Voilà six mois que je croupis dans cette cage où l'odeur de pisse s'est incrustée dans les murs. Six mois que ces enfoirés ont assassiné la femme que je devais protéger, la femme que j'aime, l'impératrice. Ils tentent de me briser, ne m'accordant aucune sortie en dehors du trajet jusqu'à la salle de torture où ces traîtres tentent de me faire confesser leur crime. Mais ils ont choisi la mauvaise cible. Ils n'auront rien. Mon exécution ne devrait plus tarder, mais moi, Corvo, je jure d'en emmener le plus possible dans la tombe. A commencer par lui peut-être... Un garde s'était approché de la cellule, une assiette d'infâme tambouille à la main. "Tiens Protecteur, reprend des forces, tu vas en avoir besoin". Approche un peu plus près et quand je t'aurai écrasé la face contre les barreaux, tu verras que j'ai encore bien assez de force pour nettoyer cette prison. Le garde s'éloigna nonchalamment, en sifflant, inconscient du destin auquel il venait d'échapper. Corvo n'avait pas particulièrement faim mais il fut attiré par le reflet que dégageait le quignon de pain apporté par le taulier. Il reflétait la lumière. Plus exactement, la clé qui en dépassait, réfléchissait la lumière. C'est quoi ça, on se croirait dans un vieux film moisi. Délaissant ces considérations futiles -l'occasion ne se présenterait qu'une fois- Corvo s'avança vers la porte et quitta sa cellule.

Employer la manière forte.
Ou
Tenter une sortie plus discrète.

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Ces fils de pute vont payer pour mes six mois de torture.

Une rage, trop longtemps contenue, commença à envahir ses muscles, à lui redonner vie. Lui qui n'était qu'une loque quelques minutes auparavant, devint une boule de haine qu'il valait mieux ne pas croiser. Guidé par un instinct sauvage, il se rua sur le premier geôlier qu'il croisa, lui brisant la nuque sans même que la victime n'ait le temps de prononcer le moindre cri. Corvo se saisit du sabre du gardien... Maintenant, place au carnage. La prison fut témoin de ce que le peuple appellerait par la suite, la nuit du Protecteur. Corvo courait de pièce en pièce faisant voler sa lame dans une danse macabre. D'une main il tranchait les membres, de l'autre il broyait les crânes de ses ennemis. Le protecteur, devenu Messager de la Mort, avait décidé qu'aucun garde ne sortirait du bâtiment debout. Ainsi fut fait. Il sortit de la prison par la grande porte qu'il avait franchi six mois plus tôt, la tête couverte d'un sac, avec pour seule promesse qu'il ne reverrait plus jamais le soleil. Sur ce point, on ne lui avait pas menti. En peu de temps la ville s'était métamorphosée en ghetto, les rues étaient infectées de rats, de geignards pestiférés et de gardes fascistes qui étaient, de loin, le pire des fléaux. Les rayons du soleil ne parvenaient plus à traverser la pollution ambiante. La ville était morte.

Un inconnu s'avance depuis le coin de la rue

******

Six mois à potasser les rondes et habitudes de chaque garde en attendant la faille. Sortir d'ici sera un jeu d'enfant... Comme au bon vieux temps.

Faisant de l'ombre sa meilleure alliée, Corvo se glissa de cache en cache. Une colonne, un bureau, une canalisation, chaque élément de la prison pouvait être une cachette pour peu qu'on voyait le monde de l'oeil Protecteur. Aucun des gardes ne fut tué, seuls quelques uns furent assommés puis cachés, si bien que la nouvelle de la fuite de Corvo ne fut découverte que lorsque l'alarme de la porte de service se déclencha, mais il sortait déjà d'une bouche d'égouts, bien loin de là.

Un inconnu s'avance depuis le coin de la rue

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- Pssst, venez partager ici.
- Desolé mon ami, l'excuse peut sembler facile, mais je sors de prison et je n'ai pas un sou sur moi.
- Non, vous n'y êtes pas. La clef... C'est nous.
- Ah... ok. Je suppose que je dois vous remercier mais que ce n'était pas un geste de pure charité. Qui est ce nous ? Et que me voulez-vous ?
- Je fais partie des loyalistes et si vous acceptez de venir à notre repère, mes chefs pourraient vous expliquer plus en détail les projets qu'ils ont vous concernant.
- La journée vient à peine de commencer et il est hors de question que je la perde en palabres. Dîtes moi où et je les retrouverez ce soir.
- D'accord, d'accord. C'est le café qui fait angle dans Ground Pitts. Par contre, si vous prévoyez d'exécuter une quelconque vengeance, j'aurai peut-être une adresse à vous donner. Campbell a pris du gallon. Vous pourrez le trouver au palais à préparer l'exécution de l'un des nôtres. Il détient la seule piste qui pourrait nous conduire à la planque où est séquestrée la fille de l'impératrice, Emily.

Se laisser envahir par un sentiment de haine.
Ou
Se laisser envahir par la compassion.

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- Campbell... Mon Campbell... Cette infâme raclure ! Merci pour l'info. Si je ne lui fais pas avaler son sabre avant la fin de la journée, c'est que je ne suis plus l'homme que j'étais. Sur ce, je vous laisse, j'ai du pain sur la planche. A plus tard l'ami.

Délaissant la discrétion que ses maîtres lui avait inculqué, Corvo courait dans les rues de Dunham, tranchant les gorges de ceux qui lui barraient le passage, inconscient que ses actes précipitaient encore plus la chute de la ville. Une nuée de rats le suivait à l'affût de sa prochaine victime transportant la peste dans les quartiers chics de la ville, jusque là épargnés. Il arriva finalement face au palais.

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Sautant de toit en toit avec la grâce d'un félin, Corvo se fraya un chemin vers le Grand Palais sans déclencher la moindre alarme. Pour autant que le savaient les gardes, après sa fuite, l'ancien Protecteur avait déjà dû quitter la ville. La réalité était tout autre et il arrivait maintenant face au palais.

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Quelques tallboys patrouillaient dans un bruit assourdissant de métal... Les allées étroites étaient gardées par des policemens en veste empire bleue et rouge, un casque à pointe vissé sur la tête leur donnaient l'allure pitoyable d'un croisement entre un Bobby et un soldat nazi. Vu l'état dans lequel ils avaient plongé la ville, leur état d'esprit devait également refléter ce métissage. La cour du palais était éclairée par une dizaine de spots militaires. Même si c'était le chemin le plus direct, tenter une approche par ce chemin relevait du suicide.

Du suicide, voilà un défi qui semble tentant
Ou
Epargner un maxium de vie
Ou
Tester vos nouveaux pouvoirs

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Je suis mort en même temps que l'impératrice, aucun de ces chiens galeux ne saurait m'envoyer la rejoindre. Qu'ils crèvent tous.

Corvo se téléporta sur le tallboy le plus éloigné, la lame au clair, le temps d'un bref instant, avant qu'elle ne perfore la carotide du pilote abasourdi. Le mastodonte mécanique s'effondra sur deux gardes dans un vacarme assourdissant, mélange de frottement de taule et de cris de terreur, couvrant à peine l'explosion de la grenade que le Protecteur avait laissé sur place avant de se téléporter. Le dernier garde croisa le regard de son assaillant juste avant que la spirale tranchante qu'il lui avait collé sur le front ne le déchire de toutes parts. D'un pas décidé, Corvo prenait la direction de l'immense porte d'entrée alors qu'un tallboy, dernier survivant de l'escouade, lui tirait un carreau enflammé dans le dos. D'un geste nonchalant de la main, le Protecteur déclencha une bourrasque qui renvoya le projectile à son expéditeur dont les bonbonnes instables s'enflammèrent aussitôt.

Faire face au destin.

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Se croit-il vraiment à l'abri dans un palais dont je connais chaque recoin ?

Corvo se téléporta sur les canalisations qui le surplombaient. Il s'avait qu'en les longeant et au prix de quelques acrobaties il arriverait sans encombre à atteindre son objectif. Tout était question d'observation et d'inventivité. S'il avait dû un jour utiliser ces qualités pour protéger l'impératrice de ce genre d'infiltration, son successeur semblait en être dépourvu, tant le chemin lui sembla aisé. Corvo prit le temps de pirater une alarme et un portail de désintégration pour préparer sa fuite au cas où un garde, plus malin que les autres, finirait par le repérer. Il avait un jour manqué de préparation, et cette faiblesse avait coûté la vie à la femme qu'il aimait, aussi, à cet instant comme il le ferait pour le restant de sa vie, il respecta une doctrine simple : "S'apprêter, c'est éviter d'avoir à improviser." Sans un bruit, il entra dans la forteresse.

Faire face au destin.

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Je pourrais profiter de mes nouveaux dons pour accéder à son bureau et repartir sans un bruit. Voyons ce que l'outlander a fait de moi.

Quelques semaines auparavant, un être mystérieux au corps immatériel avait visité les rêves de Corvo, lui prédisant un avenir des plus important, renâclant que les semaines à venir changeraient à tout jamais le destin de la cité, pour le meilleur ou pour le pire. Il avait apposé son sigle, la marque de l'Outsider, sur la main gauche du Protecteur, gravé dans les chairs de façon immuable. A son réveil, Corvo avait toujours la marque, mais au delà de la douleur permanente qu'elle lui infligeait, il sentait un flux inconnu parcourir ses membres, cherchant à sortir par tous les moyens. Tendant la main pour tenter de comprendre, il déclencha une bourrasque qui dévasta sa cellule, arrachant l'installation de bois que les gardes osaient appeler toilettes, déchiquetant le drap poisseux qui lui servait de paillasse. Après avoir mesuré l'étendue de ses capacités, il comprit qu'il possédait effectivement le pouvoir de tout changer.

Face à une escouade de traître, son pouvoir se rappelait à lui, l'incitant sans cesse à le laisser prendre le dessus. Mais il ne pouvait pas. Seul dans sa cellule, la triste réalité lui avait rapidement sauté aux yeux, ce don n'était pas gratuit. Le pouvoir le consommerait. S'il voulait bâtir un nouveau monde, avec Emily, il ne pouvait pas laisser libre court à la haine.

Deux tallboys et quatre gardes... Mettons juste ce qu'il faut de piment. Serrant le poing dans un geste rageur, il fit apparaître une nuée de rats avides de sang qui sema aussitôt la zizanie dans les troupes impériales. Corvo ferma les yeux un instant et lorsqu'il les ouvrit, il était au milieu de ses congénères, semant le trouble à grands coups de crocs. Il profita de la cohue et du petit corps qu'il possédait pour se faufiler dans un conduit d'aération. Lorsqu'une chaleur nouvelle lui indiqua qu'il était à l'intérieur du bâtiment, il reprit forme humaine, explosant le corps de la petite créature qui avait été son hôte. Il se prit à grignoter et arrêta sa mâchoire d'une vive claque. Il ne faut vraiment pas que j'en abuse.

Faire face au destin.

******

Face à lui, une rangée de marches conduisait au bureau de Campbell. Elles semblaient illimitées, comme autant de possibilités qui s'offraient à lui. Furetant de pièce en pièce, un plan commença à s'échafauder dans son esprit. C'est à cet instant qu'il commença à réécrire l'histoire.

L'heure du bain de sang a sonné.
Ou
L'heure de la vengeance a sonné.
Ou
La vengeance n'aurait aucun goût si elle est trop  rapide.

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J'ai promis que tu allais avaler ton sabre et crois moi mon pote, tu va le bouffer jusqu'au trognon.

Corvo fit exploser la porte d'entrée du bureau d'un coup de pied monumental. Campbell, bien ancré dans un fauteuil empire au coin d'un feu de cheminée, n'en croyait pas ses yeux.

"Corvo ! Mais comment ?"
Son instinct de survie lui guida de se lever et de prendre l'arme à feu, dans le deuxième tirroir, mais son assaillant s'était déjà téléporté derrière lui, refermant le casier d'un coup sec. Les doigts broyés, le Grand Inquisiteur déchira la nuit d'un cri empli de détresse.

"Tu aurais dû me tuer tout de suite, Campbell. Pas comploter pendant six mois pour me faire porter le chapeau.
- Attends Corvo. Attends ! Penses à Emily.
- Emily ? Comment oses-tu prononcer son nom chien galeux ?" Il lui administra une lourde gifle. Seul le pied de Corvo, toujours appuyé sur le tiroir, retint le Grand Inquisiteur de voler à travers la pièce.

"Je trouverai toutes les informations que je cherche dans ton journal.
- Mon jou...
- Tu sembles étonné. Tu t'es attaqué au Protecteur, vieil homme. Pour protéger mon impératrice je devais tout savoir d'elle et de son entourage. Bien sûr que je sais à propos de ton minable journal, dans lequel tu relates tout, comme s'il te permettait d'expier tes pêchés. Tu faisais erreur. Je suis celui qui te fera expier tes pêchés !"

Alors qu'il tentait de formuler une réponse, son aggresseur tira le sabre hussard marqué de l'écusson du lion, symbole qu'il était la plus haute autorité du pays, que Campbell portait toujours le long de la cuisse gauche. D'un geste vif et habile, il saisit le grand Inquisiteur au cou et lui pencha la tête en arrière, abaissant la lame dans le même temps où il forçait la bouche à s'ouvrir. Les yeux exorbités emplis de larmes, tentant un dernier cri étouffé, Campbell sentit la lame glaciale glisser lentement le long de sa gorge avant qu'elle ne perfore ses entrailles et qu'il ne s'étouffe dans son propre sang.

Le fin n'est que le commencement.

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Je pourrais l'empoisonner et être parti avant même qu'il ne lâche son dernier souffle.

Corvo vérifia par le trou de la serrure que le bureau était vide, avant de s'y infiltrer en silence. Il reconnut la voix de Campbell, au loin dans le couloir et sut qu'il ne disposait que de quelques secondes. C'était bien suffisant pour déposer un peu de poison sur le verre fétiche du Grand Inquisiteur et se téléporter sur l'immense lustre qui surplombait la pièce. Comme chaque jour, à 17 heures, le chef des armées pénétra dans son bureau, ouvrit son vaisselier et prit un verre en cristal, qu'il remplit d'une bonne rasade de scotch vingt ans d'âge. S'affalant dans un fauteuil empire, au coin du feu, il trempa ses lèvres dans le précieux breuvage. L'homme qu'il avait séquestré pendant six mois apparu alors devant lui, un sourire aux lèvres, inconscient, insouciant. Campbell ouvrit la bouche pour crier à la garde mais l'air qui pénétra dans ses poumons lui brûla littéralement l'oesophage, couvrant sa gorge de pourriture. L'assassin se pencha sur son corps pétrifié.

"Un dérivé de la Peste, mon ami... En très accéléré bien sûr. Si tes gardes suivent leurs habitudes, comme tu suis toujours les tiennes, ils te trouveront d'ici une trentaine de minutes. J'ai bien peur que ce ne soit un peu tard pour toi." Il lui tapota la joue, d'une main presque amicale. "Tant pis !"

Le fin n'est que le commencement.

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Une mort, même douloureuse, serait trop facile. Il y a tellement mieux à faire.

Corvo vérifia par le trou de la serrure que le bureau était vide, avant de s'y infiltrer en silence. Il reconnut la voix de Campbell, au loin dans le couloir et sut qu'il ne disposait que de quelques secondes pour se cacher dans l'angle de la cheminée. Comme chaque jour, à 17 heures, le chef des armées pénétra dans son bureau, ouvrit son vaisselier et prit un verre en cristal, qu'il remplit d'une bonne rasade de scotch vingt ans d'âge. S'affalant dans un fauteuil empire, au coin du feu, il trempa ses lèvres dans le précieux breuvage. L'homme qu'il avait séquestré pendant six mois apparu alors devant lui, un sourire aux lèvres, inconscient, insouciant. D'un geste vif, il lança une fléchette dans le cou de Campbell alors que ce dernier allait appeler la garde. Le corps du grand inquisiteur se figea dans une pose terrifiante : les mains crispées sur le fauteuil, chaque muscle de la nuque tendu au maximum comme s'il tentait de désolidariser la tête du reste du corps, pour fuir une mort qui semblait inévitable. L'assassin se pencha sur le corps pétrifié.

"Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'un tranquillisant, tu seras bientôt sur pied." Il désigna un bâton qu'il tenait à la main: "Oh ! Regarde ce que j'ai trouvé dans ta salle de torture personnelle. Tu le reconnais ? "
Un silence pesant lui répondit.
"Suis-je bête ? A croire que six mois de prison ont dû me rendre un peu toqué. Et voilà que je fais la conversation seul."
Il se prit la tête entre les mains et jeta la barre métallique au feu avant de bondir sur le corps inerte.

"C'est un bâton de bannissement ! Celui avec lequel tu apposes ta marque aux personnes que tu souhaites excommunier. Ces mêmes personnes qui se voient refoulées par tout le monde, même leur propre famille, pour finir bouffées par les rats dans les bas fond de la ville. Tu ne t'es jamais demandé ce qu'ils ressentaient ? Tous ces gens que tu as choisi de détruire ?"

Le Protecteur fit un pas en arrière et attrapa le tison qu'il plaça délicatement sur le visage du traître. Campbell ne le sentait pas, mais son oeil gauche cuisait sous la chaleur et était prêt à exploser. Il serait borgne pour ce qui lui resterait de vie mais ça ne serait pas sa principale préoccupation, car même ses amis les plus haut placés, du fait de la marque, lui tourneraient le dos. Lorsqu'il relâcha son étreinte, un sourire démoniaque couvrait le visage de l'assassin.

Le fin n'est que le commencement.

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Corvo prit le journal dans la poche de Campbell avant de quitter la pièce. Dans son dos, celui qui fut un jour le Grand Inquisiteur était toujours pris de convulsions, mais son sort ne faisait déjà plus partie de l'histoire du Protecteur.

Perché sur les toits de la ville, un carnet de révélations à la main, Corvo admirait la lune. Une des dernières beautés de notre univers. Emily en est une autre. Ensemble nous changerons le monde à défaut d'avoir su le faire avec sa mère. Malgré mes immenses pouvoirs, nous n'abuserons pas de la magie. Non merci, j'ai testé.

Pour vous, ma future impératrice, je transformerai ce monde. Une fois que je vous aurai délivré, notre avenir à tous sera entre vos mains.