Cela fait quatre ans que les quelques journées de l'E3 représentent un petit marathon geek annuel. Plusieurs journées à veiller parfois tard le soir, à supporter des conférences de chiffres, de casual gaming, d'auto congratulations, de show à l'américaine. Mais c'est un prix bien dérisoire à payer pour avoir une avalanche de trailers, de séquences de gameplay inédites voir d'annonces inattendues quand les Dieux vidéoludiques sont bons. Difficile néanmoins de garder un effet de surprise à l'heure de la surenchère d'information et la fin imminente de cette génération de consoles a également déteint sur le salon de cette année. Mais plus important encore, les éditeurs et constructeurs semblent tous s'être résignés à suivre la ligne directrice de l'E3, du grand spectacle à outrance quelque soit le type de jeu présenté. Peu importe qu'il s'agisse de Tomb Raider, Resident Evil 6 ou Splinter Cell, c'est le nombre de morts à la chaine qui importe, plutôt que miser sur leurs spécificités individuelles ces jeux vidéos préfèrent se montrer dans leur dimension spectaculaire, quitte à se ressembler les uns les autres. Cette répétitivité a au moins un impact positif, il est plus facile de remarquer les œuvres triple A qui sortent du lot et ce sont sur elles que je vous propose de vous attarder maintenant, sur ces quatre fantastiques qui font qu'en dépit de sa piètre qualité je n'ai pas regretter d'avoir suivi cet E3.

 

 

THE LAST OF US

  S'il fallait regarder cette présentation de Last Of Us avec un regard matérialiste, le jeu n'est finalement guère différent des Uncharted dans sa construction. Néanmoins en délaissant la dimension décomplexée des Indiana Jones, Naughty Doy dote à son gameplay un enrobage réaliste qui fait toute la différence. Un héros obligé de se battre sans pouvoir récupérer sa vie par magie, sans transporter une cinquantaine de munitions sur lui et qui subit véritablement les coups au lieu de s'en relever avec une blague au passage, l'impuissance du personnage n'en renforce que l'intensité des combats. La présence de la gamine qui l'accompagne accentue de surcroit le suspense des affrontements car il ne s'agit pas ici d'un simple boulet qui reste à l'écart de l'action mais d'une enfant obligée de venir en aide au héros démuni malgré sa vulnérabilité. De quoi prévoir de sérieux moments de stress pour épargner autant que possible ce fragile compagnon des combats contrairement à une certaine blonde qui gueulait « LLLLEEEEOOOOOONNNNNN !!!! » à tout bout de champ.

  S'il n'y a pas trop matière à s'inquiéter pour la qualité de l'écriture, l'interaction entre les deux personnages principaux et l'émotion qui en découlera, je suis plus sceptique sur la surenchère d'action de la séquence illustrée. Naughty Dog va devoir trouver un équilibre délicat pour maintenir la crédibilité du jeu si les développeurs comptent proposer autant de combats dans le jeu final mais j'ose espérer que l'action de cette séquence s'accordait surtout avec l'E3 et son besoin permanent de spectaculaire pour alimenter le show. Ce Last Of Us a déjà réussi un tour de force inespéré, dans l'avalanche d'explosions, de déferlements de morts et de violence glaciale qui s'est enchainée dans cet E3, la plus belle réaction du public à un jeu vidéo est apparue lorsqu'une gamine a lancée une brique sur un voyou. Qu'on ne vienne pas me dire que les joueurs ne veulent pas plus d'ambiance et d'émotion dans leurs jeux maintenant. En espérant que ce jeu vidéo sera enfin le premier titre d'envergure à dépeindre une apocalypse sous un regard plus intimiste et émouvant car si la fin du monde avec des morts vivants est un cadre récurrent depuis ces dernières années, il aura malheureusement fallu attendre l'adaptation du comic Walking Dead pour voir un jeu vidéo de zombies mettre ses personnages et son réalisme au premier plan.

 

 

 

  BEYOND

 

  Le nom de David Cage est indéniablement associé aux débats les plus houleux qui accompagnent l'actualité vidéoludique de ces dernières années. Accordant une grande importance à la narration et à l'implication émotionnelle du joueur dans un univers, je suis le premier à reconnaître les défauts narratifs d'Heavy Rain que ce soit l'éparpillement maladroit de l'intrigue entre les différents protagonistes, les dialogues parfois pompeux ou un certain classicisme de l'ensemble. Néanmoins le jeu conserve une qualité pour lequel je lui serais toujours reconnaissant, celle d'avoir eu le courage de présenter un univers plus réaliste et intimiste au joueur. Incarner des individus ordinaires est un élément tellement rare dans cette industrie qu'il en est agréablement déroutant. Cette réalité des personnages n'était pas vaine, la mortalité, l'impuissance et la détresse du personnage principal encourageaient l'implication émotionnelle déjà mentionnée. Si je devais ainsi garder un seul souvenir d'Heavy Rain, ce serait cette simple scène entre Ethan Mars, qui aurait dû rester l'unique héros jouable du jeu, et son fils au début de l'aventure. L'éloignement des deux personnages est palpable, la scène fourmille de multiples interactions ingénieuses pour permettre au joueur de renforcer ou d'atténuer l'affection entre les deux protagonistes. J'en suis venu même à regretter que le jeu ne présente pas un cadre aussi posé dans sa globalité, privilégiant le suspense aux sentiments des personnages. Cette scène est restée dans ma mémoire de joueur au même titre que les quelques minutes de calme dont profite le héros de The Darkness avec sa copine. Évidemment l'action n'a rien d'exceptionnelle mais cette banalité renforce pourtant la crédibilité des personnages et de ce fait notre proximité avec eux. Mais pourquoi donc ces scènes font encore figure d'exception dans le paysage vidéoludique ?

  Alors oui l'annonce du nouveau Quantic Dream était une de mes plus grosses attentes de cet E3. La présentation de Beyond m'a intrigué et un peu alarmé. En premier lieu même si c'est con à dire la présence d'Ellen Page fait plaisir à tout le monde. L'actrice est globalement associée à un cinéma américain de qualité et sa présence ne peut qu'apporter une crédibilité supplémentaire à ce jeu vidéo. Néanmoins ce nouveau projet abandonne le réalisme assumé de Heavy Rain pour verser à nouveau dans le surnaturel. Je comprends le désir de créer une histoire plus originale et je fais parti de ceux qui pensent que c'est dans l'imaginaire que nous pouvons parler le mieux de la réalité, néanmoins je ne suis pas prêt d'oublier la manière chaotique dont le paranormal avait été géré dans Fahrenheit, allant jusqu'à causer la déchéance du jeu. Il est raisonnable d'espérer que Quantic Dream a acquis davantage de maturité et de maitrise pour intégrer plus habillement le surnaturel dans son œuvre mais je ne peux m'empêcher de rester sur mes gardes en attendant plus d'informations. De surcroit après toutes les critiques émises envers Heavy Rain sur son statut de film interactif assez passif, le choix de se focaliser uniquement sur la technique par l'intermédiaire d'une longue cinématique n'était pas le moyen le plus judicieux pour introduire ce Beyond, la séquence de gameplay présentée en parallèle du salon aurait sans doute été plus appropriée.

  Et oui, ce sont deux exclusivités Sony qui ont le plus attirés mon attention et ont su faire la différence vis à vis de la concurrence. Je n'ai jamais possédé une PS3, je joue sur Xbox et je n'en suis pas malheureux, à l'heure du multiplateforme la guéguerre des consoles m'a toujours paru une perte de temps inutile. Néanmoins il est indéniable que ces exclusivités m'interpellent bien plus que les Gears et Halo que Microsoft s'évertue à mettre en avant, peut être au point de délaisser le Pad si agréable de la 360.

 

 

 

WATCH DOGS


  Si Ubisoft peut être félicité d'avoir su garder son atout secret jusqu'au dernier instant, l'habilité de la communication de l'éditeur est également digne de louanges. Fin de la conférence, après une heure de musique, d'explosions et de pétarade, les esprits commencent à s'apaiser. Un teaser mystérieux s'enclenche. Presque sans qu'on ait le temps d'y réfléchir, une séquence de gameplay fait son apparition. Le rythme assez apaisé de la scène contraste avec le dynamisme de la conférence, un personnage à la dégaine d'un héros de film noir déambule tranquillement dans un bar en hackant tous les appareils qui l'entoure. Je me prends soudain à rêver d'un héros qui ne porterait pas d'arme à feu et se reposerait entièrement sur ses talents de pirate informatique pour survivre. La réalité refait vite son entrée en montrant le héros tuer une dizaine de personnes en quelques instants. Tant pis !

  Visuellement ça tue la gueule. Mais à ce stade de la conférence, je n'en avais honnêtement rien à foutre, juste heureux de voir une licence inconnue débarquer dans ce paysage de reboots et suites. Et le meilleur était à venir. L'action opère une transition exceptionnelle en montrant le point de vue d'un deuxième joueur observant du haut de l'immeuble l'action jusqu'ici présentée. Un océan de possibilités s'ouvre alors. Un mode coopératif avec un scénario unique ? Plusieurs scénarios s'entrecroisant ? Des quêtes pouvant être accomplies seul ou à plusieurs ? Avec Valve, Ubisoft est le développeur m'ayant offert mes meilleurs moments de multijoueur sur cette génération (Splinter Cell Conviction, Assasssin's Creed Brotherhood/Revelations), tous les espoirs sont permis pour qu'ils nous offrent à nouveau une expérience à plusieurs innovante. C'est tout le bien qu'on leur souhaite.

 

 

ASSASSIN'S CREED 3

 

  Assassin's Creed et moi c'est une longue histoire. Le premier opus fut mon premier jeu sur Xbox360. Ma première claque graphique. Je me rappelle tous ces moments à regarder la modélisation d'Altair dans l'écran de chargement, l'ombre projetée par les nuages, la hauteur vertigineuse des bâtiments. Et quel plaisir pour un fan des Prince des Persia 3D comme moi de pouvoir contrôler un héros enfin libéré dans ces déplacements, s'agrippant naturellement à chaque élément de décor. Et puis ce background, le concept de l'Animus qui justifie la construction même du jeu vidéo, cette action silencieuse sur l'Histoire ou encore ce regard acerbe sur Dieu et les dérives des religions. La saga m'aura accompagné sur toute cette génération de consoles au rythme de trailers aux gouts musicaux inspirés. Le second opus aura apporté la variété et la richesse du gameplay qui manquait tant au premier opus en y sacrifiant l'ambiguïté de son intrigue. Les spin off malgré leur manque de nouveautés dans la campagne solo auront compensés par leur multijoueur inattendu et efficace. Et tant pis si nous ne revisiterons pas encore notre Histoire avec la Révolution Française, c'est du côté des Etats Unis que l'aventure se poursuit.

  Tiens une chasse au cerf ? Ça rappelle Red Dead Redemption...en mieux. Depuis que j'avais essayé en vain de faire remonter une pente à un John Marston qui s'était lamentablement cassé la gueule, je rêvais depuis longtemps de me déplacer dans une nature foisonnante avec la fluidité d'un Assassin. L'efficacité du level design et de l'animation de la saga fait encore des merveilles ! La présentation n'offrira pas beaucoup de détails sur l'intrigue malheureusement, espérons que le jeu évitera le manichéisme d'un The Patriot comme Ubisoft l'a promis. Dommage également de voir le héros infiltrer le camp des anglais avec la subtilité d'un Terminator tout en ayant pris des cours chez Matrix, Revelations avait enfin réussi à trouver un équilibre plutôt bon dans la difficulté de la série, espérons que ce troisième opus principal saura le faire également. L'ambiance est là en tout cas et la séquence jubilatoire sur le navire montre qu'Ubisoft compte tirer pleinement parti de la nouvelle époque qui lui sert de cadre de jeu.

 

 

Et toi cher lecteur, as tu également trouvé tes 4 fantastiques durant cet E3 ?