Annoncé il y a moins d'un an, le dernier né des studios d'Ubisoft Montréal est déjà disponible (et ce, sur à peu près toutes les bécanes). Dirigé par Patrick Plourde, le Papa d'Assassin's Creed : Brotherood et de Far Cry 3, Child of Light se veut pourtant aux antipodes de ses grands frères. En effet, tant dans son univers et dans son système de jeu qu'en termes de budget et de temps développement, Child of Light n'a rien du gros Blockbuster AAA (Hormis peut-être la puissance Marketing). Il est néanmoins bon de préciser que la démarche avoisine davantage la philosophie créative que la restriction budgétaire puisqu'il est clair qu'Ubi a eu une petite envie de se la jouer studio indépendant pour l'occasion.

Alors Child of Light est-il l'oeuvre sincère et poétique que l'on nous a présentée ou s'agit-il d'une production fallacieuse n'ayant pour objectif que de surfer sur la vague à succès (d'estime) des jeux indés ? Voici en tout cas mon opinion sur la question...

 

Il était une fois ...

 

Child of Light s'apparente à une relecture moderne des oeuvres de Perraut et Grimm. Le jeu se déroule en 1895 et nous conte l'histoire d'Aurora, fille du Duc d'Autriche qui, à la suite d'une grave et troublante maladie, se retrouve plongée dans un profond sommeil. Ses rêves la conduiront aux confins du Royaume de Lemuria, lieu enchanteur mais en proie à la tyrannie de la méchante Reine Noire qui lui a dérobé son Soleil, sa Lune, et ses Etoiles. Aidée d'Igniculus, une luciole aux pouvoirs magiques, et très vite rejointe par de nombreux autres compagnons, Aurora devra récupérer les astres dérobés afin de sauver Lemuria, en espérant trouver par la même occasion un moyen de retourner vers son monde d'origine.  

 

Voilà pour ce qui est du point de départ de l'histoire. Et si cette dernière n'a rien de très palpitant (il s'agit d'un conte après tout), les auteurs ont néanmoins pris soin d'éviter le cliché de la princesse fragile que l'on retrouve habituellement dans les contes dont s'inspire l'histoire (Attention, on ne bascule pas pour autant dans la parodie plus ou moins lourdingue façon Shrek). Sans aller jusqu'à dire qu'il s'agit d'un conte féministe, nous apprécierons malgré tout cette petite distinction. La narration quant à elle est un peu plus problématique, mais nous y reviendrons un peu plus loin...

 

... La vraiment très Belle au Bois Dormant  

 

Dans la forme, Child of Light s'apparente à RPG assez classique, ce qui n'est en rien surprenant dans le sens où le jeu puise ses nombreuses influences chez certains Grands Noms du genre. En effet, si son scrolling horizontal nous rappelle des titres tels que Princess Crown, Valkyrie Profile ou plus récemment Muramasa et Dust, le système de combat quant à lui s'inspire directement de Grandia (en bien moins dynamique cependant). La grille d'évolution des personnages fait penser à une version simplifiée du sphérier de Final Fantasy X et de la même manière, difficile de ne pas songer à Final Fantasy IX devant l'univers et les personnages oniriques de Lemuria.  

 

Et l'onirisme parlons-en ! 

 

Déjà, il ne s'agit plus d'un secret donc soyons direct : Oui, Child of Light est sublime. Il s'agit tout simplement de l'un des plus beau jeux 2D disponible actuellement (l'Ubi Art Framework fait à nouveau des merveilles) et son univers est certainement l'une des plus grosses claques esthétiques de ces dix dernières années (avec Baten Kaitos, qui restera numéro un dans mon coeur...). Chaque tableau (fait-main) est empreint d'un charme certain et se balader dans les différents décors du jeu (suffisamment variés cela dit en passant) est une source d'émerveillement en-soi.  

 

Quand même, ça a de la gueule …

 

Et si nos yeux sont pour ainsi dire ravis, nos oreilles ne sont pas en reste : La bande son de Child of Light est également très réussie et accompagne à la perfection chaque séquence du jeu (Je ne connaissais pas C½ur de Pirate avant d'avoir joué à Child of Light et - bien que ses albums solo ne soient pas franchement ma tasse de thé - j'ai été pleinement charmé par la bande son qu'elle a composée ici).

Allez, s'il fallait tout de même mettre un petit bémol, les titres sont quand mêmes un peu répétitifs à la longue, tant dans leur construction que dans leur utilisation (et ils sont assez peu nombreux) mais bon, je chipote...

 

Trop Belle pour être honnête ? 

 

Voilà donc un jeu visuellement à tomber, aux musiques plus que séduisantes et dont les inspirations sont gages de qualité. C'est merveilleux alors ?

Oui c'est merveilleux, mais ce n'est pas encore suffisant attendez ! Child of Light veut également faire dans la poésie...

 

En effet, TOUS les dialogues du jeu sont écrits en vers. Une fois de plus, artistiquement parlant, les bougres d'Ubisoft ont accompli un travail d'orfèvre qu'il serait hypocrite de ne pas saluer, tabernacle!  (D’autant plus que le jeu est traduit dans plusieurs langues)  

 

Néanmoins, si l'idée n'est pas mauvaise en soi, là on commence à basculer tout doucement dans le too much...

Concrètement, on peut trouver ça mignon, voir amusant au départ, mais ça devient très vite chiant à la longue (et il aurait été tellement plus appréciable d'avoir des doublages pour apprécier l'écriture). Plus grave, les contraintes imposées par la forme rendent très souvent le propos confus et un clivage se crée progressivement entre le joueur, les personnages et l'univers.  

 

 

Les dialogues s’affichent en plan fixe, à la japonaise…

 

On en vient ainsi à un second point noir dont souffre le titre, à savoir le manque de charisme de ses protagonistes. Relativement nombreux (en comparaison à la durée de vie du jeu),  on ne peut pas dire qu'il soit vraiment développés; leur caractère et leurs histoires personnels sont survolés au gré de votre progression tout au plus. Bref, on aurait apprécié plus de soin à ce niveau-là.

 

Et comme évoqué au début de cet article, l'histoire n'est pas non plus trépidante, du moins certainement pas au point de sauver la mise. On manque donc cruellement de matière pour parvenir à s'attacher à l'univers de Child Of Light. On est certes ébahi devant sa beauté mais cela se résume trop souvent à de la simple contemplation. Un peu comme regarder une jolie peinture sans réellement s'intéresser au message qui se cache derrière l'oeuvre (et en l'occurrence ici, pas grand-chose). 

 

Et à part ça ?

 

Parlons rapidement du gameplay avant de conclure puisque ce dernier n'est franchement pas déplaisant. Classique nous l'avons vu, mais pas déplaisant pour autant.

 

Coté combats, nous avons droit à un bon vieux système de tour par tour (qui s'inspire très très fortement de Grandia je le rappelle). Lesdits tours sont matérialisés le long d'une timeline où figurent l'ensemble des combattants (alliés + ennemis) et qui est divisées en deux parties distinctes : la première, plus longue, où l'on attend son tour pour sélectionner une commande (attaque, magie, objets...), et la seconde, nécessaire pour charger son attaque avant exécution. 

L'intérêt du système réside dans le fait que "frapper" quelqu'un lorsqu'il se trouve dans la seconde zone revient à interrompre son attaque et à le renvoyer au début de la première (cela marche aussi bien pour les ennemis que pour nos personnages). Il y a donc une petite notion de stratégie dans la planification des attaques (toutes n'ayant pas la même vitesse d'exécution).

Pour compléter ça (et pour s'extirper un peu du plagiat de Grandia), il faudra également compter sur Igniculus pour mettre des batons dans les roues des ennemis. En effet, vous pouvez à tout moment contrôler librement la bestiole avec le stick droit, et une fois au contact d’un ennemi, Igniclus a le pouvoir de ralentir sa progression sur la timeline (en appuyant sur R2), ce qui permet (ou non) de pouvoir le prendre de vitesse selon les situations.

Bref, les combats sont assez divertissants bien qu'un peu répétitifs (et faciles - Sachant que le mode Hard est visiblement à recommander. Pour ma part, n'ayant pas trop accroché à l'univers, je n'ai pas eu envie de me compliquer la tâche avec les affrontements et je suis donc resté en Normal).

 


C’est surement plus clair comme ça …

 

On retrouve ensuite le classique système de points d'expérience, qui, à chaque level up, permettent de débloquer une amélioration (stats ou compétences) dans le "sphérier" (deux niveaux peuvent être nécessaires pour les meilleures techniques vers la fin du jeu).

 

Pour finir, un système de crafting de gemmes est également disponible. Chacun de nos perso peut en effet équiper jusqu’à trois de ces pierres afin de bénéficier de divers avantages (ajout d’un élément à une attaque, plus d’expérience à la fin des combats...). Leur efficacité dépend du niveau de pureté de la gemme, qui peut être augmenté en fusionnant les gemmes de même classe entre elles (ce qui permet également d'en créer des nouvelles).

Bref, un petit système sympathique pour vous occuper en dehors des combats et de l’exploration. Mais bien qu’il puisse se révéler utile pour se sortir des affrontements sans trop de difficulté, le système est un peu sous-exploité dans l’ensemble et pas forcément des mieux pensé (on ne se rappelle pas forcément quelles gemmes sont équipées sur quel perso lors des combats …)

 

Conclusion :

Child of Light est un jeu réellement magnifique, mais qui souffre un peu du syndrome Roukmoute dans South Park : il n'a pas vraiment d'âme.

Et si, contrairement à nos amis à la crinière orangée (qui me pardonneront mais la référence est elle aussi d'actualité), le jeu d'Ubisoft a le mérite d'être une franche réussite artistique, là hélas pourrait également se trouver son plus grand défaut. A vouloir coller de l'onirisme et de la poésie partout, le jeu frôle parfois l'outrancier. Nauséabond ? N’exagérons pas. Cahier des charges ? Un peu certainement parfois. Dans tous les cas, on peine souvent à ne pas décrocher, et c'est bien dommage pour ce qui aurait pu être un grand RPG...

 

Child of Light n'en demeure pas moins à conseiller, ne serait-ce que pour soutenir l’initiative de ce genre de production (qui sera toujours préférable au énième épisode d’Assasin’s Creed) et aussi pour saluer le travail fourni par les artistes d’Ubisoft. Surtout qu’on ne peut pas dire que l’éditeur se soit foutu de notre gueule niveau tarif puisque son prix est tout riquiqui (15€). La durée de vie de jeu n'excédant pas la douzaine d'heures, dans le pire des cas, vous l'aurez rapidement terminé. Et peut être tout aussi vite oublié…