Le très beau Tomboy de Céline Sciamma.

Dans la famille Sciamma, je voudrais le garçon

C'est les mains tremblantes et la tête essorée de tous nos souvenirs d'enfance que nous ressortons de la projection du nouveau-né de Céline Sciamma. En effet, si le film traite d'un garçon manqué (Tomboy en anglais, merci l'ami internet), le thème important n'en reste pas moins l'enfance.

Laure, le garçon manqué en question, vient d'emménager dans le quartier et va faire croire à ses nouveaux amis qu'elle est un véritable (petit) garçon. Voilà pour le pitch ! Si ce dernier paraît un peu simpliste, il n'en est rien du film ! En effet, Céline Sciamma nous y montre de jeunes têtes blondes criantes de vérité. Les petits comme les grands sont très bien interprétés et paraissent d'un naturel tel qu'on les reconnaît tous. Les reconnaître ? Comment ça ? Mais oui, nous les avons tous déjà rencontrés dans notre enfance : le garçon manqué, le dur de la bande, la seule fille de notre groupe d'amis. Nous avons tous forcément passé nos vacances avec l'un d'eux.

La réalisatrice les capte si précisément que l'on a l'impression d'avoir affaire à un livre de Stephen King (ça). Le film aurait pu nous ennuyer fermement, mais grâce à ses personnages, nous ne pouvons qu'être un peu émus, nous nous rappelons nos vacances, nos amours et nos querelles. Nous nous attachons aux personnages. Surtout à Laure, qui n'est pas si bizarre que ça. Après tout, nous avons tous eu une période de doute sur nous- même. Que ce soit à l'entrée dans l'adolescence ou à un autre moment. Combien de filles s'amusaient avec des « action man » et côtoyaient plus de garçons que de filles ? Des tas ! C'est bien normal, notre corps n'a pas encore poussé et la fameuse différence entre les sexes n'est pas encore flagrante à cet âge-là (10 ans). Si le film semble traiter de quelque chose d'anodin, un vrai mal s'y cache. La haine de la différence : « T'es une fille alors tu joues pas au foot ! »

Alors si ici les enfants ne tabassent pas Laure lorsqu'ils apprennent son secret, le destin de cette dernière aurait été complètement changé s'ils avaient été plus vieux. La réalisatrice ayant déjà traité des adolescents avec Naissance des pieuvres. Attention, préparez-vous, nous arrivons au moment d'extrême philosophie de ma critique (ou pas). Prêts ? C'est (re)parti ! Dans Tomboy, Laure va essayer  plusieurs stratagèmes pour faire croire à sa masculinité, elle va se couper les cheveux, regarder comment se comportent ses amis du sexe opposé et les imiter. Là, nous parlons de mimétisme batésien.

Quésako ? Lorsqu'une espèce est en territoire ennemi, elle va adopter le comportement de ses prédateurs pour ne pas se faire remarquer et, mieux, s'intégrer. Laure, à un certain moment va aussi se fabriquer  un pénis en pâte à modeler, comme dans Friends! Vous ne vous rappelez pas ? Pas grave. Bref, Laure va donc se faire ce fameux pénis et après l'avoir utilisé pour la piscine, elle va le remettre dans la petite boîte où elle met d'habitude ses dents. Or, perdre ses dents, dans le monde des rêves, signifie une peur de la castration chez l'homme. Y a-t-il un lien ? Je vous laisse le choix, ces interprétations restent toutes très personnelles ! Mais si nous acceptons le lien, nous pouvons nous dire que Laure refuse de perdre sa virilité et devenir une femme ; en effet elle va tout faire pour rester virile. Après, peut-être que c'est parce qu'elle préfèrerait ressembler au modèle masculin de sa famille, son père, qui semble d'ailleurs la comprendre mieux que sa mère. Mais finalement, le film ne traite pas de « pourquoi vouloir devenir un garçon », mais plutôt de « comment devenir grand?» et se confronter au monde sous notre vrai jour. Laure s'est peut-être transformée en ce qu'elle n'était pas pour mieux s'intégrer dans ce nouvel habitat.

Le rouge et le bleu restent les couleurs importantes du film. Laure avait d'ailleurs demandé à sa mère que sa chambre soit peinte en bleu, couleur plus souvent utilisée pour peindre les chambres des jeunes garçons. De plus, elle apparaît souvent à l'image avec un short ou une culotte rouge, elle nous rappelle notre cher Mowgli du Livre de la jungle. Pour ce qui est de la partie technique, la caméra est toujours placée à la hauteur des enfants et cela permet de nous montrer le monde tel qu'ils le voient. Les flous et les nets sont souvent utilisés pour mettre des objets ou des personnes en évidence. La bande-son est très bonne, elle ne contient qu'une musique ! Mais, elle est vraiment bien! La réalisatrice préférait ne pas mettre trop de musique pour qu'il n'y ait pas de distance entre nous et les personnages. La chanson « Always » de Para One a donc été sélectionnée (introuvable sur internet !), ce groupe avait déjà fait la bande-son de l'autre film de Céline Sciamma (Naissance des pieuvres).

Pour finir, je peux dire que le film plaira, c'est sûr. Mais il ne faut pas y aller en pensant voir un film bourré d'action. Tomboy est un film intérieur, il nous ramène à nous-mêmes, à la personne que nous étions ; le but est de découvrir des personnages, les comprendre ou les détester. Bien qu'il soit presque impossible de les détester, ce ne sont pas encore des adolescents, ils n'ont pas de boutons d'acné, ils sont tous beaux. Ils ne font pas de crise et ne s'évanouissent pas dès qu'on leur parle de Justin Bieber... Ah! L'enfance! C'est bien quand même ! Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, vous pouvez reprendre une activité plutôt normale, quant à moi, je vais rappeler mes vieux amis d'enfance et aller construire un barrage, comme à la belle époque !

OGB