Depuis l'avènement des Steam, XBLA et autres PSN, le jeu vidéo indépendant se
porte plutôt bien. Certains indés ont même réussi quelques jolis coups mais la
route vers l'aventure est loin d'être un long fleuve tranquille.

Il y a beaucoup de bêtises et de contre-vérités qu'on
trouve sur le net à ce sujet, et mon 
objectif dans ce post est de vous faire partager mon expérience pour
clarifier certains points et casser certains mythes autour de l'aventure indé.

 

1.  Tout
d'abord, qu'entend-on par jeu vidéo indépendant ?

Ma définition du jeu indépendant qui est celle qu'on trouve sur wikipedia, c'est le fait de developper un jeu sans l'aide financière externe d'un éditeur
ou d'un first party. Je me permets de préciser ce point parce que l'on présente
certains studios comme indépendants alors qu'ils sont même pour certains
second-party développer sous prétexte qu'ils font du jeu arty.  Donc
on peut être indé et avoir de l'expérience et on peut être lié à un éditeur ou
à un constructeur et faire du jeu arty. Je lisais l'autre jour l'interview d'un
responsable de Lexis Numérique qui travaille sur un survival-horror pour PSN.
Il expliquait qu'ils travaillaient sans éditeur et qu'ils avaient du
s'endetter. Et bien pour moi cela correspond à du jeu indé.

A mon sens il y a 2 catégories d'indépendants : ceux qui le sont car
ils n'ont pas trouvé d'éditeur et ceux qui le sont par choix car être
indépendant c'est être plus libre et autonome en matière de contenu ou de politique
de distribution.

L'avantage d'être indépendant c'est de pouvoir faire relativement libre de
faire ce qu'on veut à partir du moment où on s'en donne les moyens et d'avoir
une plus grande chance de garder la propriété des IP que l'on développe.

  

 

2.  Il n'a
jamais été aussi facile que de se lancer dans le jeu vidéo indépendant
 

      Si on met de côté les
premières années de l'industrie où les jeux étaient développés par une bande de
potes dans un garage, je pense qu'effectivement, la conjoncture actuelle est
très favorable au jeu indé, et ce pour 3 raisons :

1. L'apparition des plateformes de téléchargement qui  fait
que l'éditeur n'est plus indispensable dans la chaine de production. 

2. L'apparition d'outils de développement financièrement accessibles
qui permettent de développer assez rapidement des productions avec une
production value intéressante. Vous avez des moteurs gratuits, mais aussi des
moteurs multiplateformes relativement accessibles comme Shiva ou Unity. Pour
Fuel Overdose nous utilisons Shiva qui est un moteur multiplateforme et qui
coute moins de 1500 euros/poste.

 3. Il existe une catégorie de
joueurs qui est loin d'être négligeable, et qui ne joue pas qu'à des FPS, TPS et
autres GTA-like, et qui est sensible à l'innovation. Or le développeur indépendant
n'a pas d'autre choix que d'être créatif pour espérer se faire une place au
soleil (je reviendrai sur ce sujet au cours d'un prochain post)

 

Maintenant, je pense qu'il devient de plus en plus difficile de se lancer
depuis environ 2 ans car :

1.    Les candidats à l'aventure étant de plus en plus nombreux la
production value requise pour arriver sur les plateformes de distribution de
vos rêves et est de plus en plus élevée. Le ticket d'entrée est donc de plus en
plus élevé. Si vous regardez les jeux du début du XBLA et du PSN vous verrez
qu'ils n'ont plus grand chose à voir avec ce qui sort aujourd'hui.

2.    Les slots de sorties sont limités. A ma connaissance XBLA ne
sort jamais plus de 3 jeux par semaine et quand vous avez des gros éditeurs qui
ressortent leur fond de placards en faisant des remakes HD et des compiles, les
places sont devenues très chères. Et quand vous êtes un éditeur qui réalise
plusieurs millions de chiffre d'affaire, il est plus facile de réserver des
slots de sorties que lorsque vous êtes un indé.

 

 

3.  Je suis
indépendant, je fais ce que je veux.

J'ai parfois des gens qui viennent me voir et qui me
disent quelque chose du genre « ça serait bien que tu fasses un jeu
genre world of warcraft, mais avec des vampires » ou bien « un GTA
dans le futur ». Pourquoi pas ? Sauf qu'en fait non.

Je reviendrai plus en détail sur la question de la politique éditoriale des
indépendants dans un post consacré à cette question, mais il faut bien se
rendre compte que compte tenu des moyens mis en œuvres par les grands éditeurs
sur des genres très vendeurs comme le FPS ou le racing, il est naïf de penser
qu'avec des moyens indés on puisse attaquer ces genres là.

Donc non, quand on est indépendant on ne fait pas ce que qu'on veut,
surtout si on veut se donner les moyens de faire un deuxième jeu.

 

4.  Je suis un développeur
indépendant, j'ai un super jeu. A moi les Direct2Drive, Impulse, Steam, PSN,
Xbla et Wiiware

 

Alors là ça commence à se corser 

Tout d'abord prenons le cas du Xbla qui est relativement simple :
il n'est pas possible à l'heure actuelle de lancer son jeu en indépendant sur
Xbla. La règle de Microsoft est relativement claire : pour lancer son jeu
sur XBLA, donc pour d'auto-éditer, il faut également éditer des jeux en retail,
c'est-à-dire en boite. Voilà pourquoi certains studios, qui ont pourtant les
moyens, passent par des éditeurs tiers ou par MS Games Studios pour être sur
XBLA. Je pense notamment à la Team 17 et à la franchise Worms. Si vous voulez
aller sur Xbox 360 et rester indépendant il faut aller sur le canal indies,
mais là les contraintes techniques et les perspectives de ventes de sont pas
les même. Bien sûr on n'est jamais à l'abri d'un coup comme I Made a Game with
Zombies.

En ce qui concerne le PSN, Steam et Wiiware, on peut a priori
s'auto-éditer.  Je dis a priori parce que qu'il faut d'abord que ces
distributeurs acceptent le concept de votre jeu. Ensuite il faut pouvoir amener
votre jeu à un certain standard de qualité avant d'obtenir le final approval et
crier bingo.

 

 

5.  Mon jeu
est tellement bon que je n'ai pas besoin modifier son contenu

OK supposons que votre concept est accepté par les first party et
distributeurs et que vous êtes arrivé à le bichonner au point d'atteindre les
standards de qualité requis. Il va falloir maintenant modifier votre jeu de
manière à ce qu'il suive certains guidelines. Chaque first party/distributeur a
ses exigences, mais au-delà des règles d'ergonomie de base  (par
exemple appuyer sur rond pour faire back dans les menus), il y a des éléments
de contenus à prendre en compte. Par exemple pour Steam et les consoles HD il
vous faudra mettre en place tout ce qui est trophies, achievements etc ...

 

 

6.  Pour boucler une
production indé, il suffit de savoir développer

      Ca y est vous avez
développé votre jeu, mais avez-vous prévu tous les coûts ?

D'abord il y a les coûts de QA. A moins que votre jeu ne soit relativement
simple au point de vous permettre de faire le beta-testing en interne, il va
falloir passer par un studio de QA. Comptez entre 8 euros et 30 euros de
l'heure de test en fonction du studio que vous aurez choisi.

La localisation : si vous êtes sur console notamment, n'espérez pas
pouvoir lancer votre jeu en français exclusivement. Chaque first party a ses
langues exigées en fonction des territoires que vous ciblez. Les prix dépendent
de la langue et du studio mais il faut compter au moins 10 euros/250 mots.

Le rating. ESRB, PEGI, CERO ça vous dit quelque chose ? Ce sont ces
organismes qui  vous permettent d'obtenir des recommandations d'âges
pour votre jeu. Et bien sachez que même si votre jeu est dématérialisé,
certains first party les exigent.

Si votre jeu est destiné à la console sachez que les kits de développement
ne sont pas gratuits. Les prix dépendent des constructeurs mais comptez plus de
10 000 euros si la console vient d'être lancée.

 

 

7.  Mon jeu il est tellement
bon qu'il va générer un énorme buzz et se vendre comme des petits pains

Ca y est votre jeu est sorti, le champagne est débouché. Mais qui est au
courant? Dans la majeure partie des cas, ne vous ne pourrez pas compter sur le
distributeur ou le third party pour mettre en avant votre jeu. C'est à vous de
vous assurer que le travail de marketing et de RP a été fait, et ce bien avant
la sortie du jeu. Vous pouvez passer par des boites de RP qui feront le travail
pour vous, mais n'ayant jamais utilisé leurs services, je ne peux pas vous
donner mon opinion sur ce point précis.

Une fois vos communiqués de presse envoyés ne vous étonnez pas si gamespot
préfère réserver sa une au 407ème batch de screens du futur COD
ou à la gamme de stylos bille siglée angry birds. Partez du principe que votre
jeu n'intéresse personne à la base (ce qui est le cas) et soyez patient.

 

 

8.  Ca y est j'ai mon jeu dispo
sur des plateformes de téléchargement, j'en fais ce que je veux

Alors là je vous conseille de bien lire les contrats que vous signez. Par
exemple qui décide d'un changement de prix de votre jeu ? Je connais
des personnes qui  ont vu  leur jeu passer en promotion par
certains distributeurs sans avoir été consultés. Ce qui pose un double
problème : d'abord si vous aviez tablé sur un revenu de 3 euros par jeu
alors que vous n'en touchez que 2 ce n'est pas la même chose, ensuite parce que
si vous avez votre jeu présent chez plusieurs distributeurs et que l'un deux
décide dans son coin de faire une promo, je peux vous assurer que les autres
vont faire la gueule.

 

 

 

 Skander
Djerbi