Qu'on se le dise, la Mega Drive est incontestablement dans l'ombre d'une Super Nintendo à la popularité hégémonique. Je ne vous apprends rien, cette situation persiste depuis l'époque de la fameuse "guerre des consoles" qui a fait rage durant la première moitié des années 90 (merci au passage l'influence du marketing des marques qui a planté cette graine de la confrontation puérile dans nos esprits immatures de gosses en culotte courtes que nous étions jadis). Hélas, mille fois hélas. Car pour moi, il n'est pas question de hiérarchie entre les différents supports, juste de ludothèques différentes, qui exploitent un hardware différent, avec ses qualités et défauts qui lui sont propres et lui confèrent précisément tous ses charmes.

Et je trouve cela regrettable que toute une bibliothèque de jeux fantastiques demeurent dans l'ombre d'une autre sous couvert d'un Nintendo bien plus rayonnant qu'un Sega définitivement déchu, voire un peu perdu.

Je vous propose dans cette nouvelle série de vidéos d'explorer les profondeurs de différentes ludothèques. L'objectif sera d'y dénicher les titres, pas forcément les plus populaires, mais qui demeurent de qualité et méritent plus de mise en lumière. 

Mon intro a tracé le chemin, vous vous doutez bien que commencer par la Mega Drive est hautement symbolique, tant ce support cristallise à mes yeux un déséquilibre de popularité assez flagrant et pas forcément légitime.

Voici la version "vidéo" (commentée) de l'article pour ceux qui souhaiteraient profiter d'extraits de jeu en mouvement (et d'illustrations diverses). Et je me suis fait plaisir au niveau sonore, j'espère que ce plaisir sera partagé ^ ^

BIO HAZARD BATTLE

J'ai toujours pensé que Crying (nom japonais de Bio Hazard Battle) était un shoot them up ovni assez moyen, tututut, il s'agit en réalité d'un shoot extrêmement réussi dans un univers original.

Dans Bio Hazard Battle, oubliez les sempiternels vaisseaux spatiaux, robots ainsi que les déflagrations de carlingues : place à un univers bien crade où la matière organique a repris ses droits suite à une invasion extra-terrestre. La direction artistique est littéralement FRAPPANTE ! Inspiré par le monde des insectes (il me rappelle un peu le génialissime Apidya sur Amiga), le visuel du jeu est à la fois repoussant, fascinant et inoubliable.

Sous-tenue par des musiques tout aussi sensationnelles (au jour d'aujourd'hui, je n'ai jamais ré-entendu quelque chose d'aussi singulier), le voyage prend rapidement des formes de trip fantasque exceptionnel. Très peu de mélodies, l'accent est mis sur des percussions ébouriffantes et des modulations presque ésotériques de sons FM. Une véritable expérience auditive ! À jouer absolument sur une Megadrive modèle I (moddée en stéréo) pour profiter au maximum de ces rythmes hypnotisant que les bass de la Megadrive propulsent magistralement aux oreilles du joueur. Pour moi, le son invraisemblablement envoûtant de ce jeu participe aisément de moitié au plaisir que j'ai à relancer la cartouche !

Sur la forme, le titre de Sega est résolument unique (et ce n'est pas un euphémisme !). Cependant, le gameplay n'est pas en reste et assure bien comme il faut grâce à une variété assez déconcertante.

Le joueur aura le choix entre 4 vaisseaux insectoïdes dont les caractéristiques (taille, vitesse, etc.) et l'armement varieront drastiquement de l'un à l'autre. En jeu, il sera également possible de récupérer des orbes de 4 couleurs différentes qui correspondent chacune à un type de tirs bien spécifiques. Au plus vous accumulerez les orbes de même couleur, au plus votre puissance de feu augmentera. Le gameplay est très nerveux, ça bouge super bien, c'est ultra précis, les hitbox sont bien définies et les vagues ennemis (tout en nuées) en déstabilisera savoureusement plus d'un !

J'ai découvert ce jeu sur le tard. Non pas que je ne le connaissais pas, mais je ne lui avais jamais vraiment donné sa chance. La surprise fut monumentale et depuis 2 ans que je le pratique (régulièrement, je n'arrive pas à m'en lasser), je le considère comme l'un des shoot them up les plus exquis, originaux et marquants, tous supports confondus ! Il ne plaira certainement pas à tout le monde (car il ébranle nos petites habitudes) mais se doit d'être essayé comme il le mérite (pas juste 5-10 min en émulateur quoi, s'il vous plait !).

NB : Le jeu est assez difficile, faites vous la faveur de régler le jeu en easy afin de mieux rentrer dans son univers, déjà assez déstabilisant comme cela ^ ^). Et préférez la version PAL (sur une MD switchée en 60HZ of course) car cette version possède un Auto Fire salvateur pour le pouce, contrairement à la version japonaise.

ALISIA DRAGOON

Bon ok, Alisia Dragoon dispose d'une bonne petite notoriété mais demeure tout de même largement ignoré en Europe (alors qu'au Japon, le jeu jouis d'une grosse réputation dans le catalogue Megadrive).

Un titre assez particulier qui mêle plateforme et action d'une manière très originale ! Au départ, le gameplay est très déstabilisant car il repose sur la gestion d'une barre de mana qui permet de lancer des rayons. Eh oui, ce laser magique constituera notre seule attaque pour tout le jeu, il faudra vous y faire, et surtout bien le gérer car tout le jeu tourne autour de cette spécificité. Presser de manière prolongée sur le bouton d'attaque videra assez rapidement votre barre de mana, jusqu'à épuisement total, vous laissant dans la vulnérabilité la plus effroyable. En contrepartie, une sorte de smartbomb balayant tout l'écran se déclenche après une longue attente/économie. En utilisation courante, les rayons se fixent d'eux-mêmes sur les ennemis et les "grignotent" assez longuement avant de les tuer (un peu à la manière des flux de plasma à têtes chercheuses de certains shmup : comme les rayons électriques de Shienryu pour ne citer que lui).


Une fois tout cela appréhendé, on se rend alors compte que le placement de son personnage ainsi qu'une bonne dose de discernement dans les priorités d'attaques est primordial pour évoluer sereinement dans ce jeu !

À ceci s'ajoute un petit aspect gestion de familiers (qui ont tous des pouvoirs bien spécifiques) que l'on peut faire évoluer au fil des orbes que l'on trouve. C'est extrêmement sympa et ajoute encore un peu plus de gestion car il faudra veiller à la bonne répartition des orbes d'évolution, switcher de familier en fonction des situations et sans cesse vérifier leur état de santé (car toute mort est définitive).

Les musiques sont composées par le collectif Mecano Associates et elles sont simplement grandioses.Les mélodies sont extrêmement accrocheuses, et teintées d'un souffle émotionnel assez peu banal (à l'image des sonorités fabuleuses peu communes pour le processeur FM de la MD). Comment rester insensible à la musique du niveau 1-1 qui se divise en deux sublimes parties et s'enchainent naturellement au milieu de niveau (tout bonnement sensationnel !). Et cette musique ensorcelante du niveau 1-2, rhaaa, je peux l'écouter 30min en boucle sans problème !

Enfin, il faut signaler que toute la direction artistique du titre a été confiée à la Gainax : un studio d'animation japonais, composé d'anciens de la Hayao Miyazaki Team (l'influence de Nausicaa est par exemple très perceptible). Qu'il s'agisse des décors, du chara-design de l’héroïne ou des ennemis, c'est extrêmement inspiré pour un jeu du genre (on évite tous les poncifs de l'univers heroic fantasy de base, c'est tellement bon !).

Bref une véritable pépite, qui demande un bon petit temps d'adaptation face à son gameplay atypique, mais une fois apprivoisé, c'est que du plaisir !

NB : Prenez soin de dénicher les upgrades bien cachés dans les niveaux afin de renforcer la puissance de votre tir (essentiel !) et de vous octroyer de précieux points d'énergie supplémentaires. Et ne vous fiez pas à vos premières parties, car c'est un véritable carnage au début lorsque l'on ne connait pas encore les patterns et vagues ennemies (une fois appréhendés par contre, cela devient vite beaucoup plus jouissif). 

FIRE SHARK

Poursuivons avec un Shoot Them Up peu connu sur Megadrive : Fire Shark.
Pourquoi est-il si peu mis en avant ? Surement car c'est l'un des tous premiers à être sortis sur le support (1990), ou alors à cause de son aspect vieillot (il s'agit du portage d'un jeu d'arcade de 1989).

C'est vrai, il est un peu rebutant aujourd'hui lorsqu'on le lance après un Thunder Force IV, Musha Aleste ou autres ténors de la ludothèque MD. La faute à son côté résolument old-school techniquement. L'écran est rogné sur le côté droit afin de respecter le ration de l'image de l'arcade (+ déporter le HUD), les couleurs sont un peu fades et les sons très métalliques.

Cela dit, derrière ce vernis un peu crouteux se cache un shmup de la vieille école vraiment, vraiment très bon !


C'est Toaplan aux commandes (à qui l'on doit Zero Wing ou Hellfire), et comme dans la grande majorité de leurs productions, le jeu ne favorise absolument pas l'apprentissage mais plutôt le réflexe pur accompagné d'une gestion optimal de son armement. La clé pour le finir : buffer son tir à son potentiel max et balayer les ennemis dans un plaisir destructeur de chaque instant.

On se rend vite compte que le jeu a une patate du feu de Zeus, qu'il est impitoyable mais néanmoins fort domptable avec un tout petit peu de concentration et d'investissement (il est par exemple très facile de le finir en un crédit voire une seule vie quand on a choppé la vibe).

Les musiques lorgnent vers le rock progressif, avec des compositions excellentes qui profitent bien du son métallique des débuts de la MD (et les mélodies sont exceptionnelles, je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas plus de reprises à la guitare électrique sur le net).

Le lance-flamme upgradé au max (ces rayons qui balayent littéralement l'écran comme un battement d'ailes, c'est sublime ! En plus d'être très efficaces contre ces sales kamikazes qui te prennent en fourbe sur le côté)

Bref, voici un shoot qui se veut très rudimentaire tant au niveau des ses graphismes (DA archi basique, sprites et décors peu animés, etc.), que dans son système de jeu simple et brutal, iconique de l'arcade de la fin des années 80. Fire Shark possède tous les atouts pour vous procurer un immense plaisir authentique et originel issu d'un âge d'or reculé.

NB : Toaplan de la fin des années 80 oblige, il y a ces ******* d'avions qui foncent sur vous grrrr! et cela s'empire au fil des niveaux (perso, lorsque je perds une vie, à mon plus grand dam de devoir recommencer mon armement de zéro, c'est plus souvent à cause d'un avion qui s'explose sur ma tronche que d'une boulette perdue ^ ^).

SUPER FANTASY ZONE

Un autre shoot, le pauvre, caché derrière les mastodontes du support : Super Fantasy Zone arrive après deux très bons épisodes réalisés par Sega (portés sur Master System, notamment).

Cette fois-ci, c'est Sunsoft qui développe et ça déchire grave ! Le Cute Them Up fondateur revient plus beau et intéressant que jamais sur la 16bits de Sega. Mais cette itération Megadrive est surtout moins "rugueuse" que ses prédécesseurs avec un gameplay beaucoup plus doux, souple, fluide et même plus précis en terme de hitbox. Il gagne en accessibilité, c'est indéniable.

L'armement est dense avec une palette d'upgrades très fournie : un vrai plaisir de récolter le plus de pièces possible pour autre chose que de vulgaires points (car oui, ici, les pièces servent à s'acheter des armes, des modules de défense ou autres améliorations supplémentaires). Et ceci s'avèrera déterminant car dans chaque niveau, il est plus que conseiller de s'équiper méticuleusement en fonction des situations rencontrées (la lampe pour étendre son champ de vision dans le niveau de la caverne par exemple ou des armes spécifiques contre certains boss). Une mauvaise gestion de vos dépenses en équipement rendra votre progression rapidement pénible.

Sunsoft a eu l'excellente idée de confier la bande son à Naoki Kodoka (le compositeur de talent qui a oeuvré sur Batman, Return of the Joker, Blaster Master, Journey to Silius sur NES, ou encore le Batman de Sunsoft sur MD). Mais ici, il a fait le choix de rompre totalement avec ses sonorités fétiches, reconnaissables entre mille, qui ont fait sa renommée (et celle de Sunsoft), pour faire sortir des sons du processeur de la Mega Drive absolument phénoménaux. On a jamais entendu de sons si purs et colorés sortir de la MD (il y a du sifflet, du tam tam et pleins d'autres instruments super exotiques, ça me fait limite penser à Adventure Island sur SNES par moment). C'est super frais, entrainant, tonique, vivifiant, inspiré... ça donne tellement la banane que la musique elle-même peut déconcentrer tant elle pénètre l'esprit de béatitude (je ne peux pas m'empêcher de siffloter le refrain de la musique "Water Melody" quand j'y joue !). Encore un titre à jouer sur une MD modèle I modifiée en stéréo.

Si vous ne connaissez pas la série, cet épisode sur la 16 bits de Sega en est le pinacle absolu. Gameplay abouti, graphismes d'un pastel enchanteur et musiques absolument célestes... voici là un Cute Them Up à ne pas manquer !

Alors bien sûr, il me faudra bien plus d'un simple billet pour vous présenter l'ensemble des perles méconnues de la Mega Drive. Mais il y en aura bien d'autres consacrés à cette console définitivement sous-estimée (en plus de ceux dédiés à d'autres supports).

Petit conseil pour finir : m'est avis que la console gagnera la considération qu'elle mérite dans les années à venir. C'est donc le moment parfait pour se constituer une bonne petite ludothèque, encore pour pas trop cher (eh oui, comme vous le savez, ce n'est hélas plus le cas pour la Super Nintendo :ouch: ). En espérant que cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd !