Mesdames et messieurs, nous allons vous présenter Neutopia, la série d'action-RPG qui a fait trembler Zelda (bon ok Nintendo a claqué des genoux 17 secondes environ) 

Nous sommes le 30 octobre 1987, NEC et Hudson Soft viennent de lancer sur le marché Japonais une nouvelle console de jeux : la PC Engine ! Nintendo surveille de près l'arrivée de ces nouveaux challengers avec un certain intérêt. Bien entendu Nintendo ne se sent pas vraiment menacé dans l'immédiat, la Famicom - sortie en 1983 - est un carton dans l'archipel nippon et la sortie américaine en 1986 rencontre le même succès.

Mais voilà : NEC est le leader japonais de l'électronique et Hudson Soft est un million-seller sur Famicom. Son titre Lode Runner a fait sa fortune et sa production est de qualité. Qui plus est, Namco, un autre million-seller, est en bisbille avec Nintendo à cause des clauses d'exclusivité et d'un contrôle draconien de la production des cartouches de jeux, a annoncé qu'il soutiendrait activement la PC Engine.

Cerise sur le gâteau : NEC et Hudson Soft sont moins gourmands en terme de royalties et n'exigent aucune clause d'exclusivité. Et pour enfoncer définitivement le clou, NEC a créé une société de développement et d'édition de jeux vidéo : NEC Avenue ! Ce nouvel éditeur dispose d'une manne financière importante à son démarrage (NEC en détient 70 % des parts) et achète des licences d'éditeurs-tiers à tour de bras, notamment chez SEGA, trop content de venir indirectement taquiner Nintendo sans bourse délier : Fantasy Zone, Space Harrier, After Burner 2, Out-Run, Altered Beast, Thunder Blade pour ne citer que les licences phares.

De ce fait, NEC et Hudson Soft attirent des éditeurs en nombre. Bref ils sont en train de réussir là où Sega a échoué avec ses consoles au Japon. La PC Engine démarre en trombe et dynamise le marché des jeux vidéo au Japon. Les ventes se développent rapidement, le marché des jeux vidéo est rapidement rassuré, la PC Engine est un challenger sérieux pour Nintendo. Et puis cette bécane, c'est un véritable raz-de-marée technologique. La console est aussi puissante qu'une borne d'arcade et les jeux Nintendo prennent un méchant coup de vieux. Les comparatifs dans la presse japonaise sont sans appel.

Dans la foulée NEC et Hudson Soft annoncent l'arrivée prochaine du premier CD-Rom pour console, histoire de faire passer le Famicom Disk System (sorti en 1986 et destiné à moderniser la Famicom) pour un vieux bidule archaïque et poussif. Nintendo s'inquiète donc de plus en plus et prend comme ligne de défense : la qualité de ses jeux. Leur argument massue est on ne peut plus simple : ça ne sert à rien de faire de beaux jeux s'ils ne sont pas agréables à jouer, s'ils ne plongent pas le joueur dans une expérience épique.

Et sur ce point là, Nintendo a entièrement raison. Les jeux PC Engine sont certes superbes mais relativement creux si on les compare à un Mario, ou mieux encore à un Zelda ! Et le fameux Zelda, sorti en 1986, permet à Nintendo de vendre des consoles par palettes. Qui plus est la sortie américaine est également une réussite et le jeu est en train de devenir un nouveau standard de jeu. Et ces gredins de Nintendo remettent le couvert en 1987 : Zelda 2, the Adventure of Link !

Quand la PC Engine déboule en 1987, elle se prend rapidement en pleine face l'argument massue de Nintendo " Ok vos jeux sont beaux et ont de belles musiques mais bon à part ça, il y a pas grand chose dans le coffre. Chez nous, c'est minimum 40 heures de jeux assurées ! Regardez Zelda, vous n'avez même d'équivalent bade de triple buses" (propos réinterprêtés).

Hudson Soft se rend bien compte qu'ils ne pourront pas tenir la route très longtemps s'ils n'étoffent pas leur catalogue, il faut des jeux plus ambitieux que de simples jeux d'arcade. Alors sans aucun scrupule, les pontes de chez Hudson Soft se disent, sans doute autour de la machine à café : "Hé les gars et si on pompait joyeusement Zelda mais avec des graphismes plus beaux ?" Banco le projet Neutopia était lancé.

Les équipes se mettent au travail et pondent un superbe copier-coller de Zelda. Bien évidemment, histoire de pas se faire gauler avec des histoires de plagiat, ils inventent un nouvel univers.

- Ben tiens le monde on va l'appeler Neutopia... ça rime avec Zelda. Et d'ailleurs le héros on va l'appeler Jazeta, ça rime aussi avec Zelda. Hahaha ils vont faire la gueule chez Nintendo.
- Et l'histoire en elle-même ?
- Bon ben on va dire que le démon Dirth kidnappe la princesse Aurora et s'empare de 8 médaillons sacrés contenant chacun les esprits des anciens chefs et de leur pouvoir.
- Ouais mais pourquoi sauver la princesse ? C'est rien qu'une pétasse qui glande dans son château en regardant Chica Vampiro.
- Bon ben on va dire que la princesse est la seule personne "In Ze World" capable de libérer le pouvoir des médaillons.
- Ouais ça se tient... Mais bon si le démon a les médaillons et la princesse, il est peinard, il a le pouvoir absolu.
- Bon ben on va dire que la princesse résiste un peu et que du coup il l'a enfermée dans sa crypte et qu'il a dispersé les médaillons dans 8 endroits différents.
- Ouais là ça se tient et plutôt que d'envoyer une armée contre le démon, on va envoyer un jeune puceau inexpérimenté qui sait à peine tenir une épée. Le processus d'identification des joueurs au héros fonctionnera mieux.
- Ouais comme pour Zelda... Ca se tient.

Neutopia sort donc en novembre 1989 et se vend très correctement. Même s'il demeure nettement inférieur à Zelda, ne serait-ce que pour ses 25 heures de jeu contre 40 pour Zelda, il s'en sort honorablement et obtient une note moyenne de 85%.

Bien entendu tout le monde crie au plagiat mais au final la copie est plutôt bonne même si elle n'est pas transcendante. Fort de ce premier succès, Hudson Soft ambitionne la sortie d'un second opus. D'autant plus que Nintendo a annoncé l'arrivée d'une nouvelle console : la Super Famicom et que des rumeurs persistantes évoquent la sortie d'un nouveau Zelda.

Il faut donc couper l'herbe sous le pied et sortir un nouveau Neutopia. Celui-ci sortira en 1991 et s'intitulera... Neutopia 2.

On passe juste de 8 à 10 donjons et on repompe Zelda à mort... Globalement on lui reprochera la même chose : "Nan mais les gars, franchement ça se voit trop que c'est un clone de Zelda, vous abusez" mais on lui reconnaîtra de nombreuses qualités : graphismes améliorés, musiques plus abouties, animations plus réussies et un gameplay très plaisant.

Hudson a réussi son coup : Neutopia 2 est sorti avant Zelda 3 sur Super Famicom, il s'est bien vendu jusqu'à ce que n'arrive le maître des lieux et qu'il ne le déloge délicatement. Neutopia 2 est sorti en février 1991 et Zelda 3 - A link to the past en novembre de la même année.

Comble de l'ironie, certains diront que Zelda 3 s'est inspiré de Neutopia 2 au niveau de l'histoire (le fils qui part à la recherche de son père) mais n'exagérons pas et remettons le copieur à sa juste place : Neutopia est l'un des meilleurs Zelda Like de la galaxie mais ça reste un Zelda-Like, il ne peut pas se prévaloir de dépasser l'original.

Il a avant tout permis aux possesseurs exclusifs de PC Engine de vivre une expérience se rapprochant fortement des opus exclusifs à la gamme Nintendo. La suite de l'histoire on la connaît... La PC Engine a bien résisté au Japon (10 millions d'exemplaires vendus) et a réellement 

inquiété Nintendo quelques temps... mais la PC Engine s'est complètement loupée dans le reste du monde où elle a fait un flop mémorable. Le marché européen a été négligé et aux States, la Megadrive lui a ravi la seconde place du podium, la renvoyant au rang de curiosité nippone.

La PC Engine restera donc bon second au Japon avec un CD-Rom qui résistera à la déferlante Super Famicom mais se retrouvera au final sur le banc de touche. Sa console de 5ème génération (la PC-FX) sera laminée par la PlayStation, la Saturn et la Nintendo 64.

Quant à Neutopia 3, il sera abandonné, Hudson soft préférant développer des jeux plus matures, et notamment des vrais RPG comme Far East of Eden...

Zelda 3 restera le roi incontesté de la discipline qu'il a lui même créé mais ce n'est pas pour autant qu'il faut oublier ce petit challenger nommé Neutopia et qui, encore aujourd'hui, mérite notre estime et toute notre attention.

Ô oui, gloire à toi Neutopia !