Nilin, parfaite <3 !

      Aprés avoir posé la manette lorsque, pour la première fois, on finit Remember Me, on se rend compte que ce jeu a deux facettes. Sans me lancer dans un énième test de ce soft, je vais essayer de décrire le sentiment qui m'assaillit quand, l'aventure finie, j'hésitai à relancer une deuxième run de ce « beat » linéaire au possible. L'envie, tout d'abord, de redécouvrir cette histoire, ce scénario tissé sur plusieurs niveaux, qui aborde des thèmes, pourtant habituels dans le jeu vidéo (nous y reviendrons) mais d'une si surprenante façon... Mais tout de suite me viens l'appréhension. Redécouvrir une histoire, c'est souvent le meilleur moyen d'y voir les failles, de ne plus avoir la surprise première et, finalement, de souffrir d'une grande déception que je ne voulais absolument pas ressentir. A ce « non Gecko, ne rejoues pas ! » s'ajoute le gameplay et la linéarité du soft, qu'a du mal a contrebalancer le fait qu'il me manquait des « Mnésist » pour finir de découvrir le profond backgroud de ce jeu (sans compter que ces « Mémoires » n'offrent que très peu d'horizons de recherches sur ces maps faites de chemins et d'arènes, et sont souvent posées sur une table devant nos yeux).

       Cependant, j'y ai rejoué. Et si le gameplay, cette fois, a été pour moi encore plus lourd (sans compter le fait que je savais exactement quel ennemi allait arriver à quel moment etc...) l'histoire, le scénario, et surtout, les thématiques et les symboliques utilisées m'ont semblé s'intégrer parfaitement dans cet univers, ce Néo-Paris à peine futuriste (70 ans tout juste ont passés), et m'ont apporté la certitude que le développement de ce jeu par les petits français de Dontnod à été fait de façon extrêmement (trop?) cinématographique.

Analyse ...

 

       Tout d'abord, intéressons nous aux thèmes récurrents qui sont légions mais dont se détachent trois grandes thématiques principales.

 

       La première, qui saute aux yeux de tout un chacun, c'est bien sur la mémoire et les souvenirs, et leur importance pour les humains que nous sommes. C'est aussi le thème le plus inattendu, le plus surprenant, mais surtout l'axe principal du jeu. En effet, nous remixons les souvenirs, nous les volons, nous nous en servons pour voir où l'on doit aller (je parle ici des Rémanescences) et, de l'autre côté, le « régime » totalitaire représenté par Mémorize (qui n'est pas vraiment une dictature physique mais une dictature de la pensée) se sert des implants Sensen (par lesquels on peut échanger les mémoires) pour contrôler la population, en la rendant heureuse (suppression des souvenirs mauvais et ajout de souvenirs heureux) ou en vidant la mémoire des prisonniers.

       Les mobs de ce jeu s'intègrent aussi dans la logique des dangers de la mémoire. En effet, les « leapers », c'est leur nom, sont des humains qui ont abusé (ou à qui on a fait abusé), à cause d'une sorte d'addiction, des mémoires des autres (ces dernières s'obtenant dans un serveur central, dont on voit des « distributeurs » un peu partout au cours du jeu) jusqu'à subir une perte totale d'identité.

      

Bonjour, zombie mémoriel des familles !

       Soyons clairs, dans Remember me, la mémoire, c'est l'identité. Comme dans la vie en fait... Nous sommes définis par nos souvenirs et nos actes ne sont qu'un écho de ces derniers. Modifier un souvenir, dans ce jeu, va totalement changer la perception d'une personne sur le monde, et donc ses actes futurs. C'est grâce à cela que notre avatar, Nilin, va mener la révolution.

 

       Car voici notre deuxième thématique, ici aussi assez visible, la Révolution, autant au sens d'acte qu'au sens d'idéologie. Chaque passage, et chaque conversation avec le mystérieux Edge ne pourra nous rappeler, à nous français encore plus, les idées révolutionnaires du « siècle des lumières ». D'ailleurs, les citations de début de chapitres sont pour la plupart d'auteurs ou de philosophes proches des idées des « lumières ». Edge parle même à un moment de « nouveau siècle des lumières » et s'exprime tel un philosophe ou un poète d'époque (nous y reviendrons). Et les Mnésist, sorte de base de donnée géante mémorielle à penchant révolutionnaire... Cela ne vous rappelle pas une certaine « Encyclopédie » de Diderot et d'Alembert, version 2 .0 ? Des tonnes de clins d'œil sont placés pour rappeler cette idéologie révolutionnaire, et nous en parlerons plus tard.

       La révolution au sens d'acte, ici, est bien sur un immense plagiat (et je pèse mes mots) sur la révolution française. Voila pourquoi l'histoire se passe à Paris, on va prendre la Bastille, pour y libérer des armes (notez qu'ici les armes, ce sont les mémoires de chaque prisonnier, et les prisonniers eux mêmes, prouvant ici aussi l'importance des souvenirs). On termine dans le Mnémopolis, sorte de château de Versailles futuriste des familles, et sa Galerie des glaces (oui la salle où se trouve Charles Cartier-Wells, ne me dites pas que vous n'y avez pas pensé). Notez que j'utilise le mot « Plagiat » sans à-priori négatif, étant féru d'histoire, notamment d'histoire de France, et étant moi même Français, cette thématique, ainsi que la façon dont les développeurs l'ont travaillé, a été pour moi extrêmement plaisante a voir et à analyser.

 

Aux armes citoyens (j'ai pas trouvé d'image de la prise de la bastille dans remember me) :p

       Cependant, si notre révolution est humaniste, l'Humanité que l'on croise, au dehors, n'est, en aucune façon, sensible a la cause.

 

       Ce qui vient étayer la troisième thématique, plus induite, qu'est la robotisation du monde, et le fait que les androïdes ou autres robots soient, dans le jeu, finalement plus sympathiques et aidants que les humains en général.

       Car il faut bien le dire (et attention au SPOIL!!!), la première voix rassurante que l'on entend dés le début du jeu, qui vous guide dans la difficulté, qui veut détruire la dictature de la mémoire et sauver l'Humanité, c'est une fucking Intelligence Artificielle, portant en elle tous les mauvais souvenirs de l'humanité (voilà, je vous ai gaché le twist final:) ) et parle avec de la poésie et de la philosophie, qui sont des formes d'art (l'art étant censé être du domaine de la sensibilité, donc de l'humain). Du coté « robots sympas » on peut aussi noter Jax, la peluche-panda-robot-nounou-babysitter-qui fait le café de Nillin, qui était, jeune, je cite : « vraiment son meilleur ami » (paye ta vie pourrave). Mais aussi, et pour certains je sais que c'est passé inaperçu, ou juste une petite cinématique useless pour certains, l'androïde, qui s'excuse et essaie de vous relever après vous avoir bousculé, alors que sa propriétaire s'en contrebranle (sic.) et l'engueule pour sa lenteur... connasse de bourgeoise.

       De l'autre côté, on a Madame, dont le nom rappelle l'humanité, mais qui est la plus inhumaine de nos ennemis, le Dr Quaid, Kid Xmas, et une autre pléthore de méchants 100% humains, dont Scylla Cartier-Wells et son mari, qui eux, à cause de leur sentiments humains, ont créés la pire dictature depuis bien longtemps. Citons aussi (ou encore) les Leapers, qui ne sont finalement que des humains accrocs aux souvenirs d'autrui. Au final, les seuls robots que l'on fight sont des robots programmés pour combattre, sans IA, donc des objets dirigés par ... le humains, vous avez compris.

 

       Il y a bien sur parmi les humains quelques uns bien sympathiques (Tommy, Bad request) mais ils obéissent à un robot donc bon.. hein ?!

 

       

Jax ! Il est meuuuugggggnnnnnooooonnnnnn !

       Voila ce qui, pour moi, sont les trois thèmes principaux abordés dans Remember Me et, forts de ce nouveau savoir, nous allons maintenant pouvoir nous plonger dans les symboliques, les clins d'oeil et les inspirations possibles.

 

 

      Vous l'aurez compris, à l'instar d'un bon film (citons par exemple Taxi driver ou The shining) , rien, dans ce soft, n'est laissé au hasard, et chaque détail est travaillé par une équipe que l'on sent fan du cinéma et de la littérature fantastique, ainsi que de l'histoire française, se servant de clins d'œil et de symboliques précises pour nous montrer ce qu'ils veulent, dont leurs inspirations.

 

       Ces symboliques, déjà, sont nombreuses, et assez indues (pour certaines). Il ne faut aussi pas oublier qu'une analyse est subjective, donc ne m'en voulez pas si vous n'avez pas du tout ressenti ce qui pour moi était une évidence.

       Il y a, déjà, le manque d'amour, et aussi un peu de féminité, omniprésent dans le jeu. Surprenant au premier abord (l'amour étant une solution de sécurité dans un scénario), il s'explique pour moi par le monde torturé, détruit, que l'on essaie de nous montrer. L'amour est présent, me direz vous, dans chaque Remix, et nous avons ici une des explications de ce thème absent... L'amour, pour Nilin, et sûrement pour d'autre, est une arme puissante. L'amour parent/enfant et exploité aussi ici par rapport au souvenirs que vous redécouvrez. L'amour étant liés au souvenirs et la mémoire, un monde où la mémoire se perd et se vole explique le manque d'amour, de laisser aller, des gens, et tout ceci étant synthétisé, bien sur, en la personne de Scylla Cartier-Wells, qui n'arbore aucune féminité (symbole de faiblesse, désolé les filles) et a mis de coté son amour. Son mari étant d'ailleurs bien trop enfermé dans sa bulle d'amour et de sentiments, il en a perdu de vue l'essentiel.

Scylla Cartier-Wells, crâne rasé, air véner, en train de donner des ordres... Féminitééééééé ou est tuuuu ?

      Les lieux aussi, le quartier saint-michel transformé en centre parisien fermé absolument futuriste, est pourtant l'un des plus vieux quartiers de la ville. On y trouve d'ailleurs un mélange d'architecture Haussmannienne et de Neo-Paris tout a fait intéressante. Ce quartier, sur lequel s'appuie Edge pour mener sa révolution, était, en Mai 68, l'un des principaux lieu d'affrontement entre police et étudiants. Mais aussi le Slum 404, situé en lieu et place de Montmartre, ou vivaient les adeptes de la Révolution Bohème, vu à l'époque comme un lieu diabolique. C'est ici que se trouve le centre névralgique de la révolution Erroriste.

 

 Le Quartier Saint-Michel, l'architecture hosmanno-futuriste

       Puis il y a ces nombreux clins d'œil à d'autres œuvres, littéraires ou cinématographiques, ou même à l'histoire, auxquels nous pouvons nous intéresser.

       Il y a bien sur l'implant Sensen, et l'endroit où il est placé, qui fait penser à Matrix, ou ExistenZ (notez que dans ces deux films, ces « plugs » servent à se brancher à une sorte de réalité alternative et virtuel, comme le fait Nilin dans le jeu).

       Puis, bien sur, les nombreuses citations et phrases que l'on voit ou entend dans le jeu. Edge qui sort des citations des lumières, où celles en début de chaque épisode. Voila un amour pour la vieille littérature s'il en est.

       Enfin, il y a des clins d'oeil à l'histoire de France ici aussi. La monnaie s'appelle l'écu... enfin, l'€cu (à peu prés). Même si sous la révolution, le louis d'or était la monnaie officielle, le louis d'argent se surnommait « l'écu blanc ». Mais aussi le nom de l'héroïne et de ses parents (logique -_-) « Cartier-Wells. Cartier comme la méga entreprise de luxe française (il faut de l'argent pour fonder Mémorize), Wells comme l'auteur de roman d'anticipation qui était surnommé le Jules Verne anglais et disait vouloir « prendre possession du lecteur par l'illusion romanesque. » Voila donc le fondateur du Sensen et de Mémorize est un riche rêveur (ce qui est vrai dans le jeu don quod erat demonstrandum).

 

Le sensen, ca vous rapelle rien ?

 

       Il s'agit bien sûr d'une liste non exhaustive et 100% subjective de ce qui pour moi appelle à notre imaginaire et notre culture pour nous faire comprendre les inspirations et les symboliques présentes dans ce jeu... Et quelles inspirations.

     

      Des ces dernières, ici, on peut citer de nombreux livres, films, et autres œuvres artistico-culturelles.

     « Does androids dream of electric sheep «  de Phillip K. Dick l'auteur de Sf, en est une bonne, totalement assumée par les développeurs et si vous ne voyez pas de quoi je parle, c'est que vous devez le connaître sous le nom de « Blade Runner », le film qui a fait renommer le livre (sisi serieux -_-).

       Ajoutons ici Matrix, Existenz ... Mais nous les avons déjà vus dans la partie précédente, et je ne veux pas faire de redite, alors pour le cinéma, j'aimerais parler de Inception, pour le coté « Je remix un remix » à la fin, et le coté « on modifie ce dont les gens se rappellent pour qu'ils fassent ce qu'on veut » mais aussi l'Effet Papillon, genre si on change un truc dans le passé (ici c'est dans un souvenir du passé) on altère totalement la réalité (ici, la vision de la réalité par la cible).

       C'est aussi et surtout, je ne le répetterais jamais assez, un jeu extrèmement influencé par les philosophies des lumières dont les dévs doivent être les plus grand fans. Autant sur l'importance du lien Parent/Enfant et la nature humaine bonne mais altérée par un choix de société (je citerais ici notre ami Jean-Jacques Rousseau) que sur l'importance de la mémoire individuelle et collective (selon les lumières, il faut que l'homme connaisse son histoire avant d'en écrire une nouvelle).

 

   Sensation Engine Beta 0.74

 

   Avec de telles inspirations, l'histoire, le backgroud, enfin l'univers de ce jeu ne pouvait que se développer dans le bon sens, vers les thèmes récurrents de ce dernier.

 

 

       Pour conclure, je dirais que Remember Me, c'est avant tout un voyage. Dans le futur, dans le passé, mais aussi dans le présent, aujourd'hui, à l'heure des nouvelles technologies totalement AWESOMES telles que les lunettes Google (qui font exactement ce que fait le sensen autour de vous dans le jeu) et les balises GPS à tous les coins de rues, à l'époque du réseau social (mémorize est a la base un réseau social qui permet de partager ses mémoires)... bref de l'humain 2.0 (attention, dans ce soft, le serveur centrale se nomme H3O pour Humain3.0. On en est pas loin...). Ce jeu nous fait nous poser des questions sur nous même, sur la société alentour... Bref, un jeu excellent, qui, au temps ou le monde ouvert semble être le fleuron de la crème de la cerise sur le gâteau du jeu vidéo et du scénar', ne s'enorgueillit pas d'un gameplay ou d'un openworld fascinant, et mise tout sur un scénario ficelé de A à Z, et qui rend bien pâle, pour moi, par exemple, un Skyrim dont l'extrabalèzitude (sic.) du monde oblige peut-être les développeurs à laisser plus de choses au hasard, et plus de vide.