Putain, il aura fallu attendre huit ans, huit années durant lesquelles nous écoutions Christmas à tous les Noël en étant à chaque coup subjugués par l'intensité du son d'Old Man Gloom. Un son pur, profond, parfois perturbant ou irritant, distillant régulièrement un groove malsain tout à fait incontournable...

Alors le voilà ce NO, annonçant déjà sa couleur négative par son titre en majuscules et son artwork grisâtre. Une introduction bruitiste (Grand Inversion) permettra d'appréhender l'aventure sonore qui nous attend, qui nous guette et nous accroche lourdement à partir de Common Species, huit minutes trente de sludge/doom/hardcore écrasant, Aaron Turner expulsant toute sa bile à travers sa voix glaireuse emplie de haine, quasi inhumaine. Regain / Rejoin suivra de manière limpide sur une rythmique monolithique percutante et réjouissante, pour un court instant afin d'enchaîner sur To Carry the Flame, plus proche d'un Isis dans sa construction, en plus sale bien sûr. Scofield martyrisera ses quatre cordes avec souplesse et brutalité sur The Forking Path, Turner et le bassiste sus-cité entamant une discussion gueularde dans une atmosphère déconstruite pour finir. Après cette pépite de violence brute, viendra un autre morceau fleuve (Shadowed Hand), cette fois blindé d'ambiances et d'expérimentations soniques, telles que ce vrombissement s'étalant le long de la piste, relativement accidentée par endroits, percée progressivement par des notes de guitare dépressives d'abord, par des riffs et une section rythmique de diplodocus ensuite, Turner assurant sans faiblir une voix chaotique, qui déborde de rage aveugle et de crasse.

Oui, car la production de NO - encore assurée par Ballou - est étouffante et dégueulasse, dans le bon sens du terme, c'est-à-dire que la plupart des morceaux sont imprégnés d'une nappe sonore grésillante et subtile, induisant des variations plus ou moins stridentes, baignée dans une mer de basses. Sans dire que le son de Christmas était propre (loin de là !), le quintet pousse ici encore plus loin l'idée de violenter nos fébriles oreilles. Rats par exemple, vous enfoncera vicieusement un jack dans la tête après avoir bien préparé le terrain à coups de mandales grasses et bien rythmées. Comme sur Christmas, on retrouve un passage partiellement acoustique et un chant clair (Crescent), toujours agrémenté de bruits environnants, faisant planer la menace d'une nouvelle déflagration négative, qui ne tardera pas à s'abattre sur NO.
Et vlan, le final Shuddering Earth, soit quatorze minutes quarante constituées de l'ensemble des éléments cités plus haut, évoquant à peu près tout ce qu'a pu produire Old Man Gloom en matière de groove, d'ambiance et de bruit. Autant prévenir, les trois quarts du morceau se résument à des grésillements et des larsens, contrôlés certes, mais il faut se les enquiller. Une fois la chose assimilée, l'on est embarqué vers une forme de dimension adjacente, où le vacarme est d'une telle constance qu'il en devient naturel et même agréable, de part toutes les subtilités qu'il renferme, qu'il est nécessaire d'exploiter et d'apprécier.

Old Man Gloom, c'est tout ça : du bruit, du sang et du groove. Cinq musiciens aguerris transpirants de sincérité qui ont pris le temps de composer un album d'une intensité rare, bourré de subtilités, plus dense, hargneux et difficile d'accès que son prédécesseur. Pas nécessairement meilleur, mais qui fait parler des émotions sensiblement déviantes, pour une aventure différente, plus...négative.

Attention, la première écoute de NO peut causer quelques contusions cérébrales en fonction de la réceptivité de l'individu, préconiser une multitude d'écoutes pour en capturer l'essence.




Tracklist :

  1. Grand Inversion
  2. Common Species
  3. Regain/Rejoin
  4. To Carry The Flame
  5. The Forking Path
  6. Shadowed Hand
  7. Rats
  8. Crescent
  9. Shuddering Earth

 

NO s'écoute aussi dans son entièreté sur le bandcamp du groupe.