Si mon allégeance graphique reste inaltérablement attachée à redjuice, j'évite pour autant d'être sectaire. C'est très mauvais pour la culture et en plus, en étant sectaire, on finit par réclamer un jeu de versus fighting à la Arc System Works pour départager la meilleure religion.

Ineptie que cela.

Tout le monde sait que les Raëliens sont les plus forts, ils ont des soucoupes volantes.

Toujours est-il que mon ouverture d'esprit, aussi large qu'un rayonnage de l''Encyclopaedia Universalis ne saurait se limiter à quelques œuvres et que mon amour pour la chose dessinée aussi profond que le Gouffre de Padirac (très joli, c'est à voir) ne peut se contenter d'un seul auteur.

Je vais donc profiter de cette rubrique pour présenter un illustrateur, expliciter son travail et en mettre plein les mirettes à grands renforts d'images. Dans la mesure où je ne suis pas Victor, je n'ai guère les compétences nécessaires pour fournir une analyse poussée, complète et pertinente. Je resterai donc dans le registre de l'affect, beaucoup plus rigolo à mettre en place car on peut se permettre d'écrire de grosses conneries et se planquer derrière l'argument de l'avis personnel.

La première à passer dans cette rubrique sera donc Aki Akane.

Derrière ses impressionnantes lunettes de soleil, Aki Akane est une illustratrice japonaise qui se permet en plus d'être compositrice et chanteuse. Les gens qui savent tout faire, c'est typiquement le genre de trucs qui m'énerve.

 Mais bon, comme elle dessine plutôt bien, on lui pardonne.

 

Ce que j'apprécie dans son travail, c'est le fait qu'un regard superficiel porté sur son oeuvre sera dupé.

Regardez les illustrations : Des personnages respectant les canons des mangas, aux grands yeux expressifs, des couleurs flashy complètement pop culture, voilà une artiste que l'on mettrait sans nul doute sur quelque sac à main fashion. Une blogueuse trouverai cela « manga » et par la même propre à le coller partout pour peu que la mode revienne aux trucs acidulés. 

Mais quand l'œil se concentre sur un visage, un détail, puis l'illustration dans son entier, alors la vraie nature des œuvres d'Aki Akane apparaît.

Des personnages en pleurs, dont les bouches, larges et expressives, montrent parfois joie et tristesse mêlées.

Deux thèmes reviennent souvent : le mal-être à l'école, que ce soit dans la chanson composée avec Vocaloid « Rolling Girl » ou certaines illustrations qui montrent des écoliers portant des masques souriant alors que sous ces derniers se trouvent des visages tristes, amorphes, éteins.

Plus loin, c'est la récurrence de la mutilation que l'on retrouvera. Hatsune Miku sous monitoring et oxygène, la colonne vertébrale d'où sort un tuyau... Autant de motifs d'écorchée vive, où à travers une loupe, on entr'aperçois derrière l'uniforme la réalité des choses, un squelette, véritable mise à nue complète, où le cœur stylisé sous sa forme de symbole d'amour est exposé.

 

 

 

Sur la jaquette de son CD Firefly, dans une opposition/égalité  homme/femme, les personnages en vis-à-vis hurlent une colère enfermée qui jailli des mains crispées dans le dos sous la forme d'une mecanisée de libellule, dont on peut voir une volonté de mue, d'envol, témoin du mal-être adolescent.

Tout le travail d'Akiakane joue sur une certaine duplicité. Entre les illustrations de promotion, bien gentilles, on trouve un univers foisonnant, angoissant pour qui s'y attarde car révélateur d'un malaise profond, lui-même conséquence d'un monde (trop) violent.

On peut trouver dans ses œuvres un écho cathartique, une sorte de compréhension réciproque entre l'auteur et son public. Usant pour cela de symbole forts, simples et très lisibles, Aki Akane ne peut s'imposer comme une « artiste » au sens de l'art contemporain car elle n'est pas dans l'abstraction. Mais ces symboles que l'ont peut qualifier de « bateaux » sont dissimulés sous une couche superficielle qui fait illusion pour qui ne sait pas voir au-delà, que ce soit par paresse ou préjugé.

Plus que le produit d'une époque, Akiakane arrive à dépasser le cadre de l'illustration "neutre", "publicitaire" pour toucher un public. Si sa technique et ses choix esthétiques condamnent son travail à mal vieillir car dépendant d'une mode et de son esthétique, les thèmes sous-jacents risquent, eux, de lui survivre. Et si ce n'est pas le cas, si les « futurs jeunes » (tous des cons, je le sens car je suis déjà un vieux) rejettent ce travail ou l'oubli purement, alors Aki Akane aura néanmoins réussi à s'adresser et à cristalliser les attentes, les angoisses d'une génération à qui on impose dans ces années 2000-2010 des figures vieillissantes et "remakés".

Si son travail vous intéresse vous pouvez le voir en meilleure qualité ici: 

https://www.artofjapaneseillustration.com/shop/fr/37143-aki-akane