Après plusieurs longues années de développement, Alan wake est  sur les étales. Remedy était attendu par une cohorte de gamers. Disons le clairement : là où Alan Wake excelle, brille de sa maitrise et de sa maturité, Max Payne fait figure de rejeton précipité, produit informe d'une passion juvénile pour des actionn
ers 1er degré. Carrément. Le studio a grandi, puis digéré ses multiples influences. L' équipe a atteint sa majorité, appris la patience du travail bien fait, et a "pensé" son bébé sous tous ses aspects.

 

Le but ici n'est pas de faire un test du jeu, ou faire la distribution de bons et mauvais points...De mon point de vue, malgré les critiques qui ont été faites, je considère le jeu tout a fait en phase avec son époque, et valable techniquement. Autant le dire, la surprise que constitue Alan wake a mes yeux, est inversement proportionnelle a l' attente qu'il suscitait chez moi. Ce qui motive ce "petit" texte, c' est avant tout le souhait d'exprimer mon respect pour ses auteurs, tant les ventes se révèlent apparemment décevantes. 

 

Premier texte pour moi donc, je vais tenter de coucher mon analyse du jeu selon mon huuuumble point de vue, et ne m'en voulez pas de survoler un peu le sujet. Spoilers inside.

 

 

LE STYLE ÇA NE S'INVENTE PAS

 

On a lu beaucoup de choses depuis la sortie : Un gameplay éculé, un level design d'un autre âge, un scénario déjà vu...Des critiques qui relèvent a mon sens d' une erreur d'interprétation importante, indépendante des affinités qu'on puisse avoir ( ou non ) avec le sujet du jeu.

 

Objectivement, le jeu ne dispose pas d'un game-design d'une richesse éblouissante. On peut citer la chasse aux mystérieux thermos de café, "quête" annexe ridicule ( voir dommageable a l'expérience de jeu ). Un level design confortable où chaque personne ayant tenu une manette ces 20 dernières années est capable de comprendre rapidement le tracé des cartes ( départ / ennemis / trouver coffre / ennemis / trouver thermos / ennemis / arrivée ).

 

Mais ce qui semble être des erreurs ou des facilités au premier coup d"oeil, expriment avant tout l'envie de proposer au joueur une expérience solide, où la compréhension du gameplay et de ses mécanismes ne phagocyte pas le bon déroulement de la narration. Un équilibrage parfait entre histoire et phases de jeu pur, ou votre expérience de joueur n'est pas remise en cause.

 

Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec un autre jeu ô combien débattu, sorti dans le même temps, a savoir Heavy Rain. Titre over-hypé, mais aux intentions louables, david Cage son "créateur", a oublié ses fondamentaux. Si concentré a scénariser le moindre embranchement possible, il a renié les origines video-ludiques de son titre, en voulant a tout prix proposer un jeu dit "mature". Ce qui est paradoxal, car a vouloir a tout prix élever le jeu video au même statut que le cinéma, celui ci s'est finalement un peu égaré pour au final proposer un blockbuster un peu bâtard, vehiculant avec lui une  toute puissance du statut d' "auteur a la française", encore incompatible a mon sens avec le jeu vidéo. ( Pour info, j'ai beaucoup aimé H.R, mais pour d'autres raisons ) 

 

Une des bonnes idées du jeu, qu'on peut deviner décidée sur le tard dans la conception, est le découpage des ni
veaux par chapitres/épisodes,
calqué sur le modèle télévisuel américain( g
cute;nérique  et "previously on" sont présents ). Sans vouloir révolutionner le jeu, Remedy donne là un gimmick visuel inédit, mais familier, qui facilite grandement le processus d' identification. De manière implicite ce découpage nous indique que l'on a le droit de s' attacher aux personnages,  puisque ceux ci arborent les mêmes codes visuels que les personnages de séries, dont on est habitués a suivre les péripéties dans des soap opéras. Rajoutez a cela  une écriture habile basée sur des mini cliffhangers ( résolution de mystères et introduction de nouveaux, Lost-effect ). Vous obtenez là une narration assez nouvelle dans le jeu video, apte a capter le joueur.

 

Là ou Heavy Rain échoue, Alan Wake réussit humblement et démontre bien plus de réflexion.

 

 

 

TOILES DE FOND

 

On joue donc alan wake, le bien nommé auteur a succès, tentant de retrouver sa femme, luttant contre une armée des ombres munis de fourches et tronconneuses, et essayant de discerner la réalité du rêve. Ça, c'est le pitch de base.

 

A juste titre, on peut citer Stephen King, pour l'ensemble de ses bouquins avec ses romanciers reclus, vivant dans des bourgades du Maine, Lovecraft, l'Antre de la folie, la neuvième porte, fenêtre secrète, Bag
of Bones
et même Precinct 13 de Carpenter.

 

Mention particulière pour les multiples réferences a Evil Dead, de l'immense Sam Raimi. Lors des séquences automobiles, on aura la possibilité de conduire la réplique de la voiture du réalisateur. Une OldMobile 88 Delta jaune. La voiture apparut pour la premiere fois dans Evil Dead, puis réapparaîtra dans chacun de ses films (la voiture de l'oncle Ben dans Spider-man, c'est elle). Autre reference a Sam the Man, lors du chapitre 5 (ou 4...), lors d'une cinématique qui se veut angoissante, la caméra passe a travers le chalet, à la manière de la légendaire ShakyCam du réalisateur.

 

 

 

 

Si je devais oser un rapprochement un peu diffèrent, je citerais Matrix, tant j'y trouve des similitudes sur la forme comme sur le fond. Il me semble pertinent de supposer que la trilogie des Wachos pourrait être la principale source d'inspiration d' Alan Wake, tant les mécanismes de narration et éléments visuels sont identiques. En étant cynique, on pourrait qualifier les deux oeuvres de "verbeuses", car usant de symbolique lourdingue pour nous faire passer la moindre information.

 

Je vais essayer d'énumérer quelques points communs qu'on peut trouver entre les deux oeuvres, afin d'étayer mes suppositions quant a la parenté avec la matrice.

 

Premier détail, que personne n'a manqué de souligner voir railler : le nom du personnage principal, A.wake (réveil en anglais...) affichant clairement la couleur. Tout comme Néo, destiné a débrancher l'Humanité de la matrice, Alan Wake, vit dans les eaux troubles (d' un lac...) . Le personnage doit se réveiller, assumer ses actes, et affronter la vérité.

Vient ensuite un second personnage, sa femme, qui se nomme...Alice. Tiens, tiens, comme un certain "Pays des Merveilles" commun aux deux univers, qui ramène directement au "follow the rabbit" du premier film de la saga. Lapin Blanc qu'on retrouve d'ailleurs au début du jeu, a la porte du chalet ( on peut aussi citer le mini jardin labyrinthique qui évoque aussi pas mal de choses ). 

Selon moi, a l' instar de Matrix, le jeu ramène directement a la notion de "Simulacre", a savoir la substitution d'une réalité par une autre plus figurée ( raccourci utilisé ). Une fois le jeu fini, tout tends a me faire croire que ce qu'on nous présente comme la "réalité" ( les séquences de jour par exemple ) ne sont qu' une création de l' esprit d' alan wake ou de la présence noire tant cette réalité est idéalisée, et il est impossible de dire clairement ce qui est vrai ou faux, ou juste si quelque chose existe reellement pour un seul des personnages.

 

J'irais même a penser rapidement que là où le Jeu Video dans son ensemble se veut simulation ( Gran Turismo, medal of honor et consorts ) Alan Wake parvient a se faire simulacre en proposant une experience/réalité ( aux contours indéfinissables ) si réussie qu' elle en devient palpable par momentsCe serait un sacré tour de force non ?

 

 

Revenons a la Présence Noire. Plus capilo-tractées encore, deux choses m'interpellent.

La première, c'est la forme originelle de celle ci, a savoir des taches, de petites flaques presentes sur le sol ou sur le mobilier extérieur, ressemblant vaguement a du pétrole, mais qui évoquent la représentation que l'on se fait d' une tumeur ou d' une maladie. A noter qu' elles se font de plus en plus présentes au fil denotre progression. Rappelons nous comment l' Agent Smith qualifiait l' Humanité  : "Cancer pour la planète"... CQFD.

Deuxième point, purement visuel cette fois ci : la mise en scène de la séquence finale ramène de manière évidente a celle de Matrix Révolution, lorsque Néo fait face au Deus Ex Machina. 

 

 

 

 

L'utilisation des écrans officiants de miroirs et de fenêtres vers l' exterieur pour le héros est aussi amusante. Remedy poussant le vice a représenter le personnage du jeu par un acteur lors de chaque émission. 

 

 

 Pour finir, la notion de choix, représentée par la fameuse pilule dans matrix, est substituée chez Remedy par le thermos de café, pardon, un  mystérieux manuscrit a terminer.

 

 "- Finis ce putain de manuscrit, sinon je te confisque ton thermos "

 

 

Le jeu, tout comme Matrix, se veut avant tout intuitif de par la capacité du joueur/spectateur a assimiler les signes donnés (peintures, statues, affiches, et tutti quanti ). On peut tendre a négliger ces informations tant elles nous paraissent "faciles" ou évidentes. Cela me semble une erreur, au vu de
la profusion d'indices laissé sur le parcours. De la même manière que dans Matrix ou Lost ( pour ceux qui connaissent la fin du show ), on peut être déçu ou étonné par la conclusion, ou l'apparente simplicité du propos, mais on ne peut pas nier que le chemin était balisé.

 

Je ne prétends pas avoir une réponse quant a la fin de Alan Wake, et je ne suis même pas sur qu'il soit possible de formuler une fin définitive. Tout comme pour Matrix, le plaisir est finalement de confronter les interprétations sur la conclusion, complètement ouverte et amener une réflexion plus globale. La matrice avec son ciel ouvert en guise de plan final amenait le même type de questions ludiques : Plusieurs dimensions/réalités imbriquées ? Quels choix pour quelles conséquences ? Qu'est-ce que la Réalité ? Les thermos contiennent ils réellement du café ?etc...

 

Ce n'était pas un lac, mais un océan.

 

 

 

BRIGHT FALLS, CENTRE DE LOISIRS CULTURELS

 

Un dernier point a aborder pour conclure mon rapprochement entre les deux sagas. L'utisation du cross-media, a savoir diffuser des informations annexes a l'histoire a travers plusieurs supports. Pour matrix, on se souvient de l' excellente anthologie animée Animatrix, des comics centrés sur les personnages secondaires, et des jeux dont les cinématique supervisées par les Wachos eux-mêmes comblaient les ellipses des films.

Alan Wake utilise le même procédé, et va encore plus loin avec l'utilisation d' un livre, issu du manuscrit maudit et de notes de personnages secondaires, des DLC disponibles et a venir, un clip musical restituant en chair et os l'ambiance du jeu...que l'on retrouve utilisé avec intelligence in-game. Outre l'intérêt mercantile que les plus cyniques d'entre vous ne manqueront pas de noter, cela sert avant tout le propos des oeuvres qui nous concernent, a savoir brouiller les pistes entre réel et virtuel, envahir chaque espace culturel pour s' affranchir des limites qui pourraient exister.

 

Le jeu video est une influence majeure de la saga matrix, c'est donc un joli retour d'ascenseur que fait Remedy avec Alan Wake.

 

 

SUPERLATIFS

 

 Alan Wake est un jeu qui a du sens donc et qui recèle des moments bien spectaculaires (pèle mêle, on peut citer l'assaut de la ferme des Andersons, les révélations en pagaille, des séquences de combats choregraphiées avec justesse ) , une ambiance irréprochable, et une realisation jamais putassiere ( fait rare aujourd'hui ). Remedy m'a offert un ovni videoludique & un  beau travail d'artisan, l' expérience de jeu sensorielle que j'attendais depuis trop longtemps. Le tout sous les allures de titre AAA ultra calibré. Respect la Finlande.