Je vais vous parler ce soir d'un de mes films cultes. Mais quand je dis culte, le mot est bien pesé !


  John Carpenter's Big Trouble in Little China ou par chez nous Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin est un film généreux brassant allègrement une foultitude de genres : pulp, kung-fu, wuxiapian, comédie, ghost story. John Carpenter a d'ailleurs avoué que l'influence majeure du film reste Zu, Warriors from the Magic Mountain.

Avant d'aller plus loin et pour bien comprendre ce qui suit, regardons la bande-annonce :

  Pour ceux qui n'ont jamais vu le film, vous aurez remarqué que Jack semble être un héros un peu particulier. En effet, il est maladroit, dépassé par les évènements, bref il a tout de l'anti-héros. Kurt Russel découvre ainsi une nouvelle façon d'aborder ce genre de figure plutôt éloignée d'un autre mythe auquel il a donné corps. Une même pièce, mais deux facettes bien distinctes.

          Côte Plis(sken)                          Côte Face(palm)

  Hélas, cette orientation dans une production déjà atypique pour l'époque, va devenir une des raisons de son échec au box-office.

  En effet, imaginez sortir un film rendant hommage au films hong-kongais à une période où on magnifiait des figures comme Rambo et vous aurez une des raisons de ce flop. Rajoutez à cela une inversion des rôles, où Jack Burton devient le sidekick, Wang Chi le héros et vous enfoncerez le dernier clou du cercueil.

  Sorti en 1986, il faudra attendre 1999-2000 et les succès publics de Matrix ainsi que de Tigre et Dragon pour qu'un pan du cinéma asiatique s'offre au public américain.

  Encore une fois, Carpenter a eu trop d'avance et a loupé son rendez-vous avec les spectateurs. Le précédent était The Thing sorti la même année où un autre extra-terrestre voulait rentrer à la maison. Cependant, BTILC va entamer une carrière parallèle dans les vidéoclubs et gagner au fil du temps cette aura de film culte qui ne se dément toujours pas.

  Ma première virée à bord du Pork Chop Express s'est passé dans une salle de cinéma. Imaginez ce qu'une péloche de la sorte a pu provoquer chez  un gamin comme moi ! J'avais onze ans à l'époque et je me suis retrouvé happé dans un véritable maelstrom de sensations. Bien sûr à cet âge je ne disposais pas des références nécessaires pour comprendre mon attachement à cette oeuvre. Cependant, ce fût comme un coup de foudre, on accroche, on ne s'explique pas comment, mais c'est ainsi !

  Comment ne pas tomber sous le charme de certaines punchlines aussi bien en V.O qu'en V.F (c'est assez rare pour être souligné). Si je ne devais retenir qu'une réplique, ça serait : "It's all in the reflexes" ou "Tout est dans les réflexes". C'est l'interprétation de Kurt Russel avec un pur style John Wayne qui sublime ces lignes de dialogue. Ceci dit, il a de bons partenaires en face qui répondent parfaitement à son jeu : Dennis Dun et Kim Cattrall. Sans eux, l'alchimie ne serait vraiment pas la même.

Macho Macho Man

  Un côté intemporel se dégage du film également. Cette Chinatown à la fois réelle et fantasmée semble suspendue dans le temps. Ce faisant, à part quelques références notamment vestimentaires, on pourrait croire que le film est contemporain. De plus, les effets spéciaux de Richard Edlund ont très bien veillis. Bien sûr, certaines inscrutations restent voyantes, mais les éclairs de Lightning ont encore une pure classe, de même que les créatures telles que le Gardien (qui ressemble à un "purée" de Beholder ^^)

 

  En parlant de Lightning, venons en aux méchants de l'Histoire. Sans bons méchants, il n'y a pas d'histoire possible et ceux de BTILC sont tout simplement géniaux.

Il y a d'abord Lo Pan (Dave comme le surnomme affectueusement Jack). Mi-sorcier, mi-mafieux, 100 % pur vilain

Il a pour acolytes les Trois Trombes (The Three Storms en V.O. !)

  De gauche à droite : Rain, Storm et Lightning (à noter que ce dernier a servi d'inspiration pour Raiden dans Mortal Kombat)

  N'oublions pas le gang des Seigneurs de la Mort et les Wing Kong (Triade sur laquelle règne Lo Pan) pour compléter le tableau.

  Pourquoi Jack va-t-il affronter ce petit monde ??? Pour récupérer son camion et accessoirement aider son pote à sauver sa fiancée des mains de Lo Pan.

 Kim Cattrall dans le rôle du faire-valoir amoureux

  On ne peut pas faire plus simple niveau scénaristique et pourtant c'est cette sobriété qui va mettre en valeur toutes les influences citées dans la première partie de cet article. L'apothéose viendra dans la dernière partie du film avec un combat à l'épée dans la pure tradition wuxiapan et un duel entre sorciers qui est restera gravé à jamais dans ma mémoire.

Dédicace à Kelun. Dans le fond, le gentil gang des Chang Sin, Egg Shen l'archétype du sage, Wang Chi et Jack

  Bien sûr évidemment, le film se termine sur une fin heureuse (ou presque), mais il se permet néanmoins un ultime retournement qui aurait pu laisser entrevoir une suite. Hélas, mille fois hélas, on ne reverra jamais le Pork Chop Express.

  Pour un budget de 20 millions de dollar à l'époque, il n'en rapporta que 11 millions. Résultat, cet échec et la désillusion du système hollywoodien entraîna Carpenter a reprendre son indépendance vis-à-vis de ses films. C'est ainsi qu'il revint quelque temps après avec son magnifique Prince of Darkness, où on retrouvera d'ailleurs Dennis Dun (Wang Chi) et Victor Wong (Egg Shen).

  Le film comporte pas mal d'anecdotes, notamment sur l'intervertion du grand chef de la Fox (Barry Diller à l'époque) qui avait demandé à Carpenter de rajouter une scène d'introduction expliquant clairement que c'est Jack Burton le héros ! Il faut entendre Kurt Russel et John Carpenter rire aux éclats quand ils évoquent cette histoire, lors du commentaire audio que l'on retrouve sur le DVD/Blu Ray.

  La dernière information la plus notable est que le premier script situait l'action du film à l'époque du far-west. C'est D.W Richter  (à qui on doit notamment Les Aventures de Buckaroo Banzaï dans la 8ème dimension) qui a remanié le scénario pour en faire ce qu'il est. Sa touche a vraiment fait la différence et je pense que ce n'est pas sans raison que j'aime autant ce "purée" de film.

  Pour finir sur une note musicale, John Carpenter ne pouvait laisser passer une B.O. sans mettre son grain de "sol". Mais cette fois-ci, c'est avec son groupe Coup de Villes qu'il propose le thème. Les comparses de John Carpenter sont Tommy Lee Wallace et Nick Castle.