Vingt tomes, dont les derniers seront nés dans la douleur, auront été nécessaires pour achever ce qui est sans doute le moins connu des spin-off  des Chevaliers du Zodiaque.
 
"Saint Seiya G: Les Origines des Chevaliers du Zodiaque" nous transporte plusieurs années avant les événements de Saint Seiya et recentre son intrigue autour des Chevaliers d'Or, les vrais, ceux qui sont douze, et à qui le Sanctuaire fournit le gîte et le couvert dans des temples grecs (fournis avec des thermes individuelles) .
 
Alors que le Chevalier des Gémeaux vient d'usurper la place de Grand Pope et après sa tentative d'assassinat ratée contre Athéna, Saint Seiya G prend le parti de suivre le destin de Aiolia, tout jeune Chevalier du Lion, alors que son grand-frêre Aioros (du Sagittaire) vient d'être exécuté par Shura (du Capricorne, suivez un peu) en tant que traitre au Sanctuaire.
C'est donc dans ce contexte de division que va surgir une nouvelle menace pour l'humanité. Les Titans , divinités chthoniennes du Panthéon sont mystérieusement libérées du Tartare, bien décidés à se venger de ces présomptueux Olympiens (en exterminant les humains au passage) qui les avaient défait lors de la Titanomachie .
 
L'intrigue se centre autour d'un Aiolia rebelle, fongueux comme le Lion qu'il incarne et en proie au doute. Il sera le protagoniste principal de cette aventure.
Frère d'un traitre, il endure le mépris de ses pairs et le déshonneur d'une telle parenté. Chevalier d'Or malgré tout avec toutes les responsabilités que cela implique, il s'acquite de ses missions avec distance et le manga le verra grandir au travers des épreuves. Tous les ingrédients sont donc en place pour un mélange détonnant entre affrontements cosmiques et personnages que l'on espère plus creusés.
 
Et malheureusement, nous sommes loin du chef d'oeuvre que l'on pouvait légitimement attendre, de la promesse d'un renouveau salutaire qui ferait de Saint Seiya une série à la hauteur de ses ambitions.
 
L'Episode G est l'histoire d'un gachis donc, entre la pléthore de bonnes idées graphiques et les errements d'un homme qui ne sait pas quoi faire de son récit, entre la lourde tâche de se tenir à un cahier des charges inamovible (Overture a tenter de dire fuck à ce dernier, bien mal lui en a pris), d'insérer ce même récit au sein d'un univers plus incohérent qu'un programme de Présidentielles et d'apporter sa patte propre en plus de faire accepter son style graphique si particulier.
 
Tout Saint Seiya G  joue sur une balance qui oscille entre équilibre et déséquilibre en permanence.  Que ce soit sur le dessin, l'histoire, la couleur et les thèmes abordés, nous aurons toujours en face de nous une oeuvre qui va parfaitement réussir quelque chose et rater absolument l'autre facette. Si l'histoire sera réussie, elle sera racontée n'importe comment. Si le dessin réinterprète avec brio l'oeuvre de Kurumada, elle va aussi présenter des personnages aussi mal gaulés qu'un fanart fait à l'âge de huit ans...
Il est donc temps d'analyser et de présenter tous ces déséquilibres qui font de Saint Seiya G une oeuvre si singulière dans le mauvais sens du terme.
 
J'ai tout à fait conscience que les scans que je vais mettre ici vont heurter les yeux de certains. J'e sais que c'est assez souvent très moche, mais je vous demande, chers amis, de ne pas vous focaliser sur ça. oui, je suis au courant, son style ne plait pas à grand monde. Essayons de voir un peu plus loin que cela...
 
Dessin et armures.
Et oui, la première chose qui fâche avec Saint Seiya G, c'est son dessin. Le style de Megumu Okada est vraiment très particulier et n'est pas propre à Saint Seiya d'ailleurs. Les autres mangas de l'auteur, comme  Shadow Skill reprennent aussi les mêmes habitudes graphiques.
Le style de Okada se démarque (pas dans le bon sens)  par des personnages extrèmement longilignes avec des visages où l'exagération des yeux  très prononcée fait ressembler ses personnages a des protagonistes de shojo.
De cette finesse on remarque aussi des gros problèmes de proportions où non seulement les yeux sont hyper écartés dans le visage mais où aussi les personnages ne semblent pas faire la même taille d'une case à l'autre.
Le genre de truc assez emmerdant pour la cohérence...
 
 
 Si la chose peut se justifier par la volonté de faire passer un message et de lui donner une concrétisation graphique (pour renforcer un effet nekketsu), la chose va trop loin et peut même rebuter entièrement un lecteur.
Si on ajoute à cela des positions impossibles, des angles impossibles et des articulations impossibles dans les combats, on comprend alors que le gars possède son style, sur lequel il ne fait aucune concession et qui lui permet de faire passer une dynamique avant de faire passer la logique et la cohérence. Chose que l'on connait aussi avec Kohta Hirano et Hellsing par exemple.
 
Mais la vraie force du dessin de Okada, c'est sa réinterprétation des armures d'or.
Si là encore elles ne font pas l'unanimité, je suis pour ma part admiratif de son travail de réinterprétation qui repense les armures, éléments si emblématiques de l'oeuvre, pour leur donner l'assise et le rôle qu'elles méritent.
 
Si Kurumada présentait des armures de bronze ridicules, qu'on a refaites dans l'anime. Il nous a aussi donné des armures d'or qui avait pour elles le souci de la cohérence avec leur sujet (toutes les armures représentent avec précision la constellation à laquelle elles sont liés).
Cependant, la foutraquerie graphique de Kurumada montrait les armures d'or comme des sortes de tenues, de collants de super héros plus que comme des armures de Chevaliers. Si la chose peut se concevoir dans les faits: on parle de Saints  et de Cloths  dans l'oeuvre de base, Okada va lui revenir à une acception plus classique des armures et les repenser comme telles.
 
Par son sens du détail, il va s'acharner à faire de chaque armure d'or une véritable pièce d'orfèvrerie, où les gravures, les gemmes et les ciselures auront une importance pour donner un vrai standing aux armures d'or et surtout leur place d'armures d'élite dans la mythologie des Chevaliers du Zodiaque.
 
 
 En respectant les modèles de base, il va leur apporter une valeur ajoutée en sublimant ce design originel et en donnant du relief à l'armure, voyez comment dans l'armure de Mü ci-dessus il va travailler l'aspect "plates", jouant légèrement sur les ombres pour donner un "corps" tangible à l'armure qui se pense désormais comme telle.
 
Dans le manga même, on peut voir avec l'image ci-dessous, l'envie de présenter l'armure dans toute sa complexité, avec l'arrivée de cette dernière sur le corps d'Aiolia, pièce par pièce. La richesse des détails démontre un travail exceptionnel, minutieux qui prouve à mon sens un amour de l'univers de base que l'on veut sauver et sublimer tant son potentiel est énorme.
 
 
 

Totalement libre sur les armures des Titans qu'il invente, il laissera libre cours à son imagination en proposant des designs plus improbables les uns que les autres.
Prouvant là la nécessité qu'il y a canaliser Megumu Okada, qui part vite dans des exagérations dommageables à la lecture de son oeuvre.  (ouvrez un Saint Seiya G à l'occase, et vous verrez...) mais qui peut aussi proposer des designs sobres et plus en adéquation avec l'idée que l'ont peut se faire d'armures divines.
 
 
 
 
 
 
 
Histoire et dialogues.
Le plus gros problème de SSG au-delà de son dessin auquel on peut s'habituer à force, est le crétinisme complet de ses dialogues...
Je ne peux pas vous scanner les planches françaises, qui essayent de sauver le délire avec la traduction, mais on a de la redondance de nekketsu  poussée à son paroxysme  au point qu'on ne lit parfois pas deux lignes intelligentes en 10 pages.
J'exagère à peine.
Entre les commentaires sur les combats, longs et verbeux, on se répète à l'envie sur l'impossible miracle que seuls les humains sont capables d'accomplir si ils croient très très fort en leur capacités et leur cosmos.
Cette morale sur la volonté et l'envie de protéger les gens qu'on aime prend quelque chose comme, et la je n'exégère pas, 75 % du manga. C'est positivement affreux, surtout que le phrasé choisi est assez "soutenu". Certes, Saint Seiya G  fait dialoguer des dieux et justifie la préciosité des mots choisis, mais la chose serait mieux passée si ils tenaient des propos intéressants.
 
Dans le même temps pourtant, le scénario de SSG a tout pour lui.
Si Kurumada se torche avec la mythologie qui lui sert de prête-noms, Okada lui tient à en faire une assise solide, une base à travers de laquelle il cherche une cohérence.
Ne pouvant s'attacher aux Dieux olympiens qui sont du domaine de Saint Seiya. Il va aller piocher dans la Titanomachie et les dieux primordiaux de la Grêce antique. 
 
Avec ce terrain inexploré, Okada a plus de liberté pour poser son récit mais ne va jamais vraiment s'en servir. L'oeuvre a en effet connu de nombreuses interruptions de plusieurs mois et trouve aujourd'hui une conclusion très abrégée  qui abandonne sur le chemin de très nombreux personnages (la moitié de ceux que vous voyez à l'image ci-dessus notamment).
Les Titans, dont on esquisse un destin tragique avec en filigrane l'arrivée d'Hadès, sont des êtres maudits car sortis du Tartare pour être sacrifiés.
Si Hypérion l'un des Titans va bénéficier d'un combat très long et épique, qui explique mieux leur tragédie cosmique (ils sont sacrifiés par Ponthos, autre dieu primordial grec) on ne saura rien au final de ses autres comparses pour arriver en catastrophe sur le réveil de Cronos, vrai bad guy de cet épisode G. 
 
Liquidé en deux  volumes, là où un combat intermédiaire en prenait un entier tome, on sent l'oeuvre achevée dans la douleur et à mon grand regret, tant Megumu Okada en a sous le crayon. Mais peut-être aurait-il tout à gagner en prenant avec lui un scénariste qui lui dirait quoi faire et surtout quand calmer ces ardeurs narratives.
 
Bouffée par un propos nekketsu (alors qu'elle arrive à faire plus que ça dixit la partie suivante de cet exposé)  jusqu'a l'écoeurement. Saint Seiya G ne décolle jamais vraiment malgré une envie de bien faire.
C'est triste car on sent son auteur vraiment impliqué dans la mythologie grecque, qui cherche à donner une trame, un treillis cohérent basé sur la mythologieà son oeuvre.
 
Tout cela laisse seulement entrevoir, si on imagine un mélange improbables des énergies de Kurumada, Okada et  Teshirogi (Lost Canvas), à quel point Saint Seiya  peut aller loin en manga. Chose qu'a fait entrevoir la Toei avec la série anime et le chapitre Asgard  notamment.
 
L'éloignement du nekketsu et le rapprochement vers le comics.
 Comme je l'ai explicité dans la précédente partie, les dialogues de Saint Seiya G sont extrèmements crétins. Cette redondance qui était déjà à la base gênante dans l'oeuvre de base est d'autant plus incompréhensible ici car les dialogues sont plus nombreux.
Si le nekketsu  classique et dans tout ce qu'il peut avoir de plus débile se retrouve dans Saint Seiya G  en permanence au point de vous en rendre malade, il n'en reste pas moins que le spin-off des Chevaliers du Zodiaque  va réussir à s'échapper ponctuellement de cette caricature pour éclairer d'un jour nouveau certains personnages et l'univers de Saint Seiya.
 
Vous venez de lire dans le titre que je parle de rapprochement avec le comics et c'est dès le premier chapitre du premier volume que ce rapprochement intervient.
Si Superman a pour habitude de sauver son prochain en usant de ses capacités surhumaines, il semble dans Saint Seiya G  que la chose soit l'apanage des Chevaliers.
En effet,  ce premier volume nous plonge directement dans l'incident nucléaire de Three Miles Island, incident réel si il en est, qui a eut lieu en 1979 dans l'Etat de Pennsylvanie.
 
Alors que la situation sur place devient incontrolable, les autorités américaines sont court-circuités par un ordre direct du Sanctuaire qui fait intervenir Aiolia habillé normalement pour une fois et pas en tenue greque moyen-ageuse comme à son habitude...
 La chose est triviale mais a son importance, car le premier contact avec ce Chevalier d'Or bien connu de Saint Seiya  ressemble donc à celui d'un super-héros de comics, où infiltré en civil parmi le commun des mortels, il dissimule son identité et ses réelles capacités.
Alors que la série de Kurumada ne nous présente quasiment jamais les Chevaliers d'Athéna dans un contexte banal de vie quotidienne (à 2-3 exceptions prêt, contraitement à la série télé par exemple, qui est plus prolixe sur le sujet), Saint Seiya G  tiens à montrer à plusieurs reprises des Chevaliers d'Or appelés de par le monde pour régler des problèmes mystérieux où des créatures mythologiques sont impliquées:  une Gorgone qui terrorise la région par-ci, des enlèvements mystérieux d'adolescents (liés à la légende du Minotaure)  par-là...
Il s'agit pour Megumu Okada de donner une tangibilité "réaliste" à la mission sacrée des Chevaliers d'Athéna, où par la défense de l'humanité, ils se rapprochent plus des X-Men, par exemple. 
 Si Saint Seiya  se focalise sur les problèmes internes au Sanctuaire et aux Dieux avec affrontemens cosmiques à la clef, Saint Seiya G  donne 90% de son récit à de tels developpements, (le manga a pour sujet principal le combat contre le Titan Cronos), mais les 10% restant forment des a-cotés tout à fait appréciables car ils creusent la vie des Chevaliers d'Or, montrent le coeur de leur mission de défense de l'humanité, celle toujours esquissé, mais jamais montrée par Kurumada.
Par conséquent, si le manga plonge la tête la première dans le nekketsu classique, a grands renforts de techniques secrètes qui-ne-marchent-pas-deux-fois-Chevaliers  et de je-me-battrai-pour-l'humanité-et-la-paix-et-l'amour . Il s'offre, et c'est une première à mon sens, des respirations où les Chevaliers d'Or ne sont pas en danger, car ce sont des adversaires mineurs qu'ils combattent mais où ils peuvent démontrer que la mission de base créée par Kurumada n'est pas vide de sens comme l'auteur originel de Saint Seiya  l'avait fait...
Un bon point pour Okada qui sauve non seulement une partie de l'univers de Saint Seiya, mais qui arrive aussi à le faire lorgner du coté des comics pour donner de l'ampleur à des personnages qui se limitent dans Saint Seiya à être des méchants un peu cons qui ne servent à rien.
 
Okada va aussi  s'attacher dans Saint Seiya G  à montrer un Aiolia en proie au doute et par la même, à creuser l'idée de responsabilité des Chevaliers, faisant du cosmos et de leur armure un poids qui pousse à réfléchir à sa condition.
Dans le tome 8, on peut voir cette image d'Aiolia encore jeune enfant qui doit subir les quolibets de ses pairs à cause de la prétendue traitrise de son frère.
 
Alors que les médisances entendues lui donne envie de casser des figures, il prend conscience que la force que lui donne le Cosmos conduirait non pas à punir la méchanceté, mais bien à tuer les médisants, chose incompatible avec son devoir de Chevalier.
Le cosmos prend ici la forme, et c'est une première, d'une sorte de malédiction un peu comme les mutations des X-Men. Le Cosmos est un don, qui condamne ses possesseurs à donner leur vie à Athéna, même si comme Aiolia dans cet exemple, ils n'ont pas envie de servir un Sanctuaire qui a pris un membre de leur famille...  
De même, un nouveau personnage, le serviteur d'Aiolia, Galan, est un ancien apprenti Chevalier dont l'incapacité à maîtriser le cosmos lui a coûté un bras et un ½il. Le Cosmos n'est donc pas un cadeau, une facilité. Si l'entrainement semble donner la maîtrise de cette capacité dans Saint Seiya, ce n'est pas le cas pour les Chevaliers d'Or qui semblent être des élus et qui donc subissent un destin qui ne leur correspond pas forcément...
Et cet aspect là apporterait d'ailleurs beaucoup à Saint Seiya si il avait été creusé ...
 
L'armure, elle, donne une valeur symbolique et une preuve graphique à cette terrible responsabilité. Reprenez l'image ci-dessus et voyez comment dans le regard d'Aiolia l'armure d'or du Lion, une armure intégrale, enserre l'enfant. Elle se pose comme une sorte de prison, de carcan. Il semble même la regarder avec tristesse et regret. 
Élu par une déesse qui lui  a pris sa seule famille, il ne peut même pas se défendre contre les rumeurs dont il est objet, tenu par un serment qu'il subit et qu'il voudrait renier.
Aiolia est d'ailleurs fréquemment considéré dans le manga comme un Chevalier d'Or renégat, tant on se méfie de son sang de traître et de son envie de vengeance. 
 
A la fois victimes d'un destin qu'ils n'ont pas choisi, bénis par une déesse qui leur donne la force des dieux, les Chevaliers d'Or s'éloignent subtilement et trop peu souvent d'un Seiya qui  prend des coups avec contentement pour mieux se relever ensuite. Si dans Saint Seiya G  les choses se passent aussi comme cela, on apprécie cependant les appartés riches en sens qui apportent un regard nouveau sur les Chevaliers du Zodiaque, celui à mon sens de la maturité.
 
Couleur et noir & blanc..
 
L'un des principaux reproches que l'on fait, et à raison, à Saint Seiya G, c'est son dessin. Si la chose fut déjà expliquée plus haut, et témoigne du style très particulier de son auteur, je veux ici faire plus spécifiquement référence à la clarté (ou son absence plutôt)  des planches.
Ces dernières sont en effet bordéliques au possible.
Déjà que le style de dessin fait la part belle aux designs étirés et aux angles impossibles, on constate qu'en plus l'abondance de particules, le foisonnement de détails n'arrange pas la lisibilité de la chose.
Ce qui frappe aussi c'est le choix des nuances de gris qui abouti à une absence de contraste totale entre les personnages. Tout dans ce manga est gris clair / gris foncé, à un tel point que les combats deviennent difficiles à suivre, et déjà  qu'ils sont statiques (c'est du Saint Seiya), voilà qu'en plus on ne voit même pas qui place les coups.
 
Mais le plus terrible dans ce triste état de fait, c'est que la cause de ce dessin foutraque est d'une stupidité abyssale et n'est pas vraiment la faute du dessinateur.
Il se trouve qu'en fait, Megumu Okada travaille beaucoup sur ordinateur.
Oui. Pour le Japon, faire de la BD au PC, visiblement  c'est un truc de dingue...
Le bonhomme travaille à l'occidentale avec de la bonne tablette graphique des familles.
Il faut savoir que la colorisation est très rare dans le manga. Sortis de quelques planches introductives, un mangaka n'a pas a maitriser les pinceaux: le dessin demande plutôt une maitrise du découpage pour les trames et de la plume pour le dessin. Si vous ajoutez à cela une armée d'assistants pour faire les arrières-plans (parfois copiés dans des livres d'arrières-plans) ou les persos secondaires, vous voyez que nous sommes bien loin d'un Jean-Luc Masbou en France qui fait toutes ses planches seul et à la gouache...
 
Il y a donc au Japon une sorte de séparation entre l'illustrateur et le dessinateur de manga, là où la frontière est beaucoup moins claire en occident (regardez  le travail d'Olivier Ledroit par exemple, ou même Papayou sur Gameblog, qui dessine en BD tout en ayant fait de la DA de jeu vidéo...)
Pour cette désaffection de la couleur, voyez notamment les premières planches de chaque tome de Billy Bat, de Naoki Urasawa. En couleurs, elles sont absolument ignobles.  Teintes fades pour un rendu que l'on veut rendre réaliste, elles ne font que diluer le trait pourtant plein de force de Urasawa.
Pareil pour les illustrations couleurs de Berserk de Kentaro Miura. Ce dernier parvient par une technique de traits fins, aériens à jouer sur la densité de noir pour donner des dégradés de gris impressionnants. Dès qu'on passe à la couleur, ce trait perd sa puissance car le contraste du trait de base est liquidé par le pigment...
 
Le manga de la vieille garde donc refuse la couleur, car le modèle éditorial ne prévoit pas d'imprimer de la sorte. Or il se trouve que quand un auteur comme Megumu Okada, travaille à la couleur et sait se servir d'un PC, les contraintes de l'édition l'obligent à remiser sa tablette graphique pour revenir à des méthodes de production habituelles !
La chose se démontre aisément. Chaque Saint Seiya débute par huit pages couleurs, avec à chaque fois  quatre pages  dédiés à une fresque montrant le plus souvent une attaque spéciale de Chevalier ou une scène importante de la mythologie de Saint Seiya
 
Je vous laisse juger du travail accompli.
 
 
Voilà, donc le personnage est lisible, les couleurs des armures jouant réellement sur le contraste rend les personnages identifiables, et si comme à son habitude Okada a la main lourde sur les particules en suspension (ca lui vient du visionnage de l'anime je pense)  la chose garde plus de lisibilité que l'intérieur du manga, dont je vous livre un exemple.
 
 
Et donc on ne bite rien à ce qui se  passe...
 
Maintenant rendez-vous compte que tout le manga aurait pu être comme dans la première image, entièrement en couleurs, et qu'au final on se paye la bouillie que vous voyez au-dessus pendant vingt tomes.
 
Et tout ça pourquoi? Parce que le manga est sclérosé dans des habitudes, dans des modèles d'imprimerie qui ne semble donner aucune chance à l'innovation et à la nouveauté.
On aurait pu donner à Okada la chance de faire un manga entièrement en couleur et fait à la tablette comme la plupart des BD et des comics aujourd'hui.  
On aurait pu aussi,  pour Saint Seiya G, donner la possiblité de changer de format (le style de Okada convient plus à un format comics ou A4) et de le publier en couleur. La BD franco-belge avec les tirages de tête est habituée au format inhabituel par exemple, ce n'est donc pas du domaien de l'imposible...
La chose aurait pu donner plus de clarté à l'oeuvre et je pense que l'accueil du public aurait d'ailleurs été différent...
 
Et vous savez ce qui est le plus beau?
C'est que Masami Kurumada, lui, sur son seul nom, va réussi à obtenir une publication entièrement en couleur. Oui, madame.
Saint Seiya Next Dimension est entièrement fait et imprimé  en couleur (ça avait d'ailleurs un peu gueulé au Japon parmi les auteurs) .
Alors vous voulez savoir ce que c'est une planche de Next Dimension? Voilà:
 Donc on compare à nouveau: On permet l'impression en couleur de ça.
 
Quand on refuse l'impression en couleur de ça.
(pour info, cette image est un extrait du combat de Saga alors qu'il réussi à triompher temporairement  de son alter-ego maléfique. Voir le Chevalier des Gémeaux autrement que sous la facette du "méchant" creuse un personnage interessant à peine esquissé dans Saint Seiya . Et Okada nous livre en plus un des combats les plus épique jamais vu dans les Chevaliers du Zodiaque. (Tome 8))
 
Et après ne venez pas me dire qu'il n'y a pas un problème quelque part...
 
Se servant uniquement du prête-nom de Kurumada, on bloque l'avancée artistique du manga (en général) pour donner les opportunités à un homme notoiremment incapable de dessiner, tandis que les jeunes talents ou ceuxq ui ont d'autres façons de travailler, avec leurs défauts il est vrai, sont obligés de subir des contraintes d'un autre âge et les empêchent de donner la pleine mesure de leur talent.
Et se sont ces contraintes qui alourdissent de manière injuste les griefs qui touchent durement Saint Seiya G.
 
 Il y a donc derrière la lecture de Saint Seiya G,  un affreux sentiment d'injustice.
Si il est vrai que le manga est bouffé par des défauts rédhibitoires qui peuvent vraiment rebuter, il n'en reste pas moins une oeuvre sans concessions dans le sens où son auteur s'accomode de contraintes stupides pour se tenir à sa vision de l'oeuvre, ce qui se respecte.
Saint Seiya c'était l'histoire d'un dessinateur, incapable notoire, à qui le destin a refilé l'une des meilleurs idées de manga possible.
Saint Seiya G  c'est l'histoire d'un homme qui n'a pas les épaules nécessaires pour ressusciter Saint Seiya mais qui possède une vraie compréhension de l'univers, une envie de bien faire et qui semble en comprendre toutes les faiblesses.
 
A cause de tout cela, Saint Seiya G  ne laissera pas, je pense, un souvenir impérissable. La chose me laisse une impression mitigée. D'un coté c'est logique, les défauts sont trop nombreux pour être pardonnables. De l'autre, il y une vraie richesse de l'oeuvre avec de bonnes idées mal exploités, et surtout un univers bancal qui empêche de compléter une  mythologie qui a pourtant tout pour elle.
Dois-je vous conseiller de le lire? Non.
J'aurai bien d'autre mangas à proposer avant d'infliger Saint Seiya G. Mais j'espère cependant vous avoir aidé à vous y intéresser.
Il a cependant une place spéciale pour moi, mal fichu, bancal, il n'en reste pas moins que je lui témoigne pour toute cette bonne volonté une affection sans bornes.