De Konami, sorti en 2003 sur PS2 et PC, puis en 2012 sur Xbox 360 et PS3 dans sa version HD remasterisée

 

LE (VRAI) CHEF D'OEUVRE

En 2003, après que le mastodonte Silent Hill 2 eut conquis tous les amateurs d'horreur, Konami donne vie à l'opus qui lui succède. Plus orienté action car présentant davantage d'ennemis et autant d'armes puissantes, Silent Hill 3 rend dubitatifs les fans lors de sa sortie. Ce à juste titre, car en dépit de ses graphismes plus beaux que jamais (textures plus nettes, couleurs plus appuyées, ombres plus crédibles...), on constate rapidement que le gameplay n'évolue pas d'un iota, et que le début du jeu est assez laborieux : on n'y fait pas grand-chose hormis échapper aux monstres, l'histoire n'avance pas, et on se balade dans des endroits superflus tels qu'un supermarché, au lieu d'être à Silent Hill. Alors oui, face à l'œuvre parfaite qu'était Silent Hill 2, la première partie de cet épisode fait peine à voir. Certes, mais justement, si Silent Hill 3 n'a acquit son statut de chef d'œuvre qu'au fil des années, et si il est pourtant de loin le meilleur segment de toute la saga selon moi, c'est bien parce que sa seconde moitié est un accomplissement absolu, une apogée inouïe du concept Silent Hill, que seule une montée en puissance est en mesure d'amener.

L'intro du jeu :

 

LE PASSAGE A L'ÂGE ADULTE

Pour être plus précis, le déclic s'effectue lorsque Heather, l'héroïne de 17 ans jusqu'alors effrontée qui ne cherchait qu'à rentrer voir son paternel, arrive chez elle après avoir vécu ce qui ne semblait qu'être un horrible cauchemar. En lieu et place de son père adoré, la jeune fille innocente y découvre une lugubre surprise qui va lui faire souffrir le martyr et l'obliger à accepter la dure réalité. C'est à partir de ce moment crucial, que Silent Hill 3 commence à prendre tout son sens. On suit alors de façon beaucoup plus intime le personnage de Heather, dont le caractère mûrit à une allure folle. Extériorisant davantage ses sentiments profonds lorsqu'elle découvre l'histoire de ses origines et la nature de son destin, elle nous fait vivre bon nombre de moments poignants, la plupart du temps sous l'auréole des musiques chantées (une première dans la saga) qui procurent encore plus de sens et de poésie à l'instant.

-(Spoiler) Quand Heather découvre la nature de ses origines, dactylographiée de la main de son père tout juste décédé, sa culpabilité la fait terriblement souffrir. La scène se déroule sous la pluie, qui symbolise à la fois ses larmes de douleur, son repentir, et sa renaissance. A côté d'elle se tient Douglas, celui qui sera son seul soutien paternel à présent, et qui la conduit vers Silent Hill, le lieu où elle née. Cette scène divine, splendide, prodigieuse se déroule sous les airs de «Letter From The Lost Days», dont les paroles renvoient bien évidemment aux écrits du défunt :

 

UN VOYAGE EMOTIONNEL ET SENSITIF

Douglas Cartland, Claudia Wolf et Vincent, les trois protagonistes secondaires du jeu, sont tous très profonds. Mais c'est réellement Heather qui, en tant que personnage central et clé dans l'histoire de toute la saga Silent Hill, capte notre attention en véhiculant ses émotions. Dégoût, douleur, peine et désespoir sont successivement gravés sur son minois, d'où l'importance des animations faciales désormais parfaites, mais aussi du doublage de qualité, qui changera malheureusement sur la version HD... Silent Hill 3 va donc beaucoup plus loin que ses prédécesseurs en matière de puissance émotionnelle, mais aussi de symbolisme, car outre le fait que l'intégralité du jeu soit à la fois un hommage et une réitération du premier Silent Hill (le schéma narratif et les lieux visités à Silent Hill sont les mêmes), sa seconde partie va même jusqu'à mettre en scène des décors qui eux aussi, portent à leur manière un message narratif. L'exemple le plus probant est sans doute celui de l'hôpital de Brookhaven, dans lequel les murs deviennent vivants et organiques, pour imager la renaissance de Heather telle qu'elle se ferait avec douleur dans le ventre de sa mère. Et encore, il ne s'agit là que d'un avant-goût, car plus l'héroïne s'approche du lieu où doit s'accomplir sa destinée, plus la terreur s'accentuera. Effectivement, les nappes sonores se font de plus en plus violentes et insoutenables, les scripts, effets de mise en scène et autres jeux de caméra apparaissent de plus en plus inspirés, et le bestiaire ne cesse de devenir davantage malsain et dérangeant qu'il ne l'était déjà. Et je peux vous assurer que rien qu'en repensant au boss final, j'en frissonne encore !