Voilà une question bien large pour un loisir (médium ?) qui, bien que
relativement récent à l'échelle de l'histoire des sociétés humaines, représente
aujourd'hui plusieurs dizaines de milliards de dollars de revenu global. Aussi
nous ne prétendrons pas apporter une réponse universelle à cette réflexion dans
les lignes qui suivent, mais plutôt soulever quelques pistes de réflexion pour
nous permettre de mieux cibler ce phénomène, à défaut d'en comprendre tous les
aboutissements. Pour définir les raisons du succès de certains jeux vidéo, revenons
déjà à la définition même d'un jeu. On peut définir le jeu comme une activité
de loisir, d'ordre physique ou bien psychique, soumise à des règles
conventionnelles. Le jeu permet de se divertir, de tirer du plaisir et de
l'amusement. Il est nécessaire de préciser que lorsque l'on parle de succès, il
faut distinguer deux choses : d'une part le succès commercial, de l'autre le
succès critique du jeu. Et il arrive très fréquemment que les deux n'aillent
pas de concert ! Si la réalisation technique n'est pas à négliger, des titres
sans prétention s'imposent régulièrement comme références pour les productions
à venir. Comment alors dire d'un titre qu'il est un « bon jeu »? 

 

  

 

Commençons par les critères qui font d'un jeu une réussite auprès du
public. La considération première, bien que purement mercantile, reste la
publicité, la communication faite autour du jeu : il faut savoir s'adresser au
bon public, avec les bons arguments. Ainsi, un jeu comme Wii Party sera destiné
(en priorité) au cercle de la famille/des amis, et ne sera pas vendu comme un
titre pour ceux que l'on nomme hardcore gamers, bien que rien n'empêche ces
derniers de prendre du plaisir sur des jeux conçus pour les casual gamers. Rien
de péjoratif là-dedans, les deux niches existent et sont légitimes, surtout
depuis l'apparition de nouveaux contrôleurs de jeu.

Pour comprendre le succès d'un jeu vidéo, le plus simple serait de
regarder les ventes d'aujourd'hui pour établir le profil type des jeux les
mieux vendus. Sans surprise, c'est Nintendo qui domine le marché avec des
ventes hallucinantes. Nous ne nous intéresserons pas à Wii Sports puisque vendu
de base avec la console de Nintendo. En revanche, des jeux comme Mario Kart Wii ou encore New Super Mario Bros Wii atteignent et dépassent pour
certains de loin les 20 millions d'exemplaires vendus, là où des titres sur
XBOX360, PS3 ou PC peinent à atteindre la barre des 15 millions (source
VGChartz). Pourquoi Nintendo réussit là où de nombreux développeurs échouent,
parfois lamentablement ?

La réponse se trouve dans le contenu de leurs jeux. Nintendo a en
effet largement démocratisé le jeu vidéo ces dernières années notamment avec la
Nintendo DS et la Wii auprès de tous les publics. D'abord « réservés » aux
mecs, les jeux vidéo ont commencé à envahir le territoire féminin avec Les Simsde Will Wright. Les jeux vidéo ont en plus eu tendance à devenir un peu
élitistes bloquant l'accès parfois aux néophytes. Nintendo, principalement grâce
au talent et à la philosophie de feu Gunpei Yokoi, a su faire du neuf avec du
vieux et est arrivé avec un concept révolutionnaire sur chacune de ses
consoles. Pour la Nintendo DS, un simple stylet remplace toutes les actions
possibles et inimaginables présentes sur les anciens Gameboys. Et avec la Wii,
Nintendo se lance dans la reconnaissance de mouvement grâce à la Wiimote. Ces
deux systèmes permettent entre autre une simplicité étonnante dans les gameplay
et dans les règles de jeu. Moins de boutons, utilisation intuitive, tout le
monde est capable de maîtriser l'engin en quelques minutes, et de prendre du
plaisir instantanément, sans passer par une phase d'apprentissage ou de
tutoriel laborieuse et décourageante. Les mécaniques de jeu, suivent la même
règle : une prise en main simple et intuitive (Super Mario Bros) sera en
général plus appréciée qu'un gameplay nécessitant de connaître par coeur des
dizaines de commandes au timing impeccable (Devil May Cry).

Ces deux consoles ont également attisé la curiosité des gens pour les
technologies nouvelles, d'où leur succès fulgurant. Cette
simplicité a tendance à arriver désormais sur iPhone, Apple devenant le nouvel
adversaire de bigN. Attention cependant, tous les jeux Wii ne sont pas pour
autant des succès commerciaux. Des jeux comme Madworld et No More Heroes n'ont
pas trouvé leur public, bien qu'étant deux très bons jeux. Le succès commercial
d'un jeu peut également se faire, de la même manière qu'au cinéma, sur le
simple nom de la licence utilisée. Le dernier opus d'un Call of Duty est
attendu avec impatience par des hordes de fans en délire, et les stocks sont
épuisés en quelques heures à peine. Il s'est trouvé que le jeu en lui-même ne
manquait pas de qualités, mais il aurait pu être mauvais qu'il ne s'en serait
pas moins écoulé des millions d'exemplaires. C'est ce qu'on appelle une valeur
sûre!

Depuis le début de l'ère vidéo-ludique, ce sont les jeux les plus
simples qui ont souvent connu le plus grand succès commercial. Space Invaders,Pac Man, Tetris en sont les plus grands représentants. Tous les jeux de musique
comme Guitar Hero ont passionné également pour leur côté simpliste et immersif.
Enfin, la plupart des jeux rencontrant un succès commercial sont également,
comme la plupart des jeux déjà cités, conviviaux.

 

  

 

Le résultat est différent quand on parle de succès
critique. Chaque genre de jeux a ses particularités et donc une approche
critique différente. Le plus important dans tous les cas reste le plaisir de
jeu. Si on demande aux joueurs leurs jeux préférés, la plupart du temps, ce
sont les histoires passionnantes, les gameplays innovants, ou encore les
sentiments ressentis qui touchent les joueurs. Ce n'est plus l'aspect simpliste
d'un jeu qui définit sa qualité mais l'expérience vécue par le joueur, et cette
expérience vient d'abord de l'ergonomie du jeu. Dans le cadre d'un jeu,
l'objectif est avant tout de distraire (exception faite des produits ludo-éducatifs),
la nature de la tâche s'inscrit donc dans l'optique d'une recherche du plaisir.
Cette particularité est primordiale et va conditionner l'approche de la
conception du jeu vidéo. Car pour satisfaire le joueur, il faut avant tout lui
proposer une expérience digeste et agréable à parcourir. C'est ici que rentre
la notion d'ergonomie : le joueur ne doit par rencontrer d'obstacles
d'utilisation autres que ceux dictés par le cœur même du jeu (le gameplay). En
amont de la programmation, et pendant toute la durée de celle-ci, les
concepteurs d'un jeu vidéo se doivent donc de constamment penser à cette notion
(interface, interactivité).

Un second élément fondamental du plaisir de jouer est la gratification
obtenue en jouant. En d'autre termes, le rapport entre efforts fournis par le
joueur et récompenses doit être suffisamment équilibré pour pousser le joueur à
aller toujours plus loin sans le lasser ni le décourager. C'est ce qu'on
appelle la courbe de progression. Dans un jeu d'aventure comme Zelda, cela se
traduira par l'obtention d'une arme plus puissante après la défaite d'un boss
ou la résolution d'une énigme. Certains titres proposent de façon plus basique
un système de High Scores vieux comme les jeux vidéo, qui vous procure le
plaisir intense d'être meilleur que les autres. Primaire, mais jouissif !

Il ne faut pas non plus négliger l'attrait de la nouveauté. Réutiliser
les vieilles recettes, c'est bien, mais il faut également savoir proposer des
univers nouveaux (Beyond Good and Evil, Ubisoft), un gameplay novateur (Braid,
Number None Inc) ou un concept inédit (le récent Minecraft, développé par
Markus « Notch » Persson). L'originalité est et restera un critère à
prendre en considération pour satisfaire les joueurs et les joueuses de tous
les horizons, qu'ils soient casual ou hardcore gamers.

Enfin, une chose que nous considérons comme centrale dans le plaisir de jouer
est l'immersion. Bien sûr, c'est plus évident sur un jeu de rôle que pour de la
course, mais le principe reste le même : il faut croire à ce que l'on fait. Le
joueur doit se sentir concerné par les actions de son avatar. Cette immersion
passe notamment par les mécaniques de jeu proposées : Mirror's Edge (DICE), par
exemple, projette le joueur directement dans la peau de son personnage via une
vue subjective qui retranscrit avec précision les mouvements du corps sur la
vision, faisant apparaître les bras et les jambes de l'avatar pendant un saut
ou une glissade.

La qualité de la narration et l'univers du jeu sont également un point
fondamental de cette immersion. Que serait la saga des Final Fantasy(SquareSoft, Square Enix) sans ses somptueuses cinématiques? Que seraientKnights of the Old Republic ou Dragon Age (Bioware) sans leurs univers, leurs
intrigues? Silent Hill 2 (Konami) sans sa galerie de personnages tous plus
dérangés les uns que les autres ? On tremble avec son personnage, on a peur, on
rit, on rage. 

 

  

 

Le succès d'un jeu vidéo passe donc par plusieurs points : sa
jouabilité, sa simplicité mais aussi pour ses histoires attrayantes, son
immersion, son ressenti. Un jeu peut connaître aussi bien un succès commercial
qu'un succès critique. Les avancées technologiques et techniques ont permis
d'innover et de développer de nombreuses formes de jeux vidéo. Pour certains,
le jeu sera plus intéressant si il est convivial alors qu'un autre joueur ira
chercher une histoire le transportant loin de son quotidien. En réalité, ce
n'est pas tant le succès critique ou commercial d'un jeu qui importe mais bel
et bien qu'il nous divertisse. En même temps, c'est aussi un peu son but
premier.

 

 

Tétris / Garrett / K.W