Deux blockbusters, deux visions du first person shooter. Mais surtout, bien au-delà de la guerre virtuelle qui s'annonce sur nos consoles, c'est une guerre économique qui va opposer Electronic Arts à Activision Blizzard, pour s'adjuger la meilleure part d'un gateau de plusieurs milliards de dollars.

 

Modern Warfare a failli exploser en plein vol

Les deux géants mondiaux du secteur se rendent coup pour coup depuis quelques années, dans les boutiques, mais aussi en dehors. Difficile de ne pas voir en l'affaire Infinity Ward (licenciement/débauchage des directeurs Jason West et Vince Zampella, partis créer avec plusieurs de leurs collaborateurs Respawn Entertainment, sous l'égide d'EA) un des dérapages regrettables de cette concurrence exacerbée. L'officialisation récente de Modern Warfare 3 représente un petit miracle, tant le studio à l'origine de Call of Duty a été amputé l'an dernier de ses cadres historiques. Le développeur Infinity Ward tel qu'on le connaissait jusqu'à Modern Warfare 2 n'est plus. Certains diront que c'est un bien, d'autres considéreront que le risque de voir la franchise perdre en identité et en qualité n'a jamais été aussi grand.

Au même moment, le camp adverse respire la confiance et la sérénité. La licence Battlefield ne cesse de prendre de l'envergure, et sort grandie de deux épisodes Bad Company aux vertus ludiques solides, qui ont largement renforcé la réputation d'excellence de DICE en matière de multijoueur. Cette année, le studio suédois débarque avec un moteur remanié, et un solo plus spectaculaire que jamais, dont les séquences rythmées par les scripts et les explosions sont clairement inspirées de la concurrence. Qu'importe, Battlefield apparaît comme la seule licence à même de proposer une alternative crédible au mastodonte COD. Les Brink, Crysis 2, et autres Homefront ne font que de la figuration.

 

Rome ne s'est pas faite en un jour

Faut-il pour autant s'attendre à ce que Battlefield 3 prenne l'ascendant sur MW3 à l'automne prochain? C'est très improbable, au regard des forces en présence. Là où Call of Duty pèse chaque année environ 20 millions d'exemplaires écoulés, EA cherche laborieusement le déclic de la dizaine, et a un gouffre à combler. Bad Company 2 s'en est bien sorti au premier semestre 2010 (7 millions en cumul), mais c'est encore trop peu en comparaison du rouleau compresseur Black Ops, lancé quelques mois plus tard. On ne parlera même pas de Medal of Honor, qui n'avait aucune chance avant même sa sortie. 

 

BF3

Battlefield 3 et son Frostbite 2, un concurrent de poids pour Call of Duty

 

Si BF3 ne saurait prétendre à une position de leadership dès cette année, tous les ingrédients sont réunis pour qu'EA place la barre encore plus haut, vraisemblablement au-delà des 10 millions d'exemplaires. Une qualité (supposée) au rendez-vous, une campagne marketing que l'on devine colossale, un timing de sortie approprié (Battlefield 3 devrait sortir quelques semaines, voire quelques jours avant son concurrent, de manière à lui couper l'herbe sous le pied), et une dynamique positive pour la série...

 

COD, leader sous pression

En face, Call of Duty fait figure de grand favori. Les ventes de la licence sont au beau fixe et l'arc Modern Warfare est très apprécié des fans, qui attendent une conclusion en forme d'apothéose. Pourtant, tout ne sera peut-être pas aussi simple qu'il n'y paraît. Outre Battlefield 3, le nouvel épisode de COD va devoir faire face à une concurrence dantesque au cours de la période octobre/novembre. Même s'ils ne jouent pas sur le même marché, on pense bien sûr à Arkham City, Skyrim et Uncharted 3, sans compter un potentiel remake de Halo venant célébrer les dix ans de la saga.

En outre, on ne peut s'empêcher de penser qu'Activision Blizzard, et sa politique d'annualisation réglée comme du papier à musique, tire trop sur la corde depuis quelques temps. Le risque de lassitude existe bel et bien, et les fidèles d'une licence n'en sont pas pour autant aveugles. Il suffit d'ailleurs d'observer les réactions des joueurs sur les forums pour se rendre compte que l'enthousiasme entourant MW3 n'est pas aussi vif qu'au moment de l'annonce du deuxième épisode en 2009. Et sur un strict plan vidéoludique, les fans pardonneront-ils éternellement à Activision de recycler le même moteur et les mêmes routines de jeu depuis le quatrième épisode en 2007?

Tout annonce par conséquent une bataille plus indécise que par le passé, et dont l'issue devrait annoncer la couleur des années futures. Celle d'un Call of Duty plus que jamais archi-dominateur et hégémonique, ou bien d'un Call of Duty potentiellement sur le déclin, vulnérable aux assauts répétés de ses rivaux. Ce sera à nous d'en décider.