De Konami, sorti en 2004 sur PS2, Xbox et PC

 

L'OPUS POLEMIQUE

Après l'apothéose artistique qu'était Silent Hill 3, l'équipe de Konami avait fort à accomplir pour se renouveler. C'est pourtant ce qu'elle fait en sortant le quatrième opus de la série sous-titré «The Room», en 2004. Car tout en conservant une réalisation visuelle et sonore plus que respectable, cette nouvelle itération baigne dans une ambiance largement plus axée épouvante qu'horreur. Mais malheureusement, ces efforts n'auront pas suffit à combler les fans parce que pour la première fois avec The Room, un épisode de Silent Hill est décrié et semble décevoir la majorité, ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est encore aujourd'hui le seul volet qui ne se déroule pas du tout dans la ville de Silent Hill (même si elle est évoquée), mais à Ashfield, ce qui vous en conviendrez, peut avoir un côté déroutant. Ensuite se pose le problème du bestiaire raté et absurde, qui contrairement aux précédents, n'a cette fois aucun sens ni aucun impact visuel. D'ailleurs, le personnage principal lui aussi manque de relief par rapport à une Heather ou un James Sunderland, et apparaît souvent trop effacé, trop spectateur, il n'a pas vraiment l'air impliqué dans l'histoire. Autre ombre au tableau, celle de la progression, divisée en deux phases distinctes, qui nous est imposée durant le jeu. Effectivement, on alterne régulièrement entre des passages en huit clos dans un appartement qui, présentés en vue subjective, font office de point de sauvegarde, de recharge, et d'avancée narrative, et les phases plus traditionnelles en extérieur, où le gameplay reste tout à fait classique (la seule nouveauté étant qu'on peut désormais charger ses coups au corps à corps). Du coup, même si ce rythme en alternance donne lieu à un stress dû aux scripts dans l'appartement qui montent crescendo au fur et à mesure, la répétitivité prend vite le dessus. Maintenant, si il y a une goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour beaucoup de monde, c'est bel et bien la seconde moitié du jeu, horriblement lourdingue : on nous y inflige de reparcourir le jeu en sens inverse (qui a dit «comme dans DMC 4» ?!), de constamment gérer l'omniprésence d'ectoplasmes devenus invincibles en les bloquant avec des artefacts, et le pire du pire, on nous colle le boulet de service sur le dos, notre voisine de pallier sur qui il va falloir veiller. Il ne manquerait plus qu'on nous mette les dialogues en elfique et qu'on nous coupe les deux jambes, tiens...

L'intro du jeu :

 

"IL Y A UN TROU DANS MA SALLE DE BAIN"

Les règlements de compte étant faits, je peux maintenant m'attarder sur LA grande force du jeu : son scénario alambiqué, complexe, certes un peu tiré par les cheveux et faiblement lié aux autres Silent Hill, mais tout de même passionnant. Le synopsis, absolument génial, nous place sous les traits de Henry Townshend qui, lors de son réveil habituel, se retrouve mystérieusement enfermé dans son propre appartement, le 302 (le film «Chambre 1408» n'est vraiment pas loin). Sa porte est cadenassée, enchaînée, et ses fenêtres semblent comme condamnées par une force surnaturelle. L'homme, tout comme le joueur, commence à paniquer et à perdre espoir, jusqu'à ce que troublé, il s'aperçoive qu'un trou à taille humaine a été creusé dans un mur de sa salle de bain. Il ne se fait pas prier pour s'insinuer dans ce qui n'est autre que son unique issue de secours, et parvient à atteindre le monde extérieur. La libération ne sera cependant que temporaire, car même si Henry s'éloigne à chaque fois un peu plus de son point de départ, il se réveille immanquablement chaque jour dans le lit de son appartement 302. Un logis incontestablement maudit, puisqu'en plus de cela, une série de meurtres morbides semble avoir cycliquement lieu dans les alentours depuis un paquet d'années... Originale et inspirée, l'histoire de Silent Hill 4 The Room introduit des personnages secondaires charismatiques et profonds, qui gravitent autour d'une construction narrative très inspirée par les films policiers et les thrillers à suspens. En outre, elle traite avec brio la thématique de l'enfance à travers le personnage de Walter Sullivan, et se révèle finalement presque aussi cruelle que l'histoire du tout premier Silent Hill. En parallèle, et j'en terminerai là pour cet opus, le jeu se trouve être très prenant lors des phases de narration dans l'appartement, où la claustrophobie nous prend aux tripes. Puis, happé par cet intérieur sordide et prostré par la solitude qui nous envahit, on se surprend à épier avec fascination le comportement des voisins, voire à faire du voyeurisme en scrutant la belle Eileen Gavin d'à côté, à travers le judas ou le trou du mur qui rappellerait celui de Norman Bates dans «Psychose»...