Il fut un temps où Street Fighter II n’avait pas encore tout ravagé sur son passage. Un temps ou Street Fighter était même le nom d’un jeu médiocre et sans intérêt. Un temps où seul les Américains avaient réussi à apprécier le premier opus, au point de demander aux japonais d’en réaliser une suite. Cette suite ne fut pourtant pas Street Fighter II mais… Final Fight !

Capcom n’ayant pas vraiment convaincu les foules avec sa première tentative, il fut décidé d’en changer radicalement la formule. Les années 80 étaient en pleine mode du beat em all et son porte étendard n’était autre que le mythique Double Dragon. Malgré pléthore de titres d’aussi bonne qualité voire plus, aucun n’avait vraiment réussi à éclipser l’aura du maître, même pas sa suite officielle... jusqu’à ce que Capcom ne s’en mêle. Sa « lutte finale » (qui ne l’était en rien) était peut-être sans boule de cristal mais pas sans coups de boule ! Avec un changement aussi radical, Capcom décida rapidement d’en faire une nouvelle licence et de repousser le véritable Street Fighter II a plus tard.

 

Pim, Pam, Poum… dans ta gueule (@Rudolph Dirks)

Ce qui est beau avec les années 80 c’est qu’on ne s’embarrassait pas vraiment d'un scénario. Celui de Final Fight ne me fera pas mentir. Haggar, le nouveau maire de Metro City s’est juré de nettoyer la racaille de la ville. C’est alors que sa fille Jessica se fait enlever par les Mad Gear, la plus puissante organisation du crime. C’en est trop pour notre maire, ancien catcheur professionnel (ben quoi, Swarzy est bien devenu gouverneur). Le voilà qui décide de renfiler sa salopette et d’aller exploser du voyou de ses propres mains. Il ne pourra compter que sur ses deux jeunes amis, Guy et Cody, tous les deux amoureux de sa fille. Ca va tataner dur dans les rues de Metro City !

Si ce scénario complexe est digne des plus grands chef-d’œuvre de Chuck Norris, ce n’est pourtant pas là que Final Fight doit son grand succès auprès des foules.

Le jeu est donc un beat-em-all, c'est-à-dire un jeu où le but est de fracasser tout le monde jusqu’à la fin du niveau. Ce n’est peut-être pas super intello mais ça détend et c’est très défoulant. Le joueur a le choix entre trois personnages aux caractéristiques bien distinctes. Haggar, notre maire en salopette, est donc un catcheur puissant, résistant mais un peu lent. Les German suplex et autres coups de lacorde à linge n’ont pas de secret pour lui. Il aime bien distribuer quelques coups de boules de temps en temps, histoire de mieux faire passer ses idées politiques. Guy, lui, est un adepte des arts martiaux et plus spécialement du ninjutsu. S’il est rapide comme l’éclair, il est bien moins résistant. Mais encore faut-il l’attraper. Sa passion : porter des beaux kimono orange, à faire pâlir de jalousie Son Goku. Cody, notre bel athlète blondinet, préfère se servir de ses poings en bon lutteur qu’il est. C’est un bon compromis entre les deux puisqu’il est plus résistant que Guy mais également plus rapide qu’Haggar. Il aime bien jouer du couteau, c’est pratique pour se découper du voyou mais également s’envoyer quelques tranches de sauciflard entre deux bastons.

Si le jeu est déjà très sympathique seul, c’est bien à deux qu’il trouve tout son potentiel. Dommage qu’il ne soit pas possible de jouer avec les trois personnages simultanément. En effet, il n’y a rien de plus jouissif que d’aller casser du punk en bonne compagnie. Les auteurs de Double Dragon l’avaient bien compris. Ce multi à deux simultanément est tout simplement le plus gros atout de Final Fight.

 

Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? (@ A que Johnny)

La première chose qui frappe lorsqu’on se lance dans une partie de Final Fight, ce n’est pas Haggar et sa clique mais bel et bien la taille incroyable des sprites. C’est bien simple, à l’époque, on n’avait jamais vu ça. D’une part ils sont immenses mais en plus ils sont nombreux. Et le mieux dans tout ça ? C’est que le jeu demeure fluide et ne ralentit pratiquement jamais. La prouesse technique est de taille et aujourd’hui encore, on ne peut que rester admiratif devant un tel résultat.

Je le dis et je le répète : Final Fight est beau. Mais il n’est pas qu’un plaisir pour les rétines, il est également un enchantement pour les oreilles. Si les bruitages sont très réussis, c’est surtout aux musiques que je pense dont les partitions sont justes inoubliables. Elles sont fidèles à la réputation des titres Capcom qui n’a pas sont pareil pour nous pondre des mélodies simples, mais diablement entrainantes.

Encore une fois, nous avons la preuve que les gameplay les plus simples sont souvent les plus réussis. Car Final Fight n’utilise que deux boutons. Un pour frapper (retenez-le bien celui-là, il risque de vous servir) et un autre pour sauter. En appuyant sur les deux en même temps, il est même possible de déclencher une super attaque de la mort qui tue qui rendra bien des services en cas de surnombre adverse. Mais attention, cette attaque demandera au joueur de sacrifier une petite partie de sa barre d’énergie. On n’a rien sans rien, comme on dit et c’est donc à utiliser avec précaution. Il est également possible de s’emparer d’un adversaire et de lui faire quelques prises de contact, afin de lui rappeler que la violence c’est mal. Il n’est pas interdit d’ailleurs de le balancer sur ses camarades histoire de faire d’une pierre deux coups.

Comme être trois c’est bien, mais être mille c’est mieux, afin d’équilibrer le combat, nos compères auront la possibilité de se servir de quelques armes de fortunes ramassés par-ci par là. Katanas, barres de fer et autre couteaux seront ainsi de la partie et prêt à être utilisé sur la peau fragile des adversaires. Leur puissance dévastatrice ne sera pas de trop pour en venir à bout. Comme il ne sera pas facile malgré cela d’exterminer la vermine sans se prendre également quelques coups dans la bidoche, il y aura la possibilité de récupérer de l’énergie en mangeant quelques mets bien goûtus. Nos amis ne sont pas des clochards mais quant on a l’estomac et sa barre d’énergie vide, on est toujours bien content de pouvoir se taper un bon poulet rôti, et cela même s’il se trouve par terre et qu’il n’y a pas de frites avec.

Ainsi, Haggar Guy et Cody vont pouvoir lutter contre la pègre tout au long de six niveaux très variés dont le plus mémorables est sans aucun doute celui du métro. A chaque fin de niveau, il faudra affronter un inévitable boss redoutable allant du Samouraï au G.I. d’opérette, sans oublier le flic ripou mâchouilleur de chewing-gum.

Et pour se détendre un peu entre deux cassages de cranes, les trois justiciers auront la possibilité de se défouler durant deux bonus stages. Dans le premier, le but sera d’exploser une pauvre voiture sans défense (bonus stage repris plus tard dans Street Fighter II, III et IV…) alors que dans le second, c’est des vitres qui trinquerons, histoire de briser la glace (gag).

L’un des grands mérites du jeu c’est d’avoir proposé une difficulté progressive et jamais surhumaine. Un être normal peut réellement terminer Final Fight sans dépenser tout son salaire dans la borne, s’il s’applique un minimum. Pas besoin d’être un otaku pour libérer la belle Jessica des griffes des méchants. Le tout est suffisamment bien dosé pour que tout le monde y trouve son compte. On peut même se permettre de temps en temps de se distribuer quelques pains entre joueurs (parce que c’est quand même bien rigolo) sans se dire qu’on va y laisser des plumes. Attention à ne pas trop se faire plaisir quand même, frapper son pote c’est bien mais avec modération. Ou alors avec un gros tuyau.

 

Je mets les pieds ou je veux… et c’est souvent dans la gueule (@Chuck Norris)

Si Final Fight est avant tout un jeu arcade sur le très populaire CPS1 (Capcom Système 1), il fut logiquement adapté sur de nombreux supports.

La plus célèbre demeure sans doute celle de la version Super Nintendo de 1990. Il en existe même deux sur cette console. En effet, à cause d’un manque de mémoire, les programmeurs décidèrent de supprimer le personnage de Guy ce qui représenta une véritable trahison pour tout fan qui se respecte, et surtout pour les Japonais dont c’était le personnage préféré. Une nouvelle version quasi identique sortie un peu plus tard avec le personnage de Guy… mais sans celui de Cody. Oh rage, oh désespoir ! Autre problème : l’adaptation souffrait de censures. Exit les gentilles dames aux mœurs légères, chez Nintendo on ne frappait que des mecs, même s’ils s’habillaient comme Albin et Renato. Les musiques devenaient également catastrophiques ici. Pie, les versions Super Nintendo commirent l’erreur irréparable d’amputer Final Fight de son option la plus populaire : le jeu a deux simultané ! Faute inacceptable et inimaginable qui plomba vraiment les qualités du titre qui était tellement réussi techniquement parlant, malgré des sprites tout de même réduits. Pour couronner le tout, cette bévue permit à Sega d’imposer son challenger comme un vainqueur sans appel : le grandiose Street of Rage sur Megadrive.

Comble de l’ironie, Sega connu même la meilleure adaptation du titre en 1993 sur son dispensable Mega CD. Disposant de musiques remixées, des voix digitalisées et de nouveaux tableaux (en time attack) et, ouf, d’une option deux joueurs, voilà qu’on tenait enfin la version rêvée de tous. Seuls véritables reproches : il est peut-être un poil plus mou et la palette de coulleurs n'est pas toujours très bien utilisé. A savoir qu'il existe un patch qui règle, avec classe et talent, ce problème de couleurs, Haggar et les autres ne semblent donc plus atteint d'une crise de jaunisse. Vous pouvez admirez le travail en cliquant ici.  Au final, seul son support impopulaire, et peut-être aussi une sortie un peu tardive, empêcha cette version d’être joué par le plus grand nombre.

Nintendo pu se consoler la même année grâce à une nouvelle adaptation sur la première Nintendo nommé Mighty Final Fight, une version proposant des personnages en Super Deformed plus Kawai que jamais. Une excellente alternative.

Mais c’est finalement en 2001 que Nintendo obtint enfin une adaptation digne de ce nom avec Final Fight One sur Game boy Advance. Jouable à deux, avec l’intégrale du casting et s’offrant même le luxe de proposer deux personnages supplémentaires (Alpha Cody et Alpha Guy), Nintendo pouvait enfin jubiler. Bien que le titre était alors quelque peu oublié, les fans furent ravis de pouvoir jouer à une version de poche si réussie. Dommage que la censure était toujours présente.

La plupart des micro-ordinateurs de l’époque connurent également leur conversion en 1991, par US Gold, le célèbre éditeur des conversions foireuses de titres arcade. Fidèles à sa réputation, il nous fut livrée des jeux indignes du modèle dont il vaut mieux en oublier toute trace. Votre serviteur se rappelle encore de son horrible déception lorsqu’il lança le jeu sur son bel Amstrad CPC 6128 et quand il pensa tenir sa revanche un an plus tard en y jouant sur son nouvel Atari ST flambant neuf… Monde de merde.

Enfin, en 2010, le titre fut proposé sur Xbox Live et PSN. Probablement afin de mieux faire passer la pilule du prix un peu élevé, il fut proposé en duo avec le titre Magic Sword dont, excusez-moi l’expression, personne ou presque n’en avait rien à carrer. Quel rapport avec Final Fight si ce n’est son éditeur Capcom ? Du coup, c’est sous le nom de Final Fight double Impact que le titre fut proposé. Plus qu’une adaptation, il s’agit de la version d’Arcade avec de nombreuses petites options supplémentaires bien sympa. On a ainsi la possibilité d’y jouer avec des filtres sur l’image, des musiques superbement remixées et d’y débloquer de nombreux bonus (comme de très beaux artwork). L’option la plus amusante étant celle de pouvoir y jouer avec le contour de la borne originale, fidèle à 100%. Sans oublier la possibilité d’y jouer sur le live. Bien que cela ne justifie pas vraiment son prix de 10€, difficile de ne pas craquer quand on est un fan de la première heure. Décidément, Capcom n’a pas son pareil pour nous revendre à chaque fois la même chose depuis des années.

 

La lutte finale ?... dans ta gueule (@Ariane)

Mais ce n’est pas tout. Bien que l’on se souvienne surtout du premier, Final Fight a connu pas mal de suites qui sont pour la plupart… discutables.

Le second opus qui s’appelait tout simplement Final Fight 2, sorti uniquement sur Super Nintendo, comme pour se faire pardonner du premier épisode raté. On pouvait cette fois y jouer à deux. Cette fois c’est la fiancée de Guy et son beau père qui se faisaient enlever par les Mad Gears. Curieusement, Guy n’était pas de la partie et préféra laisser le boulot à Haggar, sa belle-sœur Maki ainsi que Carlos dont on ignore qui il est sauf qu’il aime bien Guy et taper sur les méchants. Sacré Carlos. Bien que techniquement plutôt bien fichu, les niveaux s’avéraient bien moins inspirés que pour le premier épisode et l’on s’ennuyait rapidement. Les musiques étaient de plus une fadeur hallucinante. Sans être un mauvais jeu, il lui manquait du rythme et du punch. On était loin du premier Final Fight en Arcade mais aussi des Street of Rage de la Megadrive. Caramba ! Encore raté !

Final Fight 3 fut également une exclusivité sur Super Nintendo. Plus réussi que le précédent, il sorti en 1995, malheureusement un peu tard pour se faire un nom. D’une part, le beat em all n’était plus vraiment à la mode, mais de plus la Super Nintendo n’était plus la console du moment, la Playstation explosant alors tout sur son passage. Il faut reconnaître aussi que les nouveautés n’étaient pas nombreuses. On peut surtout noter l’ajout d’une jauge qui une fois remplie permet de lancer une super attaque. Il est également possible de jouer avec une I.A. dont on peut régler le niveau mais dont il ne faut pas non plus en attendre trop. Et une fois encore, les musiques sont désastreuses. Quant au scénar… Alors que Guy rend visite à son vieil ami Haggar, une explosion retentit. Des voyous foutent le bronx dans la ville. Haggar et Guy, aidé par un inspecteur des forces spéciales, Lucia et Dean… euh un mec qui débarque comme ça sans raison, décident une fois de plus d’aller baffer quelques voyous qui décidément ne comprennent rien à rien.

C’est en 1999 que sorti de manière très discrète Final Fight Revenge en Arcade ainsi que sur Sega Saturn. Cette fois Sega eut moins de chance qu’avec la version Mega CD car le jeu n’était pas très réussi. De plus, il devint un versus fighter à la Street Fighter. Il ressemblait d’ailleurs beaucoup aux versions 3D de ce dernier, tant décrié par les fans aujourd’hui. Sans être mauvais, le jeu ne laisse pas de grand souvenirs et trahi le style d’origine. Pourquoi jouer à un Final Fight s’il n’a rien à voir avec Final Fight ?

Il faudra attendre bien des années pour revoir Final Fight sur nos consoles puisque c’est en 2006 que sorti Final Fight Streetwise PS2 et Xbox ! Moche, mou, lent… le jeu a été classé 6eme dans la catégorie des pires transpositions d’un jeu 2D en 3D ainsi que 5eme dans le Top des pires reboots de tous les temps… Mais tout n’est pas mauvais ! En effet, on peut débloquer la version arcade du premier Final Fight ! Seul hic : on est obligé de finir Streetwise pour le débloquer. Les fumiers.

 

Tartagueule à la récré… (@Souchon)

Si Final Fight Streetwise a peut-être définitivement enterré la licence, rassurez-vous, ses personnages ne se sont pas retrouvés au chômage pour autant. Si Guy, Cody et bien des méchants se sont dispersés dans divers épisodes de la saga Street Fighter, Haggar lui s’est remis au catch dans la série des Slam Masters. Il a même prêté sa salopette à Zangief pour Street Fighter IV (ou vendu, puisqu’il faudra l’acheter dans un DLC… ) .

Mais si le versus fighting est revenu en état de grâce, ce n’est certes pas le cas du beat em all. Il y a donc peu de chance que l’on puisse jouer à une suite ou un reboot de la saga dans l’immédiat. Mais l’aura de Final Fight perdure et malgré le poids des années, ses qualités sont demeurées intactes au contraire d’un Double Dragon qui s’avère difficilement appréciable de nos jours. D’ailleurs, vous m’excuserez, mais j’ai du racailleux sur le feu. Hourriaaaaaaaa !

 

Ce test a été réalisé pour le second numéro papier de Zero Yen.

dont voici les scans originaux. Vous noterez que notre bon rédacteur était tellement heureux de trouver plein de beaux artworks qu'il avait oublié de mettre la moindre image du jeu. Ah bravo !