Nous sommes la nuit du 16 au 17 décembre 1916. Un homme est invité à manger chez Félix Ioussoupov, neveu par alliance du Tsar. Cet homme, c'est Grigori Raspoutine.

Né entre 1868 et 1869 dans un village sibérien, Grigori aura dès son enfance une réputation de guérisseur et de voyant. Il aurait eu une apparition de la Vierge en 1894 qui le conduisit à abandonner sa vie de fermier pour se lancer sur les routes à vivre comme un ermite.
Arrivé à Saint-Pétersbourg, il parviendra par son charisme et son regard troublant à se faire recommander par un évêque orthodoxe qui l'introduira à la cour pour inspirer le Tsar Nicolas II jugé trop occidental.
La tsarine, adepte de mystiques de tout poils, l'invite à ses cotés. Raspoutine lui, demande à voir le tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie. Il jète les remèdes des médecins de l'époque, usant de ses talents de guérisseur sur l'enfant qui semble se porter mieux au contact du moine. Raspoutine rend surtout un fier service au jeune prince car l'aspirine donnée pour soulager les douleurs aggrave aussi l'hémophilie.
Avec cette réputation de guérisseur et de prédicateur, Raspoutine devient indispensable à la famille impériale qui le fait suivre partout.
Organisant des séances d'exorcisme et de prières, il met la cour sous sa coupe et compte de nombreuses nobles comme maitresses.
Sale, débauché, pronant l'excès de péchés comme moyen de rédemption, il commence à faire scandale dans l'entourage du Tsar et se fera des ennemis quand il se mêlera de la politique Russe.
Une nouvelle guérison miraculeuse du tsarévitch plus tard et Raspoutine rentrera triomphalement à Saint Pétersbourg. Il y sera victime d'une tentative d'assassinat qui le marquera profondément le plongeant dans l'alcool et toujours plus débauche. Donnant son avis sur tout, intervenant dans les carrières de ministres, des généraux, c'est la Grande Guerre, catastrophique pour les russes, qui va permettre à une large part des nobles et hauts dignitaires de cristalliser leur révolte autour d'une personne:  Raspoutine.

Une conjuration se met en place réunissant Dimitri Pavlovitch, cousin du Tsar Nicolas II, Félix Ioussoupov, son neveu par alliance, Vladimir Pourichkévitch, député, Soukhotine, officier de l'armée et Stanislaz de Lazovert. Ioussoupov aura pour mission de se lier d'amitié avec Raspoutine afin de lui tendre un piège lors d'une soirée. Au cours de ce repas, Raspoutine doit être empoisonné.

Le docteur Stanislas de Lazovert se charge d'empoisonner les gâteaux. A l'aide d'une seringue, il injecte suffisamment de cyanure dans la pâte pour "tuer un éléphant" (de son propre aveu.). Puis les conjurés installent dans la palais de la Moïka une salle à manger en sous-sol afin que les éventuels cris de Raspoutine ne puissent alerter le voisinage.
Quand Raspoutine se présente au palais, il est accueillit par de la musique joyeuse afin de tromper sa méfiance. Le moine semble en effet bénéficier d'un don de prophétie et il a à plusieurs reprises, annoncer son propre assassinat. Beaucoup l'on d'ailleurs supplié de ne pas répondre à cette invitation...
Alors que les pâtisseries empoisonnés sont proposés par le prince Félix, Raspoutine refuse poliment. Devant ce refus, Ioussoupov s'inquiète et se retire pour demander conseil à ses complices. De retour dans la salle à manger, Il constate que Raspoutine accepte un verre de vin, qui est empoisonné aussi, et mange quelques gâteaux.
Le cyanure est d'action rapide: une minute suffit à provoquer une perte de connaissance, suivi de 45 minutes de coma pour enfin constater la mort de la victime. Après avoir mangé, Raspoutine demande un peu de musique tzigane qui affectionne beaucoup. Les minutes passent et Raspoutine se porte comme un charme...
Paniqué, Ioussoupov monte à nouveau voir ses complices. Après avoir suggéré l'étranglement, Ioussoupov se décide à utiliser son pistolet, il descend et trouve Raspoutine assoupi (il a bu et il est 3h du matin). Il le réveille et lui demande de prier, Raspoutine s'exécute et pendant le signe de croix, le prince Félix tire une balle en pleine poitrine. Raspoutine s'effondre et les conjurés descendent pour vérifier la mort de ce dernier.
Le docteur Lazovert confirme la mort de celui qui plongea la cour des Tsars dans la débauche...

Mais alors que le corps était enroulé dans la peau d'ours sur laquelle il était tombé, Raspoutine se relève subitement, du sang sortant de sa bouche, et hurle "Félix!" en se précipitant sur celui qui l'a assassiné. Il tente d'étrangler Ioussoupov avant d'essayer de s'enfuir. Vladimir Pourichkévitch, un des conjuré, sors son propre revolver et tire quatre fois sur Raspoutine qui s'effondre à nouveau sur le perron. Il est ramené à l'intérieur.
Félix Ioussoupov dans un accès de rage, se jète sur la dépouille du moine et la lynche avec une matraque, pris d'une soudaine folie. Un troisième tireur, indéterminé, tire une dernière fois en plein front de Raspoutine pour l'achever à coup sûr.

Les rideaux de la pièce furent décrochés et servirent pour emballer le corps qui fut solidement ficelé. Ils transportèrent la dépouille de leur victime jusqu'à un pont de la Néva d'où ils jetèrent le corps. Mais la glace était trop épaisse, et les assassins durent descendre sur la Néva, briser la glace, et y précipiter le cadavre...

Au petit matin du 19 décembre, le corps est retrouvé dans la Néva, sous une couche de glace. L'autopsie pratiquée le jour même démontrera quatre tirs dont un dans la poitrine, un au cou, et un dans le cerveau. L'analyse de l'estomac révèlera ce qu'il a consommé mais aucune trace d'empoisonnement...
Le rapport d'autopsie est par contre sans appel sur un point: la présence d'eau dans les poumons de Raspoutine démontre que celui-ci est mort de noyade.
Pour expliquer l'échec de l'empoisonnement, certains avancent le fait que le mélange du sucre des gâteaux et du cyanure lors de la cuisson à modifier le poison le rendant inopérant. D'autres pensent que le docteur Lazovert pris de remords et tenu par le serment d'Hippocrate, aurait substituer le poison à un produit inefficace...

Avant sa mort, Raspoutine avait annoncé à la tsarine: Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après, le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable.

Trois mois plus tard, la Révolution Russe débutait, avec elle le massacre de la famille impériale suivi de presque un siècle de totalitarisme...

Ainsi débuta la légende de Raspoutine...

Voilà, ça fait aujourd'hui deux ans que ce blog tourne grâce à vous et à la fidelité dont vous m'honorer. Une nouvelle fois merci de porter un intérêt aux (longues) bêtises que j'écris, même si ce n'est pas au niveau de cette très excellente communauté.