Article republié suite à l'annonce de la version Game Of The Year de Dishonored.

Attention, cet article est susceptible de contenir du spoil sur Dishonored pour la mission Lady Boyle, la 5ème mission du jeu. Si vous n'êtes pas arrivé là ou que vous ne voulez rien savoir sur le jeu, ne lisez pas!

 

Ces derniers temps, on parle beaucoup de la violence dans les jeux vidéo. Et j'ai moi aussi quelque chose à vous dire à ce sujet. Cela n'a rien à voir avec les polémiques des journaux TV ou le fait que les jeux puissent, ou non, nous rendre violents. Non, c'est juste que pour une fois, j'ai été choqué par la violence dans un jeu vidéo. Par ma violence, pour être plus précis. Ca ne m'était jamais arrivé avant, malgré tout les jeux violents ou brutaux auxquels j'ai joué. Mais dans Dishonored, la violence dont j'ai fait preuve m'a mise mal à l'aise.

Avant toute chose, remettons tout ça dans le contexte. Je suis un joueur qui aime se créer sa propre expérience dans les jeux, quand on me donne la possibilité de le faire. Dans un jeu où l'on peut faire différent choix, j'ai tendance à "créer une personnalité" à mon personnage. Par exemple, dans Mass Effect, j'avais un commandant Shepard cherchant à aider le plus de gens possible, un qui était plutôt "efficace à la Jack Bauer", et un qui était neutre, genre soldat qui obéit aux ordres sans se poser de questions. Il m'arrivait d'avoir des personnages peut être un peu plus profonds, comme dans Dragon Age Origins, où par exemple j'avais une elfe qui détestait les humains mais aidait toujours les femmes, en raison de son background. Bref, j'aime bien imaginer une histoire, un caractère, une personnalité pour mes personnages, et j'essaye du mieux que je peux de rendre mes actions cohérentes avec cette personnalité via le gameplay, dans ma façon de jouer et les choix que je fais au cours du jeu.
Dans Dishonored, j'ai fait toute ma première partie avec un Corvo qui était un homme d'honneur, essayant d'impliquer le moins de personnes possibles dans sa vengeance et ne tuant personne, réservant juste un sort cruel à ceux qui le méritaient. Lors de ma deuxième partie, j'ai donc décidé de m'orienter vers un Corvo impitoyable, qui avait soif de sang et qui était même un peu psychopathe sur les bords. Tuer tout ceux qui étaient sur mon passage, qu'ils soient gardes, pestiférés ou simples civils, était ma ligne conductrice. Le Corvo de ma deuxième partie avait de la haine à revendre. Et je n'hésitais pas à employer des méthodes cruelles, comme faire dévorer des gardes vivants par des rats, utiliser des pièges tranchant ou enflammer les gens. Je me souviens aussi d'avoir assomé une prostitué (alors que ce n'était absolument pas nécessaire) pour ensuite la jeter à l'eau pour qu'elle se fasse dévorer vivante par des myxines, des poissons qui ne sont pas sans rappeller les piranhas. Voila le genre d'ordure que j'étais dans ma deuxième partie.

Pourtant cette violence est restée supportable un moment, puisque les gens de Dunwall sont plutôt majoritairement détestables, que Corvo avait de quoi être énervé et que de toute façon on a presque l'impression que vivre dans cette ville est parfois pire que d'être mort. Mais il y a une mission où, avec le recul, j'ai été choqué par mes actes. C'est la mission de Lady Boyle. Dans cette mission, on doit se rendre à une fête où tout le monde est masqué dans le but d'éliminer la maitresse du Lord Régent, l'une des soeurs Boyle. J'ai donc commencé par éliminer tout être vivant qui se trouvait hors de la fête, avant de me mêler aux invités. Dans la fête, j'ai parlé avec quelques personnes pour obtenir des informations, j'ai visité les parties interdites de la demeure pour ramasser objets de valeur et runes, puis j'ai enfin décidé d'exécuter Lady Boyle. Après m'être débarassé des gardes qui n'étaient pas vraiment de taille face à moi, je me suis dirigé vers une Boyle. "Pitié, je vous donnerais ce que vous voulez, le camé de ma grand mère est caché dans le grenier!". Ma seule réponse fut un coup de lame dans la poitrine, puis un deuxième à l'arrière du crane. Je me dirige vers la deuxième Boyle, qui me dit qu'elle ne soutient pas le Lord Régent, mais qu'il faut bien qu'elle survive, je la saisi et plaque contre moi, avant de lui enfoncer ma lame brutalement dans le ventre. Enfin, je vais vers la dernière, ma cible. Car, oui, le Corvo ignoble que je suis a tué les deux soeurs de sa cible devant elle pour la faire souffrir avant de s'occuper d'elle. Elle me dit qu'elle ne peut pas mourir comme ça, pas ici, pas maintenant... elle se trompe. Je l'assome, la porte au second étage et la jette par dessus la rambarde, pour la voir se fracasser le crane un peu plus bas. Dis comme ça, c'est déjà pas mal horrible non? Pourtant, ce n'est pas fini.
Car mon Corvo, ne l'oublions pas, ne laisse personne vivant là où il passe. Je me retrouve donc dans cette grande demeure, avec tout ces gens riches qui ont été invités à cette fête et quelques domestiques. Ils sont à genoux, en train de prier ou d'essayer de se cacher derrière leur bras, comme si ça allait les protéger. Ces personnes ne sont pas forcément des gens mauvais, même si leur richesse s'est forcément faite au détriment de ceux qui crèvent de la peste dans les rues, qu'ils méprisent d'ailleurs. J'aurais très bien pu partir et les laisser en vie, après leur avoir volé leurs bourses, mais non. Je les ai tous tué. Gorge tranchée, mangé par des rats, brulé vif, explosé en petits morceaux à la grenade, réduit en cendre après avoir été obligé de passer par un portail électrique, balle en pleine tête... voila les différentes fins qu'on connu ces personnages de pixel. Nobles comme servants. Personnage ayant un nom comme simple invité n'ayant aucune importance, aucun rôle dans le jeu. Ils ont beau eu me supplier, appeler à l'aide, pleurer, me dire "ne me faite pas de mal, pitié..."... ils sont tous morts. J'ai ensuite terminé la mission en rentrant avec Samuel.

C'est plus après coup que je me suis senti mal à l'aise de ce que j'avais fait. Même si c'était la personnalité du Corvo que je jouais dans cette deuxième partie et que ce ne sont que des personnages de pixels, j'étais là, au milieu de ces "innocents", et j'ai choisi de tous les tuer, sans aucune pitié, tel un meurtrier, la main sure, sans hésitation. Ca m'a presque donné l'impression d'être un preneur d'otage ou un terroriste, bien plus que la scène de l'aéroport de Modern Warfare 2 d'ailleurs. C'est la première fois que je me sens mal à l'aise par rapport à un acte que je commets dans un jeu, et c'est pour cela que je voulais partager cette désagréable expérience avec vous. Généralement, les "mauvais choix" que l'ont fait dans les jeux ne nous inspirent pas vraiment de regrets ou de mal être, puisque ce ne sont pas vraiment nos choix en fait. Dans Mass Effect, quand j'ai le choix entre essayer de demander des infos à quelqu'un gentiment ou lui mettre une balle dans le genou, ce sont deux possibilités que me donnent les développeurs. Et du coup, ça me retire la responsabilité de ces choix. Un peu comme quand un soldat tue quelqu'un sous l'ordre d'un supérieur, ça lui enlève une part de responsabilité, en tout cas psychologiquement. Du coup, je ne me sens pas coupable ni méchant, j'ai juste utilisé une possibilité que l'on me proposait. D'ailleurs, on choisi souvent le "mauvais choix" plus par curiosité, pour voir ce qui va se passer, que parce que c'est ce qu'on ferait en vrai.
Il y a bien des jeux où l'on peut tuer n'importe qui, n'importe quel PNJ, mais je trouve que d'une façon ou d'une autre, c'est toujours atténué par quelque chose. Dans certains jeux, cela pénalise le joueur, par un game over, par l'utilité du PNJ que l'on vient de tuer et qui ne reviendra pas, dans d'autres c'est une mécanique de jeu et d'amusement en soi (comme dans un GTA par exemple), et dans la plupart des jeux on ne peut même pas toucher aux personnages qui ne sont pas ennemis.
Donc en réfléchissant, je ne me souviens pas d'un jeu où l'on peut tuer n'importe qui totalement gratuitement et sans aucun but, et surtout de manière libre. Dishonored me l'a permis. Le jeu ne m'a pas encouragé à tuer ces gens, il ne m'en a pas non plus empêché. C'est donc moi qui ai fait ce choix, et c'est cette liberté, cette décision que j'ai vraiment choisi de mon propre chef, même si je jouais un rôle, qui m'a mis mal à l'aise par rapport à la violence de mes actes. Parce que c'est peut être l'une des rares fois où j'ai pris la décision seul, sans aucune influence du jeu ou des développeurs, de commettre un horrible massacre. Et je dois dire que je me suis senti mal à l'aise après coup, même si je n'ai pas non plus vomi/été traumatisé psychologiquement. C'est juste que, c'était quand même horrible de faire ça, malsain. Mais en même temps, c'était une expérience intéressante. C'est l'une des rares fois où un jeu me fait réfléchir à mes actes, me fait regretter quelque chose et m'atteint "moralement". Et pourtant, je ne pense pas que c'était le but du jeu ou que c'était prévu. C'est juste la mise en scène et la liberté que les développeurs m'ont laissé qui m'ont permis de vivre cette triste expérience.

Voila, je tenais à partager cette expérience avec vous, puisque sur ce blog je partage tout, les moments agréables et amusants comme les choses un peu plus... spéciales on va dire. Cela vous est déjà arrivé d'être choqué par vos actes ou de vous sentir mal après avoir fait quelque chose dans un jeu? N'hésitez pas à partager vos expériences aussi et à me dire ce que vous pensez de tout ça.