Cette année 2010 s'achève dans la joie et la bonne humeur! Enfin dans la vie de tous les jours, car en ce qui concerne le cinéma, il est difficile de sauter de joie devant le bilan plus que mitigé de cette piètre année cinématographique. Manque de bol pour ma part, cette année aura été la première où j'aurais bénéficié du pouvoir merveilleux de la carte UGC illimité et même si celle ci m'a permis de découvrir plusieurs films à côté desquels je serais certainement passé, elle a surtout été l'occasion de visionner un nombre extraordinaire de navets qui s'accumulent fièrement en bas de mon classement cinématographique de 2010, à tel point que j'ai sérieusement songé à faire un classement des dix pires films de cette année où j'aurais eu largement matière à écrire.

Toutefois, inutile de verser dans l'énervement inutile, cette année a livrée suffisamment d'œuvres intéressantes pour établir un classement pertinent de films, même si en réalité seuls les quatre premiers de la liste auront un souvenir vivace à travers le temps. Mais tout de même, pourquoi un constat aussi mitigé? Au risque d'avoir le sentiment de se répéter à travers les articles, une fois de plus la principale cause vient du manque d'audace et de créativité affligeant du cinéma Hollywoodien qui à force de fournir une overdose insupportable d'adaptations (de comics, de livres, de jeux vidéos, de séries etc etc) le tout combiné avec les suites, les remakes, les reboots, semble avoir depuis longtemps oublier les notions de prise de risques et d'originalité. Et dans la mesure où qu'on le veuille ou non, le cinéma américain demeure le premier visage du septième art à travers le monde de part son omniprésence dans les salles obscures (là où le cinéma asiatique est souvent mis de côté), cette paresse dans la production générale des blockbusters véhicule de plus en plus une image lassante du cinéma, qui au fur et à mesure encourage les spectateurs à s'intéresser à d'autres médias témoignant de davantage de créativité telles que les séries télévisées ou les jeux vidéos.

Néanmoins, tout espoir n'est pas perdu car cette époque ne manque absolument pas de talents cinématographiques mais il lui faut la volonté et l'audace générale de l'exploiter et d'oser s'aventurer dans des terrains inconnus, principalement sur le plan narratif. En effet, la 3D, au delà de ses intéressantes promesses, ne sortira pas le cinéma de sa crise identitaire et créative, la manière dont le procédé est d'ailleurs commercialement exploité démontrant une fois de plus le manque d'audace du cinéma actuel. C'est en cela que la situation actuelle est le plus énervant, le cinéma a totalement les capacités de rivaliser en terme de qualité avec les autres médias mais c'est cette paresse et cette complaisance dans la médiocrité qui l'empêche de convaincre. Et le cinéma mérite mieux qu'un tel traitement car le septième art demeure malgré tout le meilleur moyen de véhiculer une émotion vivace et de s'interroger sur la condition humaine. Pour cette raison, voici donc un classement, totalement subjectif mais néanmoins argumenté est t-il besoin de le préciser, des films qui sont parvenus à susciter l'intérêt durant cette année malheureusement bien mitigée.

 

 

 

       1. Inception

Leonardo DiCaprio. Warner Bros. France

 

Autant être clair d'entrée de jeu, cet Inception trône largement devant ses concurrents et s'impose facilement comme le meilleur film de cette année 2010. Christopher Nolan y signe son œuvre la plus aboutie qui pourrait aisément être assimilée à 2001 l'Odysée de l'espace dans la carrière de Stanley Kubrick. Si le scénario pourrait au premier abord sembler confus en raison du dynamisme de l'action, il demeure extrêmement cohérent et surtout compréhensible malgré sa démesure et sa richesse. Christopher Nolan a réussi à obtenir les moyens nécessaires à l'ampleur de son sujet, dépeindre le monde des rêves et le pouvoir fascinant de la création. Si la mise en abîme du cinéma y est inévitable, le récit possède un grand nombre de facettes qui méritent d'être explorées de part son mélange audacieux des genres et sa focalisation sur la psychologie de son héros, oscillant perpétuellement entre le monde des rêves et la sombre réalité.

Pour le reste, le film fait honneur au gage de qualité instauré par les films de Nolan, que ce soit sur le plan de la mise en scène, la photographie, la justesse du jeu d'acteur sans oublier la musique particulièrement inspirée et ingénieuse du grand Hans Zimmer. Il est néanmoins un peu abusif de qualifier cet Inception de révolution, en effet le film n'apporte pas de grands bouleversements sur le plan visuel et il explore dans son scénario des thèmes déjà brillamment exploités par d'autres films avant lui. Malgré tout, il demeure la preuve inéluctable des propos du début de cet article, l'innovation, l'audace et la prise de risques peuvent se révéler payants qu'il s'agisse en terme de qualité et d'intérêt cinématographique que sur l'aspect commercial. Il faut maintenant espérer que le succès mérité du film, cumulé avec le raz de marée intergalactique d'Avatar (oeuvre moins complexe mais qui a également le mérite d'être originale), incitera l'ensemble de la production Hollywoodien à enfin sortir de leurs mauvaises habitudes bien tenaces et à offrir des films dont on ne connait pas déjà l'univers avant de l'avoir vu et où le plaisir de la découverte se fait enfin ressentir.

 

 

        2. Lovely Bones

Paramount Pictures France

 

Certains ne voient dans la figure de Peter Jackson qu'un maitre du divertissement, d'autres, un peu plus perspicaces, y décèlent un talent pour véhiculer de l'émotion et un profond sentiment d'humanité. Avec ce Lovely Bones, le cinéaste quitte enfin la démesure de ses précédents films pour un propos beaucoup plus intimiste et particulièrement délicat sur la mort et le deuil. Trouver le ton juste sur un thème aussi grave n'était pas un pari aisé mais néanmoins accompli par Peter Jackson qui avec beaucoup de nostalgie et tendresse dépeint ce combat pour surpasser le caractère inéluctable de la mort. C'est en visionnant ce Lovely Bones qu'on ne peut que regretter que ce cinéaste ait accepté la réalisation de Bilbo le Hobbit, presque par dépit et pour arranger tout le monde vu le développement chaotique du projet et son faible intérêt pour le film. Car comme le témoigne ce film, ce cinéaste gagnera beaucoup à explorer d'autres histoires que celles de la Terre du Milieu.

 

       3. The Social Network

 

Jesse Eisenberg. Sony Pictures Releasing France

 

Certainement la meilleure surprise de cette année 2010, ce Social Network qui semblait inévitablement limiter par son sujet et qui finalement atteint des proportions assez inattendues. Il y a dans ce nouveau film de David Fincher un peu du sentiment délectable qui parsemait Fight Club, l'impression de regarder à travers ces personnages excentriques une peinture de notre société et de ses défaillances. En l'occurrence, cette histoire de la création de Facebook est avant tout l'occasion de dépeindre la focalisation sur les apparences et le superficiel de notre époque qui encourage à l'exhibition de la richesse personnelle au détriment des valeurs humaines. C'est ce que « le conard de nerd », qui fait figure de héros pour ce film, aura compris et su retourner à son avantage, prenant ainsi sa revanche sur son entourage mais se retrouvant paradoxalement avec ce film pris à son propre piège.

 

 

         4. Shutter Island

 

Mark Ruffalo et Leonardo DiCaprio. Paramount Pictures France

 

 

Malgré sa filmographie des plus impressionnantes, Martin Scorcese ne semble pas manquer d'inspiration ni d'idées pour se renouveler. De la même manière des films d'horreurs les plus intelligents, le cinéaste limite les effets de gore et d'effroi au profit de l'atmosphère en se focalisant sur les tourments psychologiques qui parsèment le sombre héros du film. La folie est bel et bien le sentiment qui résume le mieux l'atmosphère de ce Shutter Island dont la plus grande qualité réside, au delà de l'efficacité de la mise en scène et de la qualité du jeu d'acteur, dans l'excellence du scénario. Cela n'est guère étonnant au regard du fait que le film est une adaptation d'un roman de Dennis Lahane dont les oeuvres avaient déjà été retranscrites dans Gone baby gone et Mystic River, deux films bénéficiant déjà d'une intrigue de grande qualité.

Quoiqu'il en soit, s'il est peut être abusif de placer ce Shutter Island parmi les plus grandes oeuvres de Scorcese, étant donné la somme considérable de grands films qui parsèment la carrière du réalisateur, il s'agit néanmoins indéniablement du meilleur film né de sa collaboration fructueuse avec le décidément exceptionnel Leonardo Dicaprio.

 

      5. Toy Story 3

 

Walt Disney Studios Motion Pictures France

 

Ce Toy Story 3 aura été attendu avec autant d'impatience que de crainte compte tenu du délai important entre la sortie de cet opus et celle du second volet qui renverra certains d'entre nous à leur tendre jeunesse. Pourtant les talentueux créateurs de Pixar ont une nouvelle fois réussis leur pari et ont même fait le choix plutôt risqué de se focaliser principalement sur l'émotion, même au détriment de l'humour. Il en résulte un film dans la continuité de ses prédécesseurs qui dresse un portrait touchant et sincère de l'abandon de l'enfance et de la crainte de la solitude. Fait remarquable, Toy Story demeure l'une des rares séries qui aura su maintenir un niveau de qualité sur la durée. Ce choix d'humaniser les jouets, les éléments emblématiques de l'enfance, aura été l'une des décisions les plus ingénieuses du parcours impressionnant de Pixar et à présent que cette saga est arrivée à son terme, elle laissera non seulement le souvenir de son humour, sa vivacité mais surtout celui de sa tendresse et sa grande nostalgie sur l'innocence des premiers âges qui doit inévitablement disparaître un jour.

 

 

       6. L'Illusionniste

Pathé Distribution

 

 

A nouveau, un petit bijou de l'animation mérite d'être salué dans ce classement d'autant que cet Illusionniste véhicule autant d'émotion que le film de Pixar cité plus haut. En choisissant d'écarter presque totalement l'usage des dialogues, l'Illusionniste atteint une forme de pureté visuelle dans laquelle les sentiments se transmettent avant tout par l'image et la qualité de la réalisation. Entre humour et tristesse, poésie et réalisme, magie et désillusion, ce film d'animation sort clairement des chemins traditionnels et offre un spectacle dont l'originalité ne fera pas écho auprès de tous mais qui mérite indéniablement d'être félicitée.

 

 

        7. Kick Ass

Aaron Johnson. Metropolitan FilmExport

 

Kick Ass fait parti de la poignée de bons films qui découlent des adaptations de super héros, le tout étant malheureusement englué dans une masse de médiocrité et de conservatisme. Cet anti héros compte pour sa part bien coller une raclée aux habitudes du spectateur en lui offrant une représentation violente, crue et hystérique de la fascination pour les super héros, le tout renforcé par une réalisation décomplexée tout en demeurant de qualité et une bande sonore jubilatoire. Il demeure regrettable que la dernière partie du film atteigne de telles proportions excentriques et invraisemblables ce qui la rend incohérente vis à vis du propos initial de l'intrigue mais ce Kick Ass reste malgré tout un divertissement délicieusement déjanté, violent et sacrément original. Et effectivement ce n'est déjà pas si mal.

 

 

        8. Des hommes et des Dieux

Mars Distribution

 

La sobriété est le terme le mieux approprié pour résumer ce récit de huit moines chrétiens confrontés à la terreur et la folie humaine. Le film a l'intelligence de ne pas limiter son propos à un simple cadre religieux et n'hésite pas à mettre en scène les peurs, doutes, interrogations et craintes de ses hommes qui parviennent à surpasser la tentation de céder à la panique grâce à leur foi envers l'humanité et la volonté de leur engagement et de leur aide envers autrui. Plus qu'un message d'ordre religieux, le film présente avant tout une belle leçon de courage et de volonté remarquablement appuyé par le talent de ses interprètes.

 

       9. Scott Pilgrim vs the world

 

Michael Cera. Universal Pictures International France

 

A nouveau l'originalité du film et son traitement décomplexé et audacieux le démarquent du reste de la production standardisée actuelle. Au delà de sa dimension geek totalement assumée, Scott Pilgrim demeure une excellente comédie, sacrément bien réalisée, certes répétitive mais qui a l'audace de mener son délire jusqu'au bout et d'offrir un flux ininterrompu de gags et d'idées originales. Peut être pas la meilleure comédie du siècle mais l'un des plus grands moments de rigolade offerts par les salles obscures depuis longtemps.

 

         10. Shrek 4

 

Paramount Pictures France

 

Si le troisième volet de la saga de Dreamworks avait déçu, ce Shrek 4 apporte une conclusion réussie à cette série d'animation qui aura eu le mérite de ne pas simplement se limiter à une parodie des contes de fées en créant sa propre mythologie peuplée de personnages attachants et émouvants. De plus, rarement un héros de film d'animation aura été aussi proche du spectateur moderne dans ses craintes vis à vis de l'avenir, la famille et dans le cas présent, la perte de la liberté et la routine du quotidien. Les meilleurs histoires ont toutes une fin et celle ci s'est joliment achevée.