Extrêmement similaire dans sa construction narrative à StarWars Kotor qui marqua une étape importante dans la popularité grandissante de Bioware, Jade Empire reprend les quelques défauts de son illustre aîné à l'image des mouvements grotesques des personnages durant les dialogues mais surtout ses nombreuses qualités en proposant au joueur un solide périple initiatique lui conférant le sentiment de s'approprier cette aventure épique. Malheureusement, en dépit de l'immersion certaine suscitée par cette nouvelle quête interactive, tous les éléments de Jade Empire témoignent d'un manque de finition conséquent en comparaison des chefs d’œuvres de Bioware.

Contrairement à l'univers plus réaliste d'un Mass Effect, Jade Empire propose un monde chevaleresque dans la continuité de celui de Kotor et si cela implique évidemment une vision plus manichéenne de l'intrigue, le récit bascule vers une simplicité regrettable. En dépit de sa confrontation explicite entre le bien et le mal, StarWars Kotor avait su apporter la multitude de choix moraux nécessaire pour apporter des nuances de gris à son récit, les quêtes proposées apportant l’ambiguïté suffisante pour ne pas rentrer dans la caricature. Mais malheureusement Jade Empire se contente de proposer le blanc et le noir, ne cherchant jamais à déstabiliser moralement le joueur et ne lui offrant d'autre choix que d'être totalement roleplay entre l’héroïsme exacerbé ou le machiavélisme débridé. Le manque de diversité conséquent dans les choix proposés se reflète d'autant plus dans des passages étant des reproductions évidentes de scènes de Kotor comme le chapitre des Assassins du Lotus renvoyant immédiatement à la planète Korriban mais offrant beaucoup moins de libertés interactives.

Les quêtes secondaires sont également parmi les moins intéressantes vues dans un jeu de Bioware. Étant d'une part inutilement bavardes, elles n'apportent surtout aucun élément intéressant au récit, qu'il s'agisse d'enrichir le background ou d'approfondir les relations avec les personnages alliés. La plupart des PNJ rencontrés sont obnubilés par leurs problèmes personnels et n'apprendront ainsi rien de bien intéressant au joueur. Enfin la mise en place du récit est rébarbative et inutilement longue dans sa première partie. D'autres détails plus anodins viennent également amoindrir l'expérience comme une durée de vie relativement courte et l'impossibilité pour le joueur de revenir dans les zones déjà explorées.

Ses nombreuses lacunes ne doivent toutefois pas empêcher de voir les qualités du récit principal. Toutes les étapes du traditionnel voyage initiatique sont parfaitement assimilées par l'intrigue, les rebondissements sont suffisamment présents pour maintenir l'intérêt du joueur et l'aventure propose une variété suffisante d'alliés pour que tous les joueurs puissent s'attacher à un personnage. Néanmoins, la somme des défauts regrettables de Jade Empire ternissent l'immersion globale suscitée par l'aventure qui reste inférieure à ce qu'a pu proposer Bioware dans son parcours vidéoludique.

La plus grande qualité du jeu est presque indépendante de sa volonté puisqu'elle réside dans l'originalité de son ambiance. Vampirisé par la science fiction et l'heroic fantasy occidentale, l'imaginaire vidéoludique a ainsi rarement accordé son attention à la mythologie chinoise, pourtant riche en thématiques fortes qui ne demandent qu'à être exploitées. A l'image des excellents séries animées The Last Airbender et Legend Of Korra, Jade Empire exploite avec intelligence les mythes qu'il dépeint, évitant la vulgarisation et offrant une œuvre sincère et juste au joueur. Jade Empire aurait mérité d'être sublimé dans des potentielles suites où la réalisation et la mise en scène d'un Mass Effect appuyées par une plus grande diversité de choix moraux et une originalité plus marquée dans son approche auraient pu lui permettre d'atteindre le Panthéon des RPG occidentaux. La qualité du récit principal, l'excellence de l'ambiance proposée et le délectable sentiment d'appropriation de l'aventure font de ce Jade Empire un RPG très sympathique mais malheureusement l'une des œuvres les moins abouties du parcours de Bioware.