Bon allez, juste au passage, rapidement...

Vous voulez savoir pourquoi faire un reboot Robocop ce n'est pas bien? Oui? Allez, regardez ça déjà.

 

C'est fait?
Bon...

Rassurez-moi, vous avez vu le Robocop de Verhoeven avant? Il vaut mieux pour comprendre où se trouve le problème.

Le souci avec ce nouveau Robocop, c'est que l'équipe qui est en charge de la production le fait par pur appât du gain en surfant sur la mode actuelle du blockbuster, et ce, par manque total de lucidité sur la nature du personnage et surtout de son univers.

Détroit, vrai personnage principal de Robocop.

Le propre de la science-fiction occidentale repose sur la projection possible de notre futur et c'est au coeur de cette porjection que va se cristalliser les craintes et les espoirs dans l'humanité en posant tout un tas d'interrogations sur la place de l'Homme, sa nature, l'évolution de la société... Bref, ce que vous voulez...

A ce titre, Robocop, film de 1987, est particulièrement symptomatique de la vision de la science-fiction de cette époque.

Les années 80 sont en effet une décennie charnière de la SF, puisque c'est pendant cette période que va s'imposer une contre-culture emprunte de pessimisme qui découle de la crise économique, de la crainte nouvelle du SIDA, de la banalisation des drogues dures, de la prise de conscience de la pollution (si vous vous souvenez, on était très "couche d'ozone" à cette époque, aujourd'hui on s'en fout pas mal, on est plus "réchauffement climatique"...)

En dépeignant un Détroit, ville très industrielle des Etats-Unis, comme repère d'une délinquance galopante et ultra-violente, Paul Verhoeven met l'accent sur les affres de la crise économique: chomâge, qui conduit à l'exclusion, à la misère et progressivement à la délinquance.
Avec en toile de fond la désindustrialisation (qui débute pendant cette période), Robocop met en scène l'OCP, conglomérat tout puissant et cynique, parfait reflet des sociétés des années 80 qui découvrent avec bonheur la délocalisation.

Cette avarice nouvelle, qui vise à licencier pour enrichir une minorité, trouve aussi un écho dans la situaiton de Détroit, où le recul des pouvoirs publics conduit l'administraion à se désengager des fonctions régaliennes (police, armée, justice) au profit des initiatives privés par le biais d'appel d'offres. Là encore, on peut faire un parrallèe avec l'Angleterre de Tatcher.

Dans son contexte, son univers, Verhoeven projette dans ce film les craintes d'une époque pour son avenir. Il observe en spectateur la société, ses errements et s'amuse à pousser le curseur à fond pour voir vers quoi nous allons. Sans proposer de solutions, sans faire de morale, le "Hollandais Violent" (j'adore ce surnom) nous montre juste le monde tel qu'il est  et là où il va aller si on continue de la sorte. Le tout bien sûr est emprunt d'une sorte de crainte millénariste. Si les années 50 nous présentaient une S-F propre, bénéfique, aux robots inoffensifs et aux automatisme bienveillants, le contexte des années 80 rappelle que cette horizon de l'an 2000 est bouché et que les jeunes optimistes de naguère sont devenu, pour les trentenaires actuels, les connards qui ont connu le plein emploi et les Trente Glorieuses, tandis que pour nous, on s'interroge sur un possible Creutzfeldt-Jakob à 70 ans...

La ville de Détroit est donc le résultat du processus de cette cristallisation S-F, qui devient le réceptacle de nos craintes actuelles. Les villes sont d'ailleurs souvent dans la science-fiction, le reflet de ces craintes et le socle parfait pour cette projection.

Or, ce que les réalisateurs n'ont à mon sens pas compris, c'est que ce rôle dévolu à la ville, comme "entité" extérieure et menaçante, a profondément été modifié vers le milieu des années 90 et l'est encore plus aujourd'hui.

Si auparavant la ville était lieu de peurs, de saletés, nous sommes obligés aujourd'hui de reconnaitre que les villes actuelles sont des lieux re-adaptés, réappropriés. SI Robocop se fait le porte-parole des villes où les périphériques ravagent la nature dans des tons gris goudrons/ciment, si la voiture est omniprésente pour se déplacer (les transports en commun étant pour les miséreux), aujourd'hui force est de constater que les villes sont reprises en main: Multiplication des zones piétonnes, nouveaux transports en commun, réappropiration des espaces verts... De moins en moins la voiture n'a droit de citer en ville.

Il en ressort que le rapport craintif et ambigu avec la ville est désormais largement battu en brêche dans l'inconscient collectif.
Le premier artisan de cette déconstruction mentale du mythe de la ville est d'ailleurs Neon Genesis Evangelion. Alors que la S-F japonaise avant l'habitude de montrer des villes-monstres tentaculaires et/ou détruites (GitS, BubbleGum Crisis, Akira, PatLabor), Evangelion va montrer la ville de Tokyo-3 comme une défense, un rempart contre une destruction imcompréhensible pour les humains. Lors d'une discussion avec Gendo Ikari, Fuyutsuki expliquera en quoi la ville est une projection de notre recherche de l'Eden perdu dans la Génèse. (y'a matière à faire un nouvel article rien que sur ce sujet d'ailleurs).
Le rôle de la ville, son image, a donc été modifiée au cours des deux dernières décennies. La réappropriation urbaine, le fait que les infrastructures urbaines nous permettent d'utiliser nos téléphones portables et Internet, tout cela concours a créer un écart, que dis-je, un gouffre insurmontable quand on veut adapter Robocop à notre époque.

Le film reposait sur la ville, sur Detroit, sur la saleté, sur une société qui se perd. Or, aujourd'hui, cette image là tend à disparaitre. Non pas que la misère n'existe plus, bien sûr, mais qu'elle est moins visible, éloignée, qu'elle prend de nouvelles formes. Si la vision d'un HLM nous donne de suite  une idée (vraie ou fausse) de ces habitants, voilà qu'aujourd'hui on démoli, on dynamite et on reconstruit avec des lotissements, des immeuibles bas...

Bref, faire Robocop en 2014 c'est lui enlever son terrain de jeux de prédilection, c'est lui retirer son cadre. C'est mettre un personnage qui n'est plus en phase avec notre époque. SI on veut faire un héros justicier, à la Robocop, il faut le recontextualiser par rapport à son temps et non pas rabacher un personnage d'un autre temps, d'une autre génération qui avait des attentes différentes.

 

L'évolution du design de Robocop: de la victime au super-héros.

Ce qui me conduit à commenter les quelques indices, pistes qui semblent ressortir de ce trailer, et qui nous amènera à examiner le mechadesign en détail, qui se revèle très symptomatique de la démarche de l'équipe du nouveau Robocop.

Le titre pose le débat.

Dans le film de Verhoeven, Robocop est une victime. A ce titre, il respecte le schéma classique de tous les héros cybernétisé. Ils le sont de manière involontaire, ils sont les victimes de ce profond changement et en souffrent même si ils ont acquis de nouvelles capacités qu'ils sauront mettre au service de leur cause.

Si le nouveau film semble respecter ce même schéma, on notera une foule de détails qui porte attente à la démarche première du cinéaste hollandais et par la même à l'esprit du personnage.

Souvenez-vous dans le premier Robocop, Murphy est quasiment mort. Par contrat, il a confié son corps à l'OCP qui a la possibilité de le modifier et de se l'approprier.
On retombe dejà dans un premier temps sur le cynisme décrit plus haut. L'OCP et ses cadres, sans égard pour la personne humaine arrache une dépouille à sa famille pour poursuivre un but égoïste de rentabilité.
Ensuite, lors de l'assemblage de Robocop, on a toute une scène où on "voit" à travers les yeux de Murphy. On assiste dasn ses yeux à son "éveil" (ou démarrage pour certains). A ce moment, les ingénieurs et le chef du projet regardent Murphy comme un objet dont on vérfie le fonctionnement. Murphy est chosifié et on est acteur de cette chosificaiton car nous nous trouvons mit dans la tête du policier.  Verhoeven nous invite à vivre par une caméra subjective cette angoissante robotisation forcée.

Elle prend un aspect encore plus grave quand on fixe le casque de Robocop sur son visage. Véritable masque de fer qui chosifie encore plus le personnage car on lui supprime la plus large partie de son identité. Le processus va plus loin quand  Bob Morton, interprété par Miguel Ferrer, va contre l'avis des ingénieurs qui demandaient a ce que l'on garde la seule main encore valide de Murphy. Il exige de remplacer toute la chair possible pour un maximum de métal et de mécanique

Cette réplique appui le propos qui fait de la cybernétisation de Robocop non plus une façon de sauver la vie d'un homme, mais bien de l'instrumentaliser, de le chosifier au maximum. Tout le symbole de ces années 80 où la fin du plein-emploi rend les personnes jetables et corvéables à merci se trouve là...

Ce n'est que très tard dans le film, alors que Murphy est blessé et que Lewis aura réussi à voir au-delà du métal que Robocop otera son casque. Scène forte, où il retire à la visseuse deux bouts de métal de sa tête pour afficher au final un visage humain. L'homme transparait malgré les souffrances, les changements forcés.
Si l'OCP avait tenté de le plier à sa volonté, de tuer ses rêves (au sens propre), de manipuler ses souvenirs, il s'avère qu'au final, l'humanité ne peut jamais être aliénée éternellement, que la conscience, "l'âme", trouve toujours une sortie, une échappatoire malgré les tortures.

Le nouveau Robocop, lui, en montrant surMurphy une main humaine, trahit l'esprit du personnage tel que je l'ai décrit plus haut. La cybernétisation de Murphy ressemble plus a de la charité, à une réparation, qu'a une réelle aliénation et chosification de l'homme, qui est le coeur même du propos du film à la base. SI le trailer semble révéler les problèmes de Murphy avec sa famille, nous avons au final un Robocop qui se souviens de qui il est, de ce qu'il a fait, de sa famille, là où le héros de base est tellement victimisé qu'il ne peut qu'a grand peine se souvenir de sa vie d'antan.

Si on rajoute à cela ce casque amovible qui révèle donc dès le départ le visage de Murphy, nous entrons là, par le biais du mechadesign dans une dynamique qui rappelle la démarche d'un super-héros qui revêt son costume avant de partir en mission.
A ce moment là, on observe de façon limpide la mutation qui transpose Robocop non plus dans la S-F "classique" mais dans les figures iconiques de super-héros.
A ce titre, on se réapproprie le héros pour lui faire un reboot dans la droite ligne de Batman Begins ou Man of Steel. Mais on risque de finir plus proche de Green Lantern, je crois...

Trêve de blagounette Ryan Reynoldesque. La démarche de mechadesign sur Robocop modifie en profondeur l'image de ce personnage, de son objectif, de l'écho qu'il essaye de renvoyer au spectateur.

Robocop est le symbole et la victime d'une société qui se perd, qui perd la valeur de l'humain, d'une société où on fait à

la télévision la publicité d'un coeur artificiel, où les informations distillent des horreurs dans l'indifférence générale.

Robocop n'est pas un redresseur de torts qui arrive sur une monture/moto.

Robocop est le cri d'un homme a qui on a arraché ce qui faisait de lui un humain, qui tente désespérement de reconquérir cette humanité détruite en se rebellant contre ses créateurs qui se sont pris pour Dieu. Robocop ne rend pas la Justice, cette justice de super-héros qui est absolue, transcendante et vraie. Il est un flic qui rend une justice humaine, qui essaye de se débattre pour recréer la société de droit et lutter contre l'état de nature.

 

Robocop a connu deux autres films (bon et mauvais), une série (mauvaise) et un dessin anime (dispensable mais sympa pour les gosses pas regardant).
Si la colère et la crainte devient si forte pour ce film, c'est qu'il essaye de rebooter un personnage iconique d'une époque et qu'il essaye de le déplacer dnas une nouvlele époque qui n'est pas la sienne. Toutes les autres oeuvres liées au personnage  gardaient la "patte" années 80, 90 au pire mais "pré-95
". A ce titre, on pouvait les tolérer même si on faisait du mal au personnage et à l'oeuvre de base.

Mais ce coup-ci, en se présentant comme un nouveau Robocop, avec un tel virage à 90°, on oublie une donnée importante. Oui, il peut être souhaitable et acceptable de faire des reboots mais pas quand les spectateurs de l'époque sont encore jeunes! Une figure iconique doit le rester et rester au temps auquel elle appartient.

SI il doit y avoir une réappropriation, elle ne doit pas être forcée et provoquée pour en faire de l'argent. Il faut d'abord qu'il y ait une vraie démarche d'assimilation pour pouvoir la recontextualiser et ensuite la représenter au public.

Le souci est que Robocop est très connoté par la S-F des années 80, à la différence de Terminator qui a réussi une transition vers les années 90 puis 2000 avec plus ou moins de succès.
Il est dangereux pour l'imaginaire de rabacher sans cesse les réussites d'antan, il est vital se présenter des figures nouvelles, jeunes, que la jeunesse actuelle pourra se réapproprier et ne pas donner aux gosses d'aujourd'hui que de la nostalgie par procuration de héros qui ne leur appartiennent pas.