D'abord sceptique, un GTA-Like bis, j'ai finalement dépassé mes a priori pour essayer ce InFamous à la plutôt bonne réputation. Au final, cette exclusivité PS3 a tout du jeu qui cache une belle gueule sous une allure ordinaire. Enquête.

 In, Famous, Infamous

Version bad boy

L'influence de la ville carcérale ou l'ombre de Carpenter

La ville dans laquelle évolue Cole est une ville carcérale. Ancienne grande cité, désormais close, coupée du monde après une attaque terroriste qui mis en branle à peu près tout le monde. Au lieu de gérer la situation, le pouvoir politique (incapable ou lâche) fait de la ville une prison géante laissant pourrir la situation (ce qui conduit à un communautarisme violent : les faucheurs, ancien gang devenu puissant, et les nettoyeurs, SDF prenant en quelque sorte leur revanche) plutôt que de résoudre les problèmes. Zake, l'ami de Cole, constate lui-même dès le début du jeu, avec ironie, l'absence de secours médicaux. D'ailleurs, on aperçoit que les rares bonnes intentions (l'envoi de nourriture) sont mal gérées. La caisse tombe un peu n'importe où et se retrouve accrochée à un câble.

Cette dimension carcérale d'une ville se refermant sur elle-même et nourrissant encore plus de violence qu'avant (mauvaise solution donc) nous renvoie à un film comme New York 97 de John Carpenter. Dans le film, l'augmentation du crime aux USA conduit à transformer l'île de Manhattan en prison géante. On observe ainsi dans InFamous et New York 97 un pouvoir politique démissionnaire, par rapport à la question terroriste et la survie après l'attaque. Des actions pour contenir plus que guérir. Voilà qui en dit long sur la capacité de la politique à résoudre les problèmes aujourd'hui.

Snake, Carpenter

"Une ville carcérale...je m'en charge"

Gameplay

L'évolution de nos pouvoirs est progressive. Petit à petit, après chaque sous-station rallumée, on découvre une nouvelle capacité. De même, via le bouton select il est possible de gérer nos pouvoirs en débloquant des améliorations des capacités existantes. Simple et efficace, on regrette juste quelques vilains bugs qui gâchent parfois l'expérience.

Codes du super-héros et personnage qui doute

Dans InFamous, même si le soft n'est pas estampillé Marvel, on retrouve de nombreux codes du récit type super-héros. Notre personnage, ordinaire, simple livreur, se voit par un accident (après l'attaque terroriste, il est électrocuté alors qu'il fuit mais ne meurt pas) devenir le détenteur d'un pouvoir. A partir de là, sa vie change. Il affronte des méchants, doit protéger les siens et compagnie.

En réalité, on est plus du côté d'un Spiderman que d'un Superman. Cole n'est pas une entité solide de l'affrontement simpliste de monolithes moraux (le Bien et le Mal). Certes, les deux notions sont avancées mais jamais on ne nage dans un confort digne des récits des pulps où le chemin est balisé, les choix faciles, les ennemis bien ciblés. C'est rassurant.

Dans InFamous, on progresse vers le Mal ou le Bien. C'est par des choix moraux, des missions que l'on choisit de faire (encore du choix) ou même la manière dont on aborde les choses (tuer un ennemi en faisant exploser une voiture qui tuera des passants ou la jouer fine en achevant le bougre au corps à corps pour éviter les éclaboussures, s'écraser au sol en faisant une déflagration qui anéantira quelques passants ou retomber simplement avec une roullade...) qui feront de nous, petit à petit, un être adulé ou craint.

Infamous, boom

Un jeu très "son et lumière"

Alors, les citoyens réagiront différemment. Soit, ils vous aimeront, prendront des photos de vous, lâcheront quelques mots agréables à votre contact ; soit, ils vous détesteront et pourront même vous frapper. En plus d'un changement de comportement de la population, on aura pogressivement la possibilité de faire des missions vertueuses ou non. Toujours en regard de notre passif. Par ce système de jauge progressive, InFamous veut nous montrer que tout est une question de choix, délicats parfois, et du destin à certains moments. On se construit ainsi, on gagne peu à peu la confiance ou inversement. Rien n'est donné en bloc, tout est cheminement. Le Bien comme le Mal.

Mais revenons un peu sur les choix moraux. Le jeu met en œuvre de nombreux choix de ce type. Réguliers et variés, ils participent au développement de la personnalité de Cole. On est loin des coups de pute, on reste poli, d'un Army of Two 2 plus fasciné par des twists improbables (les bons choix ne sont jamais payants car la conséquence, absurde, nous retombe toujours sur le coin du nez : Sauver une femme qui allait se faire violer et qui est une ordure infiltrée au final). Ici, les choix sont logiques, compréhensibles et évitent un manichéisme trop prononcé.

Par exemple, dès les premières missions, on devra décrocher une caisse de nourriture, larguée par erreur près d'un arc et bloquée dans des câbles. Une fois décrochée, la caisse s'écrasera sur le sol et sera assaillie par la population crevant la faim. Deux possibilités, chasser les affamés pour survivre (compréhensible vu la ville chaotique dans laquelle on évolue) ou jouer l'altruisme inconfortable (on est pas dans son fauteuil en appelant le Téléthon).

Autre cas, devant forcer un check point on se retrouve face à un barrage de la police. Deux possibilités, s'attaquer aux forces de l'ordre (quitte à déguster) ou inciter la population à faire une émeute et souffrir à votre place. Plusieurs choix moraux reprennent ce modèle, souffrir ou trouver un substitut. Mais on ne verse jamais dans le sadisme, c'est la peur de voir notre vision complètement troublée, d'être à bout de force après tel ou tel acte qui nous motive et non pas une volonté gratuite de faire mal.

Cole est un personnage finalement fragile. Sa femme aimée lui en veut (car il est considéré comme le responsable de la mort de sa sœur) et doit se racheter auprès d'elle (sans savoir si cela réussira). Son ami, Zake, l'oblige à se partager entre l'amitié (aides et entraides) et la colère (Zake met sa vie en danger, lui en veut car il ne peut l'aider du fait de sa normalité). De plus, notre héros devra se frotter à des organisations louches, personnes se téléscopant, mensonges et compagnie, rendant encore plus instable le sol sur lequel évolue notre brave gars.

Dur dur d'être un héros : bilan négatif des pouvoirs

Le final du jeu, pour ma part, fut très pessimiste. Après quelques plans de la ville (en ruine, comme au début), on entend Cole dire, « Je ne me suis jamais senti aussi seul ». Certes, la métasphère (objet de toutes les convoitises, concentration puissante d'énergie, potentiellement dangereuse) est détruite, son double schizophrène (Kessler) aussi mais Cole a perdu la femme aimée (lâcher du haut d'un immeuble); Zake, son meilleur ami, est loin (une certaine distance après la trahison de ce dernier à cause de la métasphère : il préféra partir avec Kessler plutôt que de continuer à aider Cole dans sa quête); la population l'adule mais peut changer (on a bien vu que de paria au début de l'aventure, les gens le prenaient pour un monstre à cause d'un JT pirate qui l'accusait de tous les maux, il est devenu après de nombreuses bonnes actions un « dieu ». Seulement la popularité est fugace et fragile. Les gens influencables.).

Infamous, altitude

Il est toujours bon de prendre un peu d'altitude

Alors certes, Cole a des pouvoirs mais une vie intime détruite ou fortement malmenée. Au final, cette anormalité le rejette dans une marginalité douloureuse. La solitude.

Durée de vie

Environ 15-17 heures pour terminer l'aventure. Globalement le plaisir reste le même grâce à un personnage qui se construit intelligemment, une évolution des pouvoirs et de l'intrigue avec son lot de rebondissements. Seulement, le dernier quart devient plus pénible. On sent la longueur, la difficulté augmente parfois à l'excès, on étire les missions. Heureusement, le final est bon.

Le héros torturé et schizophrène

On réalise à la fin du jeu que Kessler, mystérieux mentaliste puissant et pourchassé, et Cole (notre héros) ne sont qu'une et même personne. Kessler, son lui d'avant en réalité (donc plus vieux), en fuyant après la découverte du pouvoir acquis a finalement fait les mauvais choix, conduisant à la mort sa famille.

Le combat que mène notre personnage n'est donc pas celui d'un gentil contre un méchant, mais de lui-même contre son alter ego, création mentale et négative de son passé. Par ses pouvoirs, il a réussi à se donner une seconde chance, rejouer cette tragédie pour faire, enfin, les bons choix. En clair, on tient là un super-héros étonnant car torturé et schizophrène. On est loin du teenager jouisseur. Fier de transgresser la société grâce à des pouvoirs acquis miraculeusement. Ouf.

Infamous, explosion

De quoi les calmer un peu

Mention

B+

Commentaire : InFamous est finalement un jeu qui ment. D'apparence, simple GTA-like bis, le soft prend de l'ampleur les heures passant. S'appuyant sur des codes du comics comme quelques recettes vidéoludiques connues, il n'en demeure pas moins que notre jeu électrique nous propose un héros intéressant, un univers urbain sombre et quelques autres réussites. Il manque probablement un peu de charisme et un dernier quart moins pénible (longueur et compagnie) mais rien qui n'entame vraiment le statut de "bon jeu".

Chronique d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=66:infamous&catid=44:ps3&Itemid=28