Ce qui est appliquable à la mode peut l'être aux jeux vidéo. Il suffit de se retourner pour constater que nous pouvons également imputer à ce domaine des effets de vagues réguliers qui ramènent dans l'air du temps ces genres que nous pensions fossilisés depuis longtemps. Electronic Arts et Visceral Games ont donc tenté de profiter de cette légère brise qui précède l'arrivée de la tornade God Of War III en développant leur propre beat'em all. L'Enfer s'ouvre sous nos pieds et peut-être bien aussi sous les leurs...

 

 

... Ne dit-on pas d'ailleurs qu'il est pavé de bonnes intentions ? Bien que l'aventure proposée soit bien alléchante, elle est tenue en mauvaise estime, en général. Elle subit d'ailleurs essentiellement cette mauvaise humeur ambiante à un facteur irréfutable qui saute aux yeux de tous : le plagiat éhonté, pur et simple, du modèle du genre en la matière. Dante's Inferno s'attire les foudres de la presse d'entrée de jeu à cause de l'intégralité de son gameplay qui est une simple copie, trait pour trait, de celui de God Of War. La combinaison des touches, les enchaînements, les Quick Time Events, les magies... Kratos semble avoir troqué son statut de dieu pour celui de templier déchu. Nous sommes ici confrontés à un argument autour duquel toute la critique va s'articuler, l'influançant de la manière la plus négative qui soit. Tous s'empressent alors d'y aller de leur petite remarque concernant la Divine Comédie et d'ainsi regretter que l'adaptation n'ait pas été plus travaillée pour proposer autre chose qu'un prétexte aux enchaînements bourrins. Le manque de créativité est très vite pris pour cible dénonçant un jeu répétitif, commun, sans saveur, voir sans âme (seulement deux armes aux poings, besitaire réduit, toujours les mêmes QTE sur les ennemis). Les tableaux s'enchaînent et répètent la même démarche (arène, énigme, plate-forme, arène, énigme, plate-forme, boss...) du début à la fin, accompagnée de problèmes de visibilité des combats ou d'appréhension des situations propres à des angles de caméra fixes pas toujours judicieux. Très vite dans le sillage, la réalisation est jugée très inégale, décevante par bien des aspects comme le niveau graphique (texture et modélisation en tête) très loin des standards actuels, le scénario prétexte sans profondeur ou une localisation française désastreuse. Quand il est question de la faible durée de vie, c'est en général pour assèner le coup de grâce. Il y a de quoi avoir peur et le jeu souffrira certainement de d'a priori face à de telles reproches qui ne sont toutefois pas sans fondement.

 

Au-delà des mauvais aspects mis en lumière, c'est la manière qui surprend le plus. Oser plagier de la sorte la référence ultime semble passer pour un crime qui justifie de s'acharner à ce point sur le jeu. Alors que la note ne s'en ressentira pas pour autant comme peut en témoigner la moyenne. A côté de ça, les bons côtés sont à peine mis en valeur. Il aurait été impressionnant que cette mauvaise humeur soit assumée jusqu'à passer sous silence l'incroyable travail réalisé sur l'univers de Dante's Inferno. Et si l'adaptation de la Divine Comédie est indigne de l'oeuvre, la retranscription de l'Enfer et de ces différents cercles est la preuve que de la bonne foi de l'équipe qui ne s'est apparemment pas uniquement contentée de recopier par-dessus l'épaule du voisin. L'ambiance suffit à elle seule à pointer du doigt ce léger paradoxe qui dénonce un jeu sans âme, commun, sans saveur, etc. Venant appuyer cette contradiction d'argumentation, le gameplay n'est pas reconnu comme étant complètement calqué sur celui de God Of War. En grande partie, certes. Mais il a également le mérite de proposer certaines innovations comme un arbre de compétences et le choix d'absoudre ou de punir les âmes en peine qui confèrent à la fois une légitimité relative au gameplay (dans le sens où la fidèlité avec le thème est appuyée) et permettent un mélange des genres assez réussi qui favorise l'émergence d'une variété de choix (que les différentes magies, l'influence des reliques sur le statut de Dante, le jeu d'absolution des âmes ou encore la prise de contrôle de certains ennemis titanesques viennent encore plus agrémenter).

 

Il est étonnant de voir à quel point l'obstination prend le pas sur la raison. Très peu ont su se livrer à une analyse intelligente sans être omnubilé par le calque grossier tout au long de leur réflexion. Il n'est pas question d'aveuglement, puisque les points relevés pour étayer la mauvaise impression reposent sur des bases concrètes. Maintenant, force est de reconnaître que le jeu n'est pas aussi abominable qu'il n'y paraît. Certes, si la comparaison avec God Of War ne peut pas être évitée, c'est plus la grossièreté avec laquelle le gameplay a été transposé qui dérange que le simple fait de copier une référence du genre. Après tout, quel mal y-a-t-il à se reposer sur les meilleures fondations ? Visceral Games prouve d'ailleurs par bien des aspects sa bonne foi. Gameplay copié, mais qui reste varié, efficace, fidèle et procure une personnalité propre. Le travail artistique est tout bonnement impressionnant. Il justifie à lui seul d'accorder le bénéfice du doute. D'ailleurs, aspect littéralement absent de toutes les références, mais les scènes cinématiques (toutefois trop rares dans le jeu) sont d'un niveau qui n'a rien à envier aux dernières productions magistrales. Elles contrastent véritablement avec les scripts et les graphismes in-game, ce qui est véritablement dommage compte tenu du niveau dont était capable d'atteindre le studio. Par conséquent, il est impossible de reprocher à ce jeu d'être aussi répétitif (il s'agit d'un beat'em all après tout, les mécanismes du genre imposent forcément une certaine répétitivité) comme il est impossible de dénoncer un manque flagrant de créativité (le mot recherché est peut-être "inspiration" quand il est question de la fin du jeu, quoique la mise à l'épreuve ne choque pas compte tenu du contexte). Il n'est pas dépourvu de bugs de collisions (des murs invisibles qui vous empêchent de tomber à certains endroits et qui sont absents à d'autres plus critiques) et de bugs de scirpts (déclenchement qui ne s'opère pas ou présence invisible d'un ennemi qui se retrouve hors décors sans pour autant mourir qui empêche la suite de s'enclencher). Il y a toujours de quoi faire lorsqu'il est question de chercher des poux dans la tête de quelqu'un.

 

Dante's Inferno n'est peut-être pas un excellent jeu. Il comporte des lacunes qui lui ferment les portes du Pathéon du genre. Par contre, il ne correspond pas non plus à l'image du jeu décrié. Il possède suffisamment d'atouts pour figurer parmi les bonnes expériences (peut-être à moindre prix, il est vrai). Il manque peut-être un peu de tact et de nuance, défauts qui lui valent sans aucun doute l'antipathie ambiante. Un autre point est particulièrement irritant. Il concerne l'adaptation de l'oeuvre (la Divine Comédie, vous ne le saviez pas ?). Toujours vouloir rapprocher le Jeu Video de l'Art à la moindre occasion ne doit pas être un prétexte pour s'offusquer du manque de profondeur et de loyauté à une oeuvre qui est, à la base, d'autant plus difficile à retranscrire vidéoludiquement parlant que le titre s'adresse au beat'em all après tout. Si le jeu vidéo reste déjà un jeu vidéo de qualité, le contrat sera bien rempli. Et c'est effectivement le cas, le travail de Visceral Games parlant de lui-même. Un remarque a su très bien qualifié l'intérêt du jeu. Si ce dernier n'en a absuloment aucun sur Playstation 3 compte tenu du retour prochain de God Of War III, il saura combler les possesseurs de Xbox 360 qui souffrent de cette exclusivité.