Je m'ennuyais un peu, donc j'ai écrit ça à l'instant. C'est pas génial, mais dites-moi ce que vous en pensez si le coeur vous dit de me lire.

 

 

Enfin, mon tour. A moi de briller. Mon heure de gloire est arrivée. La cuisine, c'est ce qui me permet de décompresser. De me sentir vivant. Cette émission de télé réalité, pour moi, c'est une chance. La chance d'épater ces amis qui m'ont délaissé. D'épater Carole. Carole ? Mon ex. Pourquoi diable m'a-t-elle quitté celle-là ? Depuis des mois, elle a rompu tout contact.

Avec un peu de chance, elle regarde l'émission. Après tout, pourquoi pas : nous sommes sur la première chaîne du pays, en prime-time, et en direct. Ça se tient. Elle va regarder, elle va me voir briller, et elle va revenir. Voilà mon plan. Voilà ce que je souhaite.

Je prépare les plats depuis très tôt ce matin. Les caméras s'affairent autour de moi. Je suis en transe. C'est enivrant comme situation. Ce sentiment d'être au milieu du monde, d'en être le nombril. Mais mieux ne vaut pas que je m'égare. Le menu ? Un tartare de poivrons, suivi d'un haché de viande rouge, une papillote de bœuf et des fagots d'haricots. Le dessert ? Une panna cota aux fruits rouges. Ce repas sera mon triomphe. C'est la finale française après tout. Toute ma vie, je l'ai consacrée à la cuisine. Quand j'étais petit déjà, j'allais regarder ma mère préparer le souper. Je lui demandais conseil, l'aidais. J'ai grandi. J'ai rencontré Carole. J'ai passé quatre ans à tenter de la convaincre. Un jour, elle m'a finalement accepté. Ce jour, je veux le revivre. Je ne veux pas qu'elle soit loin de moi. Je veux qu'elle soit à moi, je veux la posséder, je veux être en elle. Alors pourquoi m'a-t-elle laissé ? Certaines nuits, je la vois revenir. D'autres, au contraire, je comprends pourquoi elle m'a quitté. Je ne veux pas me rappeler de ces nuits-là. Les rejeter, les oublier, c'est le seul moyen que j'ai de préserver ma santé mentale.

Elle reviendra. J'en suis sûr.

Vingt heures. Les invités arrivent. La plupart, je les ai vus à la télé. Une bande d'incapables qui ne comprennent rien à l'amour de la cuisine. Pour eux, c'est un passe-temps. Non. Non. Non. La cuisine, c'est l'œuvre d'une vie. On doit être prêt à tout pour elle. Mais la télé est là. Hors de question de gâcher mon succès pour quelques incivilités. Alors les voilà les ronds de jambes. « C'est beau chez vous », « Quelle magnifique décoration » ... Arrêtez votre char. Je m'en fiche de votre avis. Mettez-vous plutôt à table.

Vingt et une heures. Je n'en peux plus. On vient seulement de se mettre à table. Tant de niaiseries. Obligé d'être agréable, de faire semblant de m'intéresser à leurs vies de merde. Les gens doivent penser que je suis sympathique. Même les caméramans se joignent au repas. J'apporte les entrées. C'est un triomphe bien entendu. Tout le monde a fini. Quoi !? Ils recommencent à parler ? Mais c'est ridicule, ne peut-on pas passer au plat principal !?

Encore une trente minutes de perdues. J'apporte le plat de résistance : ils s'en repaissent comme des bêtes. La viande est encore un peu saignante. C'est dingue, ils ne se rendent même pas compte que la viande a été décongelée. Ils n'y connaissent vraiment rien.

Vingt-deux heures. Ils finissent enfin le repas. Comme prévu, les porcs s'endorment. Ces somnifères sont exceptionnels. Je m'empare d'une caméra. Combien ai-je de temps avant que le direct ne soit coupé ? Une minute ? C'est suffisant.

« Ils ne se réveilleront pas. Je les aurai tués avant. Ce que je vais faire d'eux ? A quoi bon le dire ? VOUS le savez déjà. »