bouche de vos amis, un brin subversive (beaucoup plus pour le coup) en ces temps de politiquement correct. On est habitué, dans un jeu d'action, au grand défouloir oral. Ici, c'est le mot « enculé » qui revient régulièrement. Une vocifération qui fait plaisir à entendre au regard de notre époque, si propice aux inquisitions du quotidien....on s'amuse comme on peut.

Mention 

Commentaire : Vanquish est un bon jeu d'action. Un TPS qui tente de casser les codes établis par Gears of War et tant réutilisés par ses clones. Tout va vite et est pensé pour que le joueur puisse enchaîner l'aventure sans réellement se poser. Customisation facile, turbo, personnage très rapide...Seulement, on ne fait pas un grand jeu en oubliant de travailler également le reste. Scénario creux qui cherche l'ambition vers la fin mais chute dans le grotesque, personnages insipides (stéréotypes fadasses à la transgression de petits bras), situations types ennuyeuses. Bref, une créativité en berne sur de trop nombreux points. On ne retrouve qu'un alignement de poncifs qui sont plus à mettre sur le compte de la fainéantise que du professionnalisme. Dommage.

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