Je m'excuse à l'avance si certaines réflexions peuvent paraître réductrices, naïves ou simplistes. Je n'ai aucune formation en sociologie, donc si certaines remarques vous paraissent grotesques par rapport à certains auteurs que vous avez pu lire, je m'en excuse d'avance, ça n'est que mon ressenti :)

 

Ah Avatar, le film de la décennie. Porté aux nues du fait de ses images de synthèse somptueuses et de ses décors enchanteurs.Descendu aussi, par les gens qui espéraient encore pouvoir trouver aujourd'hui un scénario innovant. Taxé d'être un mix entre Pocahontas et Zak & Crysta (en réalité, ce dernier a été rarement cité pourtant il en est encore plus proche).

Cela fait un certain moment que je me suis faite à l'idée de ne pas trouver de scénario véritablement original dans un film, Inception en étant peut-être une rare exception (qui s'avèrerait au dernières nouvelles piquer son concept d'une aventure de Picsou !). Aujourd'hui, on peut espérer d'un film qu'il ait une excellente ambiance et une certaine cohérence, et peu nombreux sont ceux qui auront critiqué Avatar sur ces points.

Pourtant, au delà du fait que son ambiance et ses décors ne m'ont pas faite voyager, c'est le message pseudo-écolo et anti-colonialisme qui m'aura débecté, simplificateur, extrêmement naïf (les gentils humains ne sont que l'exception qui confirme la règle).
En un mot, erroné. Et presque dangereux au vu du monde d'aujourd'hui.

 

Les Na'vi, peuple cheaté

Le rapport à la nature

L'humanité, j'ai nommé la Très Méchante, a une histoire beaucoup moins peace que celle qu'on peut imaginer des Na'vis. Elle a toujours fait face à une nature hostile : maladies, catastrophes naturelles, prédateurs, à ses débuts elle vivait en état de survie perpétuelle.
La lèpre ou la peste sont des maladies absolument terrifiantes visuellement. C'est super trash, et c'est loin d'être les plus impressionnantes !
C'est donc la peur de la souffrance qui dominaient, la recherche du confort élémentaire était tout ce qui importait ; cela a pu se faire grâce à un esprit de communauté développé au fur et à mesure (celui-là même qui fait dire des chiens qu'ils sont plus intelligents que les chats).
Cette cohésion a permis le progrès, nous apportant nourriture suffisante, et médecine. Ainsi, la notion de communauté nous a permis de dompter une nature tout sauf maternelle ; je ne pense pas que les humains trouvaient les oursons super-kawai à l'époque.

En effet, la notion de Mère Nature (dans le sens d'une puissance bienfaisante) n'a jamais été concrètement présente ; la nature ne permet certainement pas de miracle chamanique (sauf dans l'esprit de quelques illuminés ayant fumé trop de marijuana) et personne n'a la conviction d'une vie après la mort. Au delà de la peur de la souffrance, il y a la peur du néant, induit par la mort.
Dans un monde où la peur domine, on recherche la protection à tout prix ; l'Homme est dans une logique de progrès permanente : guérir toutes les maladies possibles, manger le plus possible, s'économiser physiquement le plus possible, et surtout oublier autant que possible les notions de souffrance et de mort.

 

De son côté le peuple na'vi fait face à une nature peu hostile : la soumission des prédateurs est aisée, le climat est paisible, la jungle est généreuse et on ne leur connaît pas de maladie.
Pourtant on parle bien de comparaison avec les indigènes d'Amérique ; quid des coulées de boue ou encore une fois de la lèpre (Gary Jennings, auteur du roman Azteca y prétendait que les Aztèques parlaient d'être mangé par les dieux) ?
A côté de ça, il y a une connexion psychique concrète avec Mère Nature ; on peut communiquer avec les animaux, les miracles existent bel et bien et sont immédiats, la foi religieuse est absolue.
Les Na'vis n'ont aucune raison d'avoir peur de la mort, ils sont choyés par la nature et ont tout confort, savent plus qu'ils ne croient d'où ils viennent et où ils vont. Ils n'ont pas besoin de progrès, car rien ne les pousse à se dépasser. N'est-ce pas complètement abusé ?

 

Le rapport à l'autre et à la communauté

Chez l'Homme donc, c'est la recherche perpétuelle du confort qui commande : le progrès a permis aux communautés de s'élargir, devenant énormes, trop énormes.
Trop de gens signifie une dilution du réseau social : on connaît beaucoup moins de personnes, proportionnellement, qu'avant ; connaître 1000 personnes sur une communauté de 2000 n'a rien à voir avec le fait de connaître 1000 personnes sur une communauté de 2 000 000.
Ceux qui sont en-dehors de notre cercle nous indiffèrent (on ne les connait pas) et le fait de devoir partager notre territoire avec de parfaits étrangers laisse la place à jalousie, envie et méfiance : c'est la peur de l'inconnu.
Cet accroissement de la population fait naître de nombreuses cultures différentes ; plus il y a de différences culturelles plus il y a d'incompréhension, source de conflit.
Et comme la peur de l'après-mort est toujours présente cela fait également naître des tas de théories différentes pour se rassurer : les religions. Et que se passe-t-il si quelqu'un met en doute votre croyance ? La peur qu'on vous dise que tout ça n'est un mensonge, engendre colère et haine et de là, la guerre.

 

A l'inverse, les Na'vis vivent en petites communautés : tout le monde se connaît, s'entraide, les liens sociaux sont forts et comme la nature est généreuse il n'y a ni guerre culturelle ni guerre de ressource, sans oublier que tout le monde se comprend grâce aux pouvoirs psychiques. N'est-ce pas merveilleux ?
Ça n'est surtout absolument pas crédible : comment expliquer qu'il y ait si peu d'individus ? Les femmes ne peuvent-elles porter qu'un enfant dans leur vie ? Si c'était le cas, la guerre chez les mâles pour pouvoir engendrer serait absolue.
Même Pocahontas ne tombe pas dans de tels travers : au tout début du film, le père et chef du village, revient vainqueur d'une guerre contre une autre tribu.
Il n'y a donc rien qui justifie des communautés si réduites, car rien qui régule leur population ; les morts violentes, dues à la maladie ou aux prédateurs, semblent être extrêmement rares. C'est une situation presque semblable à nos sociétés « civilisées », et encore ! Nous avons guerres et maladies et pourtant, notre nombre explose.
Et ce n'est pas le cas chez eux : ça n'est pas crédible.

 

Le rapport au spectateur occidental

L'apparence tout d'abord : les Na'vis sont bien évidemment des humanoïdes. Qui plus est, ils sont des expressions de visages lisibles et reconnaissables facilement, ils correspondent parfaitement à nos critères esthétiques (élancés et fins) avec un bonus : ils ont la peau bleue et étoilée comme une belle nuit d'été, et sont léonins - donc sensuels.
L'identification est très aisée : l'approche aurait été beaucoup plus intéressante s'ils avaient ressemblé aux crevettes de District 9, qui elles ont peur de la mort et agissent donc - logiquement - comme des humains. Tout de suite, l'histoire d'amour aurait semble un chouïa plus glauque.
Au passage, je n'ai pas été emballée par l'ambiance du film parce que j'avais un arrière-goût de déjà-vu : les Na'vis sont une copie conforme des ronsos d'FFX (ils sont même plus fins) et en termes de décors j'ai eu l'impression constante de me balader dans les forêt de Macalania et de Kilika, la première pour les fleurs qui brillent et la deuxième pour le côté tropical.

En termes culturels maintenant : c'est clair et net, les Na'vis empruntent beaucoup aux cultures africaines et amérindiennes. D'un point de vue occidental c'est exotique, ça plaît. Le problème étant qu'on est justement en plein dans le syndrome carte postale : les coutumes des Na'vis correspondent parfaitement aux critères occidentaux !
Quid du cannibalisme et du sacrifice humain chez les Aztèques ? Quid des mutilations corporelles ? (cicatrices de clan, excision). Ou, tout simplement, l'hygiène : font-ils leur toilette comme les chats ?

Grâce à un portrait totalement irréaliste, le spectateur a une fascination totale et absolue pour les Na'vis. Et c'est totalement cheaté.
Car le « discours » anti-colonialisme d'Avatar se base totalement sur cette perception d'un peuple parfait. Pourtant si aujourd'hui nous devions entrer en contact avec les Indiens de l'époque nous serions certainement horrifiés par les coutumes des Aztèques, et nous considèrerions la médecine des indiens d'Amérique avec un sourire amusé.
D'ailleurs, ils seraient sans doute ravis de se voir offrir des téléphones portables pour communiquer avec leurs guerriers partis chasser le bison. Et encore, sûrement auront-ils choisi de pratiquer l'élevage intensif plutôt que de mettre en danger leurs hommes. Ah, et la lèpre serait guérie grâce à nos antibiotiques.

Le fait que les Na'vis n'aient concrètement aucun problème dans leur vie fausse totalement la comparaison.

 

La dangereuse perception de l'écologie

A côté des Na'vis, les humains font figure de Grands Méchants de l'histoire.
Le message consiste en « Pandora est une simple source de revenus à leurs yeux » : les humains font le mal pour l'argent, le superflu et le plaisir, de façon consciente et volontaire. Ils détruisent la nature parce qu'ils le souhaitent.
On peut sans problème faire le raccourci « abat des arbres sur Pandora = pollution dans notre monde réel ».
Mais cette pollution, d'où vient-elle ? De nos activités, de notre confort. Que ferions-nous sans énergie ?
Et c'est bien une source d'énergie que recherche la Compagnie. Et c'est d'ailleurs cette énergie et technologie (issue du progrès) qui a permis de tourner Avatar. Pas d'énergie signifie pas de communication, pas de loisir, pas de nourriture facile d'accès, en somme pas de confort.
Cela entrainerait à la fois ennui (on ne pourrait plus se divertir) et inconfort. Et on retournerait au stade du « vivre pour survivre », à l'image des pays du tiers-monde.
Le deuxième discours consiste en « on peut vivre en harmonie avec la nature ». Tout ce que j'ai cité plus haut prouve purement et simplement que non ; l'esprit scientifique de Grace en aurait vite assez de la vie basique des Na'vis si elle avait dû y naître. Et encore !
Les Na'vis ont une nature « naturellement » généreuse (des travaux quotidiens pour la nourriture aisés) et faussement hostile. Ce « faussement hostile » étant ce qui donne l'impression d'aventure : on est en plein Hollywood, les personnages auxquels on tient ne peuvent pas mourir bêtement en s'étant faits croquer par un archéoptéryx. Chez les Na'vis, on joue aux jeux vidéo en permanence avec un max de réalisme ; demandez aux aborigènes s'ils font mumuse avec les crocos juste pour le fun.

Mais au-delà du côté très manichéen du rapport des hommes et des Na'vis à la nature, l'aspect plus inquiétant du discours écolo est d'associer écologie et combat armé.
Dans Avatar, on peut dire que le seul problème des Na'vis, c'est ce connard d'humain qui cherche à abattre leur belle forêt. En d'autre termes, il s'agit d'un ennemi à repousser, une fois pour toutes, et ensuite ils seront tranquilles à vivre leur vie de hippie.
On peut résumer la chose en si on se débarrasse des multinationales, on a la paix pour toujours et on va redevenir ami avec Mr Tigre. Oui c'est ridicule, l'écologie n'ayant rien d'un combat armé.
L'écologie passe par l'éducation par une discipline personnelle, des habitudes à prendre, contraignantes. Un travail de fond à long terme. C'est tout de suite moins fun.
Associer écologie et combat est aussi stupide que de prôner le piller au lieu de cultiver : on fait tout en une fois et on est tranquille pour toujours.
Le problème étant que dans l'écologie, l'ennemi, c'est soi-même. C'est la manie du gâchis, la recherche du plaisir et de la nouveauté qui fait consommer puis jeter.
Il suffit de voir Wall.e pour s'en convaincre : le générique de fin est d'ailleurs beaucoup plus représentatif de ce qu'est l'écologie et même la vie en général, chose qu'on a finie par oublier : c'est un travail de tous les instants si on ne veut pas être mené à la déchéance et à l'auto-destruction.

 

A la fin d'Avatar, on peut dire que les gens rentrent à la fois ravis et désabusés : ravis parce qu'ils ont voyagé, que c'était un super safari, parce que les gentils ont gagné.
Désabusés, car ils se retrouvent face à la réalité et commencent à ressentir de la nostalgie pour un Eden qui n'a jamais existé. Désabusés, car culpabilisés bêtement dans un rôle de gros méchant pollueur - quoique, ce n'est pas eux : ce sont les méchantes multinationales.
Et enfin parce qu'il rêvent d'une cause pour laquelle il suffit de se battre et mourir pour tout régler. Mais il suffit de voir la Révolution Française (ou les guerres civiles d'Afrique qu'on regarde d'un air atterré mais qui se font toujours pour un idéal) pour voir que ce n'est qu'une utopie, les happy end n'existant pas dans la vraie vie car il n'y a pas de 'end', pas de fin. Car il existe bien une cause à défendre mais elle n'est pas de ces causes pour lesquelles on se bat mais qu'on ne peut que régler à long terme et qui passe par une discipline personnelle et l'espoir que tout le monde fasse pareil. Et ce n'est certainement pas Avatar qui l'enseignera.

 

 

Références intéressantes qui peuvent traiter d'un sujet proche :

La route (film adapté du roman éponyme, John Hillcoat)

Le Soldat chamane (roman, Robin Hobb)

Azteca (roman, Gary Jennings)

Pocahontas, Tarzan (dessin animés, Disney)

Zak & Crysta (dessin animé, 20th century fox)

Final Fantasy X (jeu vidéo, Square Enix)

Wall.e (film, Pixar).

District 9 (film, Neill Blomkamp)