Synonyme de destruction et symbole de technologie mystérieuse, le rail gun a une place de choix dans l'imagerie geek. Il est loin le temps où la réalité virtuelle menaçait de nous absorber entièrement (avec des casques sur la tête) et le plasma, plutôt que de nous bruler vif, remplit désormais les écrans plats. Depuis le passage de l'horizon de l'an 2000, ce futur que nous sommes censé vivre avec des voitures volantes nous semble tristement banal. Il faut donc trouver de nouvelles technologies à craindre.

Voici la bête

Les vieux croquemitaines que sont le laser et le nucléaire, hérités de la Guerre Froide et nous promettant la fin du monde avant l'an 2000 sont désormais de gentilles reliques de la SF à papa, celle des tirs qui font *piou-piou* et qui veut te faire croire qu'avec un réacteur nucléaire tu traverses la galaxie.
Il est alors vital que l'imaginaire collectif se construise un nouveau "loup", une nouvelle chose à redouter et/ou à posséder. L'un de ses nouveaux éléments est sans contexte le rail gun. A partir de notions technologiques que le commun des mortels peut comprendre, nos fictions en font une chose qui dépasse l'entendement. Le rail gun, c'est la technologie qui devient magique.

Le principe
(Source Wikipédia et oranchak.com)

Le rail gun ou canon à rampe ou canon électrique, est un mode de propulsion des projectiles qui n'utilise pas la détente des gaz comme avec la poudre. Le rail gun utilise la force électromagnétique qui circule dans deux rails parrallèles. Un fort courant électrique circule dans les deux rails (l'un positif, l'autre négatif) mais le circuit reste ouvert. Quand le projectile, conducteur lui aussi, est inséré entre les deux rails, il ferme le circuit et génère un champ magnétique. Ce champ magnétique propulse le projectile le long du rail et est éjecté à grande vitesse. La vitesse du projectile est dépendante de l'intensité du courant électrique. Alors que la poudre limite la vitesse maximale d'un projectile (difficile d'aller au-delà de 1800 m/s), un rail gun n'a pas de limitation théorique de puissance. 
On imagine donc sans peine une application militaire. Alors que détruire une cible blindée nécessite des explosifs couplés à une charge creuse, un simple projectile métallique atteindrait sans effort une vitesse capable de percer un blindage du fait de sa seule force cinétique. L'apparence simple du procédé dispense aussi de système de culasse complexe soumise à des rigueurs mécaniques. Les projectiles sont aussi réduit a leur plus simple expression n'ayant plus besoin d'explosifs et mais d'un peu d'usinage.


Schéma du dispositif.

Cependant, seule la fiction donne du corps à cette théorie. En effet, les puissants courants électriques nécessaires posent des soucis techniques. Il faut trouver des matériaux pour les rails qui résisteraient sans (trop) chauffer à ces courants. De même, la puissance magnétique nécessaire exerce des efforts mécaniques qui risque de tordre les rails. Le projectile, qui est en contact, repousse les rails vers l'extérieur, il faut alors de très fortes contraintes pour empêcher le dispositif de se disloquer à chaque tir.

Détail remarquable: dans MGS, on note que le rail gun au repos lance d'impressionnants arcs électriques. Ce détail, qui fait très classe, prouve la qualité de documentation du staff de Kojima. Cependant, ces arcs électriques sont les bêtes noires des chercheurs. En effet, chaque arc ferme le circuit entre les deux rails et c'est autant de courant et de puissance qui s'envole à chaque arc électrique créé...

Pour information, le DARPA, cher à Kojima, a été financé par l'administration Reagan pour des recherches sur le rail gun (dans le cadre du projet "Guerre des étoiles"). Actuellement, la marine américaine à réussi un tir à 2500 m/s. Mais on table sur des vitesses de Mach 5 ou 7 pour les futurs essais. Bref la paix dans le monde, c'est pas pour tout de suite...

Tir d'essai au rail gun. Les flammes proviennent de la friction de l'air sur le projectile comme une navette spatiale qui rentre dans l'atmosphère.


La mythologie du rail gun

Les contes placent souvent la magie entre les mains des femmes. Qu'elles soient bonnes fées ou sorcières, elles possèdent ce don qui les rends puissantes. Voyez comment Fortune dans MGS 2 est l'incarnation d'une sorcière moderne. Elle possède le rail gun et est invulnérable aux balles. Sa puissance est quasi-divine: de son bras elle peut détruire n'importe quelle menace et son corps est un rempart infranchissable. Investie d'une chance que l'on croit magique, Fortune, comme toute sorcière de conte, perdra face au héros et sera dépossédée de ses attributs.


Fortune, sorcière du XXIème siècle.

MGS 4 nous montre aussi des sorcières, au nombre de quatre, que sont le Beast and Beauty Corp. Là encore, dans un mélange de mythologie, de magie et de technologie, les "sorcières" sont pourvues d'attributs zoomorphes. Corps de loup tel un Sphynx, corps d'oiseau telle une harpie... Grâce à Kojima, la technologie si banale et quotidienne redevient une chose à craindre car il l'investi d'une aura magique.


Le Beauty and Beast Corps, créatures d'une mythologie technologique. Kojima, Homère de ce siècle?

Voyez comment Crying Wolf donne à Old Snake son rail gun. Le héros se voit doter, pour triompher de ses ennemis, d'une arme puissante, comme la Dame du Lac confie Excalibur à Merlin pour qu'il l'a donne à son tour à Arthur.
Excalibur moderne, le rail gun devient un attribut dont seul un héros peut être digne, que Snake gagnera en duel, modalité chevaleresque si il en est. 
Plus qu'un don, on peut aussi voir le rail gun comme l'attribut de la victoire. Crying Wolf, sans humanité à cause de sa folie, rappelle le dragon de Siegfried ou le Minotaure de Thésée. Les B&B, monstres du passé produits par les guerres, doivent être combattues par le héros qui symbolise le combat des forces antédiluviennes et rétrograde (la guerre dans ce qu'elle a de plus cruel) contre les forces de la raison et de la paix (avec Snake et Philantropy).


Le rail gun est donc emblématique non seulement par son pouvoir évocateur mais aussi par les attributs de gameplay que l'on lui a confié au fil des jeux.

Le rail gun dans le gameplay.

Tout les jeux de SF récent (Red Faction, Halo, Mass Effect) intègre le rail gun comme armement, il en découle surtout dans les FPS, une sorte de tradition du rail gun qui codifie son fonctionnement.

Dans Mass Effect et Halo, cette technologie sert à la fois de caution scientifique, pour donner du corps à l'univers, mais aussi d'éléments de gameplay. En effet, dans Mass Effect il n'est plus nécessaire de justifier des chargeurs de balles (trop rétrograde). Une jauge de surchauffe, en cohérence avec la technologie, la remplace avantageusement. De même, il est intéressant de noter que les tirs sont lumineux mais il est hors de question de parler de laser, preuve supplémentaire que la SF à reléguer au placard c'est fausse technologie du futur. COmme arme de base futuriste, le rail gun se retrouve aussi dans Command and Conquer ou EVE Online.

Dans les FPS multijoueurs le rail gun, dans Quake ou Red Faction, possède les mêmes caractéristiques. C'est une arme extrêmement puissante qui supprime l'adversaire d'un coup au but. En contrepartie, l'arme ne tire qu'une fois et nécessite un long rechargement. C'est donc une arme qui ne tolère aucune approximation, une erreur dans du 1 contre 1 se soldera souvent par la mort du personnage imprécis. Cette spécificité se retrouve aussi dans Perfect Dark, dans Crysis et S.T.A.L.K.E.R, une arme similaire est mentionnée sous le nom de fusil Gauss, le gauss étant l'unité de mesure de l'induction magnétique.

 

 

 

Le rail gun de Quake


Bien loin de s'encombrer de mythologie, nous avons a faire là a un pur élément de gameplay où la balance avantage/inconvénient d'une arme est poussée à son maximum. Comme dans MGS, le rail gun devient une arme exigeante qui laisse exprimer tout son potentiel entre les mains de quelques élus capables de s'en servir.

A la croisée de la magie et de la technologie le rail gun reprend à son compte les caractéristiques des objets magiques qui émaillent nos contes et légendes. Sa reprise récurrentes dans les films (L'Effaceur) ou les jeux vidéos (Metal Gear Solid) démontre une nouvelle fois que le cinéma et le jeu vidéo sont les écrivains de mythes de notre temps et mérite à ce titre d'être une arme emblématique des jeux vidéos.