Edit : Breaking news! A 6h de la deadline annoncée, le projet en est 14 420$ sur les 15 000 demandés ; finalement, le jeu verra peut-être bel et bien le jour...

Edit 2: Bon bah à 5h de la deadline, le jeu est effectivement financé grâce à 15 060$. Ça, c'est fait. Y a même une poupée !

 

Je poste pas mal de liens que je considère comme intéressants dans mes statuts, mais il est vrai que parfois ils auraient bien plus leur place en blog, pour plus de visibilité.

Du coup, je me suis dit que j'allais faire un petit article sur ma trouvaille du jour, qui évoque des sentiments un peu mitigés en moi.

Je me baladais comme il m'arrive parfois sur Kickstarter pour voir quels petits jeux indé mériteraient mon soutien.
Au cours des derniers jours, je suis tombée sur un petit RPG assez prometteur (au moins du point de vue artistique) du nom de Rainfall, et sur le projet de remake - et non portage !- pour 360, PC/Mac, Dreamcast de Pier Solar, ce RPG à la japonaise qui avait mis une dizaine d'années à être conçu pour la Megadrive. 

Et puis je suis tombée sur iBeg qui avec ses 24h restantes a toutes les chances de ne pas lever les fonds demandés.

 "Amuse-toi à vivre ma vie de clodo, toi qui as quand même claqué 600€ dans ton phone".

 

Ce qui saute aux yeux lorsqu'on aperçoit la vignette c'est le titre, dans la droite lignée des iBidules, symboles de l'hyperconsumérisme s'il en est (et d'un bon pouvoir d'achat à priori). Ce "I beg" qui, prononcé sans conviction, m'a tout de suite évoqué les mendiants de mon âge qui venaient frapper à la fenêtre de notre voiture lorsque je vivais à Lagos et que je finissais par essayer d'ignorer, non sans honte.

Et ensuite il y a cette image, au style graphique tout mignon. Et à partir de là, j'étais vraiment mal à l'aise parce que j'avais déjà une idée de ce en quoi concernait le projet. Mais j'ai cliqué, espérant que le jeu ne tombait pas dans les travers que j'imaginais.

On va mettre les choses au clair : il met les pieds dans le plat et jusqu'à la taille. En fait, l'intro commence bien, on voit le personnage perdre son boulot sous prétexte de "crise économique", se faire saisir ses meubles, et enfin se retrouver assis sur les escaliers d'un magasin. Le message est clair : n'importe qui peut se retrouver à la rue du jour au lendemain.

Et puis arrive la phase de gameplay, le coeur du jeu - un jeu de gestion. Un jeu de gestion avec statistiques à gérer, avec tactique à trouver, et un game over probablement. Bref, c'est l'fun comme on dit par chez moi. Sauf que le principe même d'être amusant me paraît parfaitement contradictoire avec l'objectif des créateurs.
Surtout dans la mesure où qui dit game over, dit forcément nouvelle partie... ce qui est par définition opposé à la vraie vie.
Ça dit aussi objectif à atteindre, ça dit fin de l'histoire, et là aussi on peut se poser des questions quant à ce qu'on veut véhiculer comme message : est-ce que réussir à retrouver un emploi et un toit, c'est vraiment le coeur du problème ? Est-ce qu'amener les gens à être plus charitables c'est vraiment ce qui va aider les SDF alors qu'une crise économique abstraite en remet autant à la rue et épargne ceux qui l'ont provoquée ? Qui dit qu'il ne retombera pas dans la misère, refaisant peut-être les mêmes erreurs (quand il en est la source !), comme celle de s'endetter - le principal levier d'action des grandes banques et de la crise actuelle ?

Et plus simplement encore est-ce qu'à la fin du jeu on ne se dirait pas "ben en fait c'est facile de sortir de la rue, et en plus c'est marrant" ?

 

 

Du coup, j'ai voulu voir les commentaires sur le sujet. Bizarrement, mais je m'y attendais, personne sur la page Kickstarter ne semblait partager mon scepticisme. Pour autant, j'y ai trouvé un commentaire renvoyer vers un article de Kotaku dans lequel le projet était cité et que je vous enjoins vivement à lire car il ne parle pas exclusivement d'iBeg et est 100 fois plus intéressant que le mien :)

Cet article partage effectivement mes doutes, et l'un des directeurs d'établissement d'accueil interrogé par la journaliste donne le mot de la fin : "Tout cet argent utilisé pour sponsoriser un jeu sur les SDF ? Si vous saviez tout ce qu'on pourrait faire avec cet argent..."