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Avec 3ème Temps, Grand Corps Malade livre un nouvel album en demi-teinte.

Comme le titre de ce nouvel album l'indique justement, Grand Corps Malade vit déjà le troisième temps de sa carrière mouvementée. Car depuis la parution, en 2006, de Midi 20 (suivi deux ans plus tard par Enfant de la Ville), cet immense brun aux yeux bleus, inséparable de sa béquille, rencontre un succès inattendu. Mais le promeneur au regard tendre et lucide de Saint-Denis, qui séduisait à ses débuts par sa fraîcheur, a-t-il disparu depuis ?

A la première écoute, c'est le manque d'originalité de 3ème Temps qui saute aux yeux. En effet, plusieurs chansons de l'album évoquent par leur thème d'autres textes déjà connus. Retour sur le succès de Grand Corps Malade et ses nombreuses tournées, 1er Janvier 2010, par exemple, rappelle Du Côté Chance... De Midi 20 à Enfant de la Ville, quelques-unes se répétaient déjà, mais le sentiment de redite est plus fort cette fois-ci. 

Néanmoins, on réalise avec le temps que les thématiques abordées ne sont plus tout à fait les mêmes. Ainsi, l'espoir qui, dans Midi 20, se mêlait habilement à la description du quotidien de ce "poète du bitume" a cédé la place à des chansons engagées et pour tout dire un peu naïves. Education Nationale (déjà sorti en single récemment), où Grand Corps Malade se glisse dans la peau d'un élève d'une école défavorisée, à Epinay, se révèle en effet un peu facile. Rachid Taxi et surtout Bulletin Météo, plein de bons sentiments, suivent cette tendance ; même J'attends, qui commence de manière très personnelle, se transforme vite en critique du système (son "racisme latent", le capitalisme...). Autant être clair, ce n'est pas là que GCM est le meilleur, et à la longue, ces textes se montrent même irritants. 

Une chanson résume bien les paradoxes de ce nouvel album : il s'agit de Roméo kiffe Juliette, l'une des chansons-phare de 3ème Temps. Son thème (l'amour, caché à leurs parents respectifs, d'un jeune garçon musulman et d'une jeune fille juive) est, comme l'indique le titre, revisité à notre époque, quoique sans grande originalité. Mais si les références aux SMS et à l'iPhone semblent placées là pour faire joli, les détournements de la maxime "L'amour a ses raisons que la raison ignore" (outre les références à Shakespeare) se révèlent très bien trouvées et percutantes, dans un mélange entre inspirations classiques et modernes qui correspond bien à Grand Corps Malade. 

Car 3ème Temps n'est pas aussi mauvais que la première écoute pourrait le laisser penser. Ainsi, quelques chansons (1er Janvier 2010, A l'Ecole de la Vie, J'attends ou encore Tu es donc j'apprends, joli duo avec Charles Aznavour), servies par un instrumentation originale, se montrent réussies, sans atteindre pour autant le niveau des meilleurs textes de GCM. Ici, aucun vrai tube, comme l'étaient auparavant Midi 20 et Enfant de la Ville pour les deux premiers albums. Et la description du quotidien n'a plus sa place, tout comme les chansons les plus légères (certes pas les meilleures), disparues. Néanmoins, comme beaucoup de titres sont efficaces, 3ème Temps reste agréable à écouter. 

Mais force est de constater qu'avec le temps, la fraîcheur de Grand Corps Malade s'est envolée. Ce nouvel album, qui ne s'épargne pas des références aux précédents et même à la chanson française en général, comporte finalement les défauts d'Enfant de la Ville (pourtant très bon), qui se sont encore accentués. Peut-être celui que Le Point avait surnommé "le Villon du 9-3", devenu une figure médiatique à part entière, s'est-il dispersé dans des collaborations plus ou moins heureuses (l'excellent Je m'écris avec Kery James et Zaho, mais aussi l'insipide L'ombre et la lumière avec Calogero)...

Quoi qu'il en soit, si les amateurs de l'artiste seront en partie séduits, le grand public ne sera, lui, probablement pas intéressé (comme le montre l'accueil discret de la presse généraliste). Et ce n'est pas anormal, car dans le répertoire désormais vaste de Grand Corps Malade, il y a bien mieux à conseiller que cet album paresseux, ou du moins en demi-teinte. Vivement le quatrième temps...