Appollonia, un mot phonétiquement doux pour une musique qui ne l'est pas tout à fait, douce. Les bordelais nous avaient déjà un peu tapé dans l'oreille avec Blank Solstice en 2009. Malgré un sentiment d'inachevé parfois sur certaines compositions, le groove et l'intensité étaient bien là. Trois ans plus tard le trio sort Crimson Shades avec des intentions renouvelées d'éclater les clavicules, sans renier l'aspect émotif et mélodique du chant notamment, mais aussi des variations d'ambiances.

« C'est lourd », comme on dit souvent à l'écoute de ce genre de bruit. Oui, Crimson Shades est lourd. La section rythmique se fait profondément grasse et instinctive, ce qui rappelle davantage Will Haven, en particulier lorsque la voix hurle ses tripes à la mort, écorchée vive par une corde raide. Le chant clair venant régulièrement se mêler au magma instrumental tendu, primal et groovy, afin d'apporter une dimension psychédélique et rafraîchissante à l'ensemble. Cet aspect a d'ailleurs gagné en maîtrise sur ce troisième disque, sans toutefois grignoter trop de place sur les terres de la violence, les deux s'accouplant volontiers entre les guitares imposantes, épiques. Ainsi, Redeemer et The Crooked Monarch feront copuler le hardcore et le stoner, Of Stillness And Space proposera une ballade post-untruc cosmique un peu chiante. En tout cas une bonne pause qui permettra d'enchaîner sur l'inquiétant Heirs And Assigns et son ambiance faussement aérienne, finissant par imploser dans un écrasement rythmique à la Will Haven (oui, encore). Muninn empruntera une structure semblable à Porcelain Whales, à savoir une alternance clair/hurlé bien dosée sur fond de lourdeur et d'étrangeté. Les onze minutes de Sol termineront le disque dans une progression qui verra défiler tous les aspects évoqués plus haut, sur un tempo plus ralenti et toujours justement calé. Le batteur faisant preuve d'une précision subtile et d'un feeling étonnant, malgré une technique souvent simpliste.

Ces nuances pourpres regorgent de trouvailles, de textures travaillées et de couleurs plus ou moins sombres. Plus abouti et équilibré que son prédécesseur, Crimson Shades propose un mariage de sonorités plus cohérent et recherché, entre post-hardcore malade et post-rock psychédélique, lorgnant parfois sur le stoner. Néanmoins on peut ressentir une lassitude sur la longueur car une certaine homogénéité demeure, moins perceptible qu'auparavant cela dit. A voir ce que ça peut envoyer en direct.


Tracklist :

  1. Porcelain Whales
  2. Redeemer
  3. The Crooked Monarch
  4. Of Stillness And Space
  5. Heirs And Assigns
  6. Muninn
  7. Sol

 

Disponible à l'écoute et à l'achat sur bandcamp.