Big. Bang. Sur les talons de la provocante Bayonnetta, les Japan All Stars de Platinum Games ne nous laissent aucun répit avec la diffusion ce jour, d'une vidéo annonçant Vanquish (Lorraine ?), le nouveau projet HD de Maitre Mikami. Goddamn!
Cette première vidéo, aussi rutilante qu'explosive - voire "ouf" ou "trop stylé" dans le langage des motionmakers, prononcez mocheunmaikeurz voyez - débarque avec sous le bras une déclaration d'intention bien marquée. Car Vanquish en bon français, signifie Vaincre. Et pas qu'un peu. Tel un uppercut, ce titre annonce une fois de plus la couleur des enjeux, du talent et de la démesure made in Platinum Games. "On est là pour vous aligner la tronche", en quelque sorte.
L'Amérique, je veux l'avoir, et je l'aurais
Pour mon buddy boy Fabrice Vieira, docteur ès Thunderforce IV ayant récemment invité des professionnels du jeu vidéo et de l'audiovisuel à participer au festival des métiers du son deBourg-la-Reine, cette présentation à coup d'armure respire bon le sentaï. Et d'ajouter, "cette opposition marquée entre cette tenue immaculée, qui ne souffre aucune fatigue ou tache de sang, avec toutes ces explosions et cet environnement guerrier, il n'y a que les Japonais pour faire un truc pareil". Pas mal pour un fonctionnaire, don't you think ?
Non stop climax action games
Cette production maladive qui frôle l'excellence tout en refusant la position du premier de la classe bien propret, nous fait réfléchir sur la période Capcom où ils ont grosso modo fait la même chose de manière plus éclatée, en sortant une grosse tripotée de jeux fondamentaux sur une période de 3 ans (entre 2003 et 2006). Aujourd'hui rassemblés au sein d'un même bureau, on remarque enfin chez eux un gout de l'excès. L'excès de style, de recyclage, de pop culture, de technologie... mais aussi de mauvais goût bien recherché et surtout bien assumé. L'excès peut se traduire chez eux par une volonté d'exploiter la technologie à fonds (ou pas, quote God Hand here), ou de proposer le meilleur jeu de sa catégorie (re-quote God Hand here), mais aussi de plonger dans la vanne peu ragoutante du collégien le plus bas du front (... God Hand!). Dernier exemple en date sur le tableau noir : le cimetière ouvrant le bal de Bayonneta. A chaque tombe le nom d'un membre de l'équipe. Et sur la pierre finale, où se soulage un personnage du jeu, le nom de Kamiya. Ca ne pisse pas très loin, mais c'est chez eux une tendance marquée, une véritable signature.
Et c'est ce mélange de perfection et de "saleté", que j'appelle en mon fort intérieur l'esprit boyish, excitation enfantine et puérile des sens face à la machine, aux stimulis audiovisuels et à l'objet que l'on manipule (Afterburner anyone ?) qui fait tout le sel de cette bande de sales gosses ô combien surdoués. A l'inverse de leurs camarades occidentaux de Naughty Dog ou Quantic Dream, dont le discours se teinte d'une conquête de respectabilité globale ("nous voulons être respectés comme le cinéma ou la littérature peuvent l'être"), Platinum Games envoie également le bois au rayon du spectacle, mais sans oublier ses origines impures, frénétiques et masturbatoires : la salle d'arcade où trainaient les mauvais garçons du quartier ou la chambre adolescente qui ne voyait plus la lumière du jour. Critiquer le scénario d'un jeu signé Mikami ou Kamiya, ou tout autre histrion issu de cette joyeuse école, n'a dans cette optique pas de sens puisque dans les critères récurrents de leurs oeuvres, l'absence d'un scénario cohérent et fourni est un travers identitaire de leur conception du jeu vidéo.
La balle est bien dans leur Camp
Je n'aime pas le style de Bayonetta, mais j'aime l'excès dont elle fait preuve. J'y vois une approche plutôt consciente et rafraichissante pour le jeu vidéo actuel. C'est un signe de vitalité, pour le jeu vidéo japonais mais aussi pour le jeu vidéo tout court. Qu'un tel discours puisse faire front à l'est est pour moi une excellente nouvelle, non que je sois partisan d'une école plus que d'une autre, mais je suis heureux de voir autant de créativité et de désir. Cela participe à un esprit d'émulation, de compétition et au final, les jeux n'en sont que plus ambitieux.
Traduction, with Bayonetta in mind:
"L'essence même de l'esprit Camp est l'amour immodéré de ce qui n'est pas naturel, de l'artifice et de l'exafgération (le personnage Bayonetta n'est qu'artifice et exagération, les lunettes, le gloss, les sucettes, la chevelure pompadour qui lui sert de tenue, les talons, l'hyper lubricité de tous ces éléments combinés). C'est quelque chose de plutôt ésotérique, qui relève d'un code de reconnaissance au sein d'un groupe, d'un badge identitaire (comme se faire pisser dessus par un personnage que l'on a crée). Parler même du Camp revient à trahir son esprit. Si la trahison peut être justifiée, c'est au nom d'une plus grande clarté et de la résolution des conflits soulevés (le style Bayonetta est il beau / moche ? Il est mieux que ça, il est excessif). Je suis vraiment attiré par l'esprit Camp et presque autant révulsé par ce même esprit (idem). Le Camp est un mode esthétique. C'est une façon de voir le monde comme phénomène esthétique. La voie du Camp ne relève pas de la Beauté, mais se traduit en degrés d'artifice, de stylisation. Le Camp est la vision du monde au travers d'un style bien particulier : le goût pour l'exagération.
Platinum Games de A à Z en Podcast sur Gameblog :
https://www.gameblog.fr/podcast_129_podcast-126-saga-platinum-games
Susan Sontag, Notes on Camp (1964) :
https://interglacial.com/~sburke/pub/prose/Susan_Sontag_-_Notes_on_Camp.html
Sur Bayonetta et l'industrie japonaise :
https://lamensuelle.over-blog.fr/article-bayonetta-le-jeu-video-japonais-s-exprime-39186052.html
Un précédent article consacré à Resident Evil 4, l'Hydre infernale (2005) :
https://cinemedias.blogspot.com/2005/09/resident-evil-4-lhydre-infernale.html