Encore une petite heure à supporter ce cours de maths, et je pourrais de nouveau y toucher. Une heure à crayonner dans la marge de ma feuille quadrillée et, enfin, je mettrai de nouveau la patte à la manette pour m'y replonger. Nous sommes le 26 novembre 2001, et j'en frémis déjà rien qu'à y penser. La grande aiguille ne bouge pas - ou si peu -, et décidément ces opérations inscrites à la craie sur le tableau noir n'arriveront jamais à me passionner... Je meurs d'ennuie. Je meurs d'envie. Car la flamme est bel et bien présente en moi mais, au grand dam de mon professeur, ce n'est pas pour l'arithmétique qu'elle brûle mais pour une chose bien plus prosaïque. A cet instant la chose c'est l'histoire d'un homme, James Sunderland, qui brave le brouillard de Silent Hill pour retrouver sa défunte femme. Un peu plus tard ce sera au côté d'un jeune homme muet et d'un étrange animal roux loquace, ou encore au volant de superbes bolides, que je vivrai ma passion dans des univers complètement différent. Cette passion dévorante c'est bien évidemment le jeu vidéo, et si à onze ans je n'y voyais qu'un simple divertissement parmi d'autre, il est pour moi bien plus aujourd'hui et nos rapports ont bien changés... 

 

« Jeu vidéo ». Voilà un terme qui annonce la couleur semble-t-il. Ce qui s'offre à nous est donc un loisir numérique, un produit voué au seul divertissement. Pourtant est-ce là la meilleure définition de ce média ? S'il est vrai que la majeure partie des jeux vidéo n'ont pas d'autre vocation que divertir le chaland, c'est aussi le cas du cinéma, du théâtre, ou même de tout un pan de la littérature. Pour autant, ces œuvres peuvent aller au-delà du simple divertissement ; n'est-ce pas Jean de La Fontaine qui disait qu'il faut savoir plaire pour instruire ? Sans me lancer dans ce débat, je note toutefois que le terme actuel usité pour ce medium est bancal. Néanmoins, à défaut d'un autre, c'est ce dernier que j'utiliserai.

Le jeu vidéo donc. Que ce soit à onze, à vingt ou quatre-vingt ans, le jeu vidéo c'est alors avant tout un jouet. On le tourne dans tous les sens, on y découvre ses secrets et on prend du plaisir avec lui. Ceci qu'il s'agisse d'une rixe entre amis ou bien d'une expérience plus personnelle. Dans ce dernier cas, un jeu c'est aussi l'occasion de vivre une aventure. Parfois triste, de temps à autre loufoque, souvent  initiatique, cette histoire est donc le second intérêt d'un jeu vidéo. Un aspect qui a son importance, mais qui passe après le potentiel de fun du jeu. Des règles de jeu, une histoire, un univers unique dessiné  pour servir l'aventure, une pincée de musique, et parfois même un soupçon de séquences filmique, voilà les ingrédients du jeu vidéo. Loin de moi l'idée de faire un essai de définition du bonhomme; si j'expose ici ses principaux attraits c'est avant tout pour expliquer ce qui en fait un medium si unique. Car en potentiel, le jeu vidéo est un patchwork de tous les arts.

D'abord jouet, il est ensuite devenu un moyen d'expression artistique et, à titre personnel, un projet de carrière. Si j'aime à divaguer sur le jeu vidéo et sur les rapports que j'entretiens avec lui c'est parce que, en cet humide automne 2010, je n'ai pu qu'assister une fois de plus, impuissant, à la malédiction de la pile de jeux à terminer. Cette fameuse pile des derniers jeux que vous vous êtes procuré ou fait prêtés dans l'espoir d'y toucher rapidement, mais qui ne fait que grossir au fur et à mesure des nouvelles sorties et de votre quantité de travail...

 

Vous vous souvenez du petit garçon qui trépigne d'impatience à l'idée d'aller jouer à Silent Hill 2 ? Oui ? Très bien, je ne vous ai pas encore perdu au milieu de mes digressions. Ce gaillard là a tout le loisir de jouer aux jeux en sa possession lorsqu'il a finit ses exercices de français, et le phénomène de la « to-do list » lui est inconnu. Cela est du à deux choses : tout d'abord, comme tout gamin, il a plein de temps libre après les cours et, quand il ne traîne pas avec ses amies, il a tout le loisir de s'affaler sur son canapé. La seconde raison est beaucoup plus triviale : avec son argent de poche il ne peut s'offrir que peu de jeux, ce qui lui laisse forcement plus de temps pour les parcourir. Qui n'a jamais lorgné sur le hit de la console qui n'est pas en votre possession et squatté des heures durant chez son pote - le bourge qui a droit à tout les jeux ? Ce que l'enfant gameurZ doit faire de compromis par soucis budgétaire, l'adulte le fait naturellement de par l'agencement de son emploi du temps. Naturellement ? Pas si sûr. Car même s'il sait ne pas pouvoir y jouer de suite car il doit finir de rédiger un dossier sur les bohémiennes au XVIIème siècle, comment ne pas craquer sur la dernière promo Steam qui casse les prix ou encore les nouveautés vendues pour une somme très raisonnable chez les revendeurs d'outre-manche ? Hein, comment ?

Ça tombe bien qu'on en arrive aux promos Steam, car j'avais justement envie de glisser quelques mots à ce sujet. Ouai c'est mon texte et j'y fous le bordel que je veux par la malepeste ! Vous n'êtes pas sans savoir que la dématérialisation est un sujet qui porte à controverse. Quand on regarde des plateformes comme GOG, DotEmu ou même le bébé de Valve, difficile de ne pas y trouver son compte. Certes les jeux y sont parfois plus chers que sur le marché de l'occasion pour les deux premières plateformes, mais au moins on sait à quoi s'attendre et on ne se fait pas léser, avec des jeux distribués sans DRM, et avec divers petits à-côtés (BO, artwork,etc.). Si tous pratiquent des offres spéciales, le roi en la matière est indéniablement Steam qui nous vaporise régulièrement de jeux et de packs à prix cassé. Ce qui n'aide évidemment pas le joueur à savoir raison garder... Les piles de jeux à finir se confondant dorénavant avec les listes de nos médiathèques numériques.

Décembre. Il fait froid mais le monde tourne toujours. Le monde tourne toujours mais il fait froid. Depuis quelques jours déjà une foule de joueurs, d'internautes ou/et de journalistes s'activent pour débattre à propos du dernier jeu de Polyphony Digital, Gran Turismo 5, unanimement qualifié d'arlésienne parmi les arlésiennes (vous savez ces jeux qui sortent tous depuis peu, d'Alan Wake à Duke Nukem Forever). Quelle bonne idée que de dépoussiérer ma manette, que dis-je, de déballer mon volant, pour tâter un petit peu de cette fameuse simulation. C'est qu'avec tout ce qui a pu être relayé par les divers flux d'informations et les avis de tout-un-chacun depuis quelques années, on ne sait plus où donner de la tête. Si je crois déjà presque tout connaitre du titre, les débats fougueux sur sa qualité intrinsèque, et surtout sur son rendu final par rapport à son temps de développement - et  l'attente proportionnelle des joueurs - ont de quoi semer le doute. Qu'à cela ne tienne, c'est une fois le jeu en mains que je me forgerai mon propre avis.

Voilà. Le jeu est installé sur ma console, mon volant est fixé, et cela fait maintenant plus de dix heures que je conduit aussi bien des dodoches que des Audi. Dix heures. Ma foi ce jeu est doté d'une « durée de vie » (c'est fou ce que j'exècre ce terme) tout à fait honorable. Un petit détail me titille tout de même : je n'ai pas le souvenir d'avoir vu le jeu démarrer...  A vrai dire, maintenant que j'y pense, je n'ai même que passé quelques permis, fait des épreuves par-ci par-là, et découvert la myriade de modes de jeu proposés. Un constat s'impose : ce jeu est un gouffre. Le plaisir de jeu est indéniable, et Gran Turismo 5 est un excellent titre, mais je n'en verrais probablement pas le bout avant... Forza 4 ?

 

Le cas de Gran Turismo 5 est un exemple récent qui illustre à merveille tout  un pan du jeu vidéo : les jeux chronophages. Car quiconque désire parcourir à fond un jeu de ce type n'aura probablement pas d'autre choix que de mettre ses autres loisirs de côté. Je m'explique : connaissez-vous beaucoup de personnes jouant à la fois à haut niveau à un MMORPG et à tous les derniers FPS du moment ? Jouant assidument à FIFA / PES et aux derniers RPG en date ? Probablement pas ; et pour cause : le temps nous manque ! Mon grand malheur est d'apprécier cette pluralité de genre que nous offre le jeu vidéo, et je ne m'en priverai pour rien au monde (non, même pas pour un Giga pudding). Adieu WoW, TF, Aion !

 

En décembre froid,

Si la neige abonde,

En une année féconde,

Le laboureur a foi.

Si ce vieux proverbe s'adresse initialement à nos amis du terroir, il me semble aussi convenir parfaitement à ces dernières années pour le calendrier des sorties videoludiques. Car si la mère nature nous gâte, le Dieu Bacchus ne chôme pas non plus et l'avalanche des gros titres de noël se prolonge désormais jusqu'au printemps suivant. Cet état de fait - plutôt positif d'ailleurs - découle aussi d'un niveau de production général plus élevé au niveau de l'industrie, tant en terme de quantité que de qualités. Les gameurZ ne s'en plaindront pas ; nos banquiers et secrétaires si. Alors, amis joueurs, il ne nous reste plus qu'à espérer que le proverbe qui suit soit bien fondé :

Année gelée,

Année de blé.

 

Alors oui je le dit : j'ai 20 ans et je lorgne déjà du côté de Peter Pan. Ou est donc passé le petit garçon qui n'avait d'autres soucis que d'acheter le dernier magazine de jeux vidéo en kiosque et de finir à 100% tous ses jeux ? Pas d'inquiétude il est toujours là et, s'il se fait plus discret, la lumière qui brille dans mes yeux lorsque je découvre la fraîcheur d'un jeu novateur ne laisse aucun doute quand à sa présence. Dans ce médium comme dans tous les autres, l'amour est souvent plus fort que la raison et nous fait faire des choix pas toujours opportuns.  La solution serait peut-être tout simplement de se raisonner et de faire l'impasse sur certains jeux. Oui mais quand même ce Vanquish, il a l'air très classique, mais aussi vraiment jouissif. Puis il ne coute pas très cher ; allez je trouverai bien le temps de le faire...

 

Tétris