Metro 2033 n'est pas un grand récit interactif mais une plongée fascinante dans un univers à la triste beauté. La plus grande qualité de l'intrigue est de fournir un prétexte parfait au joueur pour découvrir les multiples facettes d'un monde incroyablement cohérent où l'explorateur navigue entre claustrophobie, peur primitive de l'inconnu et cruauté humaine. Appuyé par une bande sonore exceptionnelle et une interface ingénieuse directement intégré dans l'action, l'immersion immédiate suscitée par ce FPS narratif doit également beaucoup à son rythme posé. Metro 2033 ne craint pas la contemplation et laisse ainsi le temps au joueur de s'imprégner viscéralement de l'instinct de survie véhiculé par ce monde crépusculaire, une survie quotidiennement rappelée par les nombreux décès de survivants dont le joueur est le témoin impuissant. La tension palpable du jeu qui tend à quelques reprises vers le survival horror est de surcroit enrichie d'une dimension fantastique savamment dosée ajoutant une peur et un mystère supplémentaires au récit sans lui faire perdre sa crédibilité.

Le désir de mieux connaître ce monde délabré est malheureusement prédominant sur la motivation de suivre l'histoire principale moins maitrisée qu'elle n'y parait. Le récit souffre d'une introduction beaucoup trop expéditive et d'un scénario qui peine à exprimer clairement ses enjeux tout comme développer les questionnements identitaires inhérents à l'univers apocalyptique. A la manière de Dishonored, la plus grande erreur de l'intrigue est de rendre son héros muet malgré la multitude des personnages secondaires avec lesquels il interagit, rendant ainsi la plupart des dialogues grotesques. Ce choix aurait pu être louable et permettre au joueur de s'approprier davantage le récit si à la manière d'un Half Life 2 ou Bioshock, l'aventure s'était déroulée majoritairement en solitaire mais les nombreux survivants que le joueur sera amené à côtoyer donneront l'impression de se parler tout seul et ne jamais pousser leurs réflexions jusqu'au bout à cause du mutisme de notre héros. Une décision d'autant plus étrange que le héros exprime ses doutes légitimes sur son action durant les temps de chargement, laissant entrevoir la réflexion potentielle que le récit évite de développer. Certes le jeu tente bien de mettre en place un dilemme intéressant dans sa dernière partie et propose un alignement moral beaucoup plus subtil que la majorité des FPS narratifs mais globalement l'intrigue de Metro 2033 donne trop le sentiment de présenter au joueur le background de son univers et non les problématiques que son récit devrait susciter.

A défaut de son récit, le jeu peut toutefois compter sur sa réalisation visuelle pour assurer son immersion grâce à une direction artistique étonnamment inspirée malgré la monotonie inévitable de ce type d'univers. La mise en scène se révèle pour sa part en dents de scie et les excellentes séquences immersives côtoient des scripts beaucoup plus grossiers.

 

En ce qui concerne le gameplay, Metro 2033 aurait gagné à n'être qu'un jeu de survie à la première personne plutôt qu'un FPS traditionnel. La rareté des munitions, la respiration haletante derrière un masque à gaz fissuré, la fragilité de notre héros, les rafales de vent faisant trembler notre viseur, autant d'éléments renforçant l'immersion face à la férocité des créatures qui donneront lieu à des affrontements angoissés, rappelant parfois les lugubres souvenirs de Ravenholm. Malheureusement lorsqu'il s'agit d'affronter des ennemis humains, le résultat est sincèrement catastrophique. L'IA d'une médiocrité absolue adopte un comportement beaucoup trop aléatoire pour permettre de prendre du plaisir à l'infiltration proposée malgré un level design parfois bien pensé. Et quand il s'agit de faire parler la poudre, elle se contente de rester planquer derrière les murs, transformant les gunfights en ridicules parties de cache/cache qui deviennent rapidement énervantes à cause de l'obscurité du jeu et de la précision surréaliste des ennemis, enlevant tout intérêt aux affrontements armés dans les lieux exigus. Heureusement ce n'est pas la majorité de l'action du jeu et les batailles en extérieur proposent des combats plus intéressants mais il est difficile de ne pas soupirer face au gameplay "action" de Metro 2033. Non seulement ce dernier est finalement très classique et manque considérablement de variété mais il n'arrive même pas à proposer une action intéressante, même l'inévitable séquence de rail shooting est ratée.

Metro 2033 n'est donc pas dénué de défauts et ceux ci provoquent une gêne sincère car ils ternissent l'immersion immédiate suscitée par cet univers dont la présentation interactive est totalement maitrisée. Il est explicite dés le début du jeu que tous les éléments sont en place pour créer un grand FPS narratif mais sa maladresse narrative et la médiocrité de son gameplay brut se confrontent à la richesse du background et de l'atmosphère alors qu'ils devraient l'appuyer. Alors voici la question que vous devez vous poser avant de vous lancer dans ce voyage crépusculaire : l'ambiance est t-elle suffisante pour faire un bon jeu? Cette chose si diffuse et subjective que nous qualifions d'atmosphère. Qu'est ce donc au bout du compte? Peut être ce pincement au cœur face à la détresse des survivants impuissants devant l'anéantissement du monde. Peut être ces quelques instants que l'on s'accorde pour contempler le gâchis des splendeurs passées alors que notre respiration devient plus haletante. Peut être la rage de la combattivité humaine face au chaos grandissant. Peut être pas grand chose finalement...ou peut être quelque chose de plus important que tout le reste.