Après l'interview
de Ryo
Tazaki
, on vous présente Jérome Coquard qui est installé au Japon depuis
presque 5 ans maintenant.  Encore une
fois l'interview a été réalisée par Aroun Ducroux que nous présenterons lors
d'un prochain post.

 

Aroun : Peux-tu nous raconter un peu ton parcours dans
l'industrie ?

Jérôme : Apres plusieurs années à développer des sites internet, j'ai eu
l'opportunité de participer à la création du pole de développement de jeu
mobile d'une filiale de Vivendi Universal.

Par la suite, j'ai participé à la création de la société Lucid
Games et, à travers elle, commencé le développement d'un jeu de stratégie en
temps réel sur Game Boy Advance, sur lequel j'étais responsable du scenario,
ainsi que de la programmation. Pour diverse raisons (dont la fin de vie de la GBA)
le projet, quoi que bien avancé, n'arriva pas à son terme.

Je suis donc revenu aux jeux mobiles et je suis entré chez
Gameloft France, en délaissant la programmation pour me concentrer sur le game
design. Apres plusieurs années et de nombreux succès commerciaux (Asphalt 1,
Asphalt 2, Dogz, War of the world), j'ai eu l'opportunité  de gérer la création du pôle de développement
de jeu de la branche japonaise de Gameloft, là aussi, avec un certain nombre de
succès (Tokyo Nights, la série des Monster Chronicle).

Enfin j'ai décidé de  développer
des jeux plus ambitieux dans une structure plus souple et ai rejoint I-Friqiya.

 

Aroun : Qu'est ce qui t'as emballé dans le projet Fuel Overdose ?

Jérôme : L'ambition d'originalité du jeu. Le genre action/racing est un
genre relativement bien représenté, notamment dans les productions anciennes,
et créer un jeu action/racing différent tout en restant intéressant fut un défis
de game design motivant. Nous avons du faire de nombreux choix pour se démarquer
des autres jeux, et ce, à tous les niveaux, par exemple en choisissant un système
de camera semi-dynamique qui rappelle la nostalgie des camera fixes d'antan
tout en apportant le confort de ne jamais avoir le véhicule qui se déplace vers
la camera et donc les contrôles inversés. Autre exemple : l'importance
donnée aux personnages, que ce soit au niveau du gameplay, avec des coups spéciaux
dignes d'un jeu de combat, comme au niveau de la profondeur de leur background scénaristique,
avec l'introduction d'un mode story/aventure.

 

Aroun :De quels jeux t'es tu inspirés pour Fuel Overdose ?

Jérôme : Mon meilleur souvenir d'action/racing
reste Rock and Roll Racing sur Super Nintendo et ce fût probablement ma
principale source d'inspiration en ce qui concerne la gestion de la tension
lors des courses. Concernant l'ambiance générale, nous avons essayé d'être
originaux là aussi, nous avons donc limités nos sources d'inspiration en ce qui
concerne les jeux. Les personnages, eux, sont plutôt inspirés de jeux de
combats et de mangas.

 

Aroun : Concrètement quel est ton rôle sur Fuel Overdose ?

Jérôme : J'ai plusieurs rôles sur
le projet :

-Je suis en charge du game
design, je m'occupe de proposer et de prototyper les choix concernant le
gameplay.

-Je suis en charge du
scenario, de la création des personnages, de définir leur look, leur caractère,
leur background.

-Je suis en charge du
level design, c'est-à-dire la création des circuits. Notre manière de
travailler est la suivante : Je réalise des préversions des circuits dans
un logiciel 3D, uniquement la route, que j'importe dans notre moteur, teste,
ajuste, teste à nouveaux, réajuste, etc... Quand le tracé me parait convaincant,
je crée aussi des préversions en 3D des éléments  que je souhaite voir apparaitre dans le décor
et les place, de manière a ce que l'artiste travaille avec la meilleure base
possible. Puis je place les cameras, définit leur mouvements, les éléments nécessaires
au pathfinding et à l'IA, etc... Enfin quand tout est modélisé, texturé et a sa
place, je m'occupe des réglages d'ambiance (couleur dominantes, effets spéciaux,
tremblements, etc....).

-Je suis en charge de la
programmation du jeu, du
scripting, du développement des éventuels
outils nécessaires à la production des données et plus globalement des différents
choix technologiques.

-Enfin, je m'occupe aussi
de temps à autre de réaliser certains assets marketing comme les trailers ou
les sites internet.

 

 

Aroun : Vous avez une organisation de travail très particulière chez I-Friqiya,
que peux-tu nous dire là dessus et quelles sont les plus grandes difficultés
inhérentes à ce mode de travail ?

 

Jérôme : Chez I-Friqiya, nous sommes une très petite équipe, ce qui a
pour but de rester souple, et en effet, les décisions se prennent vite, il y a
peu d'étapes de validation, peu d'intermédiaires et le développement s'en
trouve fluidifié au maximum.

En contre partie les membres de l'équipe doivent être polyvalents,
autonomes et de grande qualité, ce qui place la barre relativement haut lors du
recrutement.

De plus, et c'est pour moi la principale difficulté a ce mode de
travail, chaque poste n'a aucun back-up, c'est-à-dire qu'un bug ou éventuel problème
technique peut bloquer complètement le projet alors que dans une plus grande équipe,
ca ne bloquerait qu'une seule personne et le projet pourrait continuer d'avancer,
ou, dans le cas de bug, pourrait être résolu a plusieurs et donc plus
rapidement.

 

Aroun : Sur quelle IP d'un autre éditeur aimerais-tu travailler ?

Jérôme : Je n'ai pas spécialement d'IP sur lesquels j'aimerais
travailler, mais si je réfléchis en termes de genres, j'aimerais travailler sur
un type de jeu à forte demande scénaristique et de mise en scène, tel qu'un
RPG, MMORPG ou aventure.

 

Aroun : Qu'est ce qui d'après toi,
va faire de FO un jeu intéressant pour les joueurs ?

Jérôme : Outre sa convivialité online, la profusion des systèmes de jeu,
dont certains sont réellement novateurs, le jeu devrait permettre une certaine
dose de stratégie peut courante dans un jeu d'action, et créer tout autant de « degrés »
de jeux. Entre les débutants qui se concentrent sur leur conduite et les armes
basiques, ou les professionnels qui connaissent la position des bombes présentes
dans chaque circuits par cœur, ou encore ceux qui privilégient les coups
spéciaux, ceux qui prévoient au centime près les armes ou grappins à acheter en
fonction du circuit et des adversaires, sans parler de ceux qui maitrisent tous
ces systèmes en même temps, ce sont autant de niveaux de jeu qui font que
chaque utilisateur a sa propre manière de jouer a Fuel Overdose.

D'un point de vu
personnel, je serais particulièrement heureux si les joueurs apprécient les
personnages et leurs histoires.

 

Aroun :Les 5 jeux que tu emporterais sur une ile déserte ?

Jérôme : ICO et Shadow of the Colossus, pas forcement pour y jouer, mais
parce que c'est un crime que de ne pas les avoir sur soi.

Monster Hunter, parce que
c'est le seul jeu qui m'a déjà occupé pendant un millier d'heures et qui
continuera à m'occuper pendant les longues journées qui m'attendent sur cette
ile.

Si elle n'avait pas été déserte, j'aurais aussi emmené Capcom VS
SNK 2, mais tout seul, ca ne sera pas très intéressant.
 

Enfin, j'emmènerais probablement Rockman (Megaman) 2, car c'est
par lui que mon amour pour les jeux a commencé.

 

 

Skander
Djerbi

Skander Djerbi est un producteur de jeux vidéo. Après quelques
années en France et eu Japon au sein de gros éditeurs à travailler sur des
AAA,  il co-fonde I-FRIQIYA une nouvelle société basée à Tokyo
et Dubaï et spécialisée sur le développement et l'édition de jeux vidéo
destinés aux canaux de distribution dématérialisés. Depuis quelques mois il est
également enseignant à l'université de La Manouba à Tunis où il intervient sur
divers thèmes ayant attrait au jeu vidéo.