Le retrogaming est un phénomène en plein essor depuis quelques années. Alors que les jeunes d'aujourd'hui ne jurent que par les dernières machines de jeu sur le commerce, bavent sur les rumeurs des prochaines innovations et la course à la technologie, il existe une contre-culture constitué de GameurZ mélancoliques. Des retrogameurZ collectionneurs avec leurs piles de vieilles cartouches et consoles aux curieux qui décident d'aller tâter du pixel par le biais d'émulateurs, des publications dédiées à l'histoire de cette culture, notre culture, aux associations désireuses de lui donner ses lettres de noblesses et de préserver son patrimoine jusqu'aux récents demakes et jeux 8 bits en haute définition (jamais les pixels n'ont été si bichonnés), le jeu vidéo est décidément un média qui se porte bien, merci. Logique donc, après plus de 40 ans d'existence, que certains désirent porter leur regard sur le passé. Un regard qui se veut neutre et définitivement objectif comme le souligne les éditions Pix'n Love dans leur ligne éditoriale. Pourquoi ce revival comme dirais les jeunes (dur dur d'être un vieux con avant l'âge) ? Comment, combien, où, quand, quel high score ? Nous allons tenter de répondre à toutes ces questions (ou presque) dans les lignes qui suivent.

2010. Année des records. Le Guinness book incorpore Call of Duty : Modern Warfare 2 pour le lancement le plus réussi de tous les temps de l'industrie du divertissement, jamais les sorties de titres AAA (comprenez à gros budget) ne se sont autant suivies, les DLC deviennent monnaie courante, et plus que jamais la mode est au « tout connecté » avec le multijoueur en ligne, les systèmes de récompenses, etc. Tandis que ce média devient plus important que jamais et que les joueurs actuels accumulent jeux téléchargés via Steam & cie sur leurs disques durs, certains GameurZ aiment à regarder derrière eux et retournent vers leur premier amour.
 
Les vrais, eux, ressortent leurs consoles de leur placard. Ils les dépoussièrent, les caressent et les branchent. Doucement, elles s'ouvrent à eux, tandis qu'ils introduisent leur cartouche en elles. Alors que les gros pixels se mettent à bouger sur l'écran cathodique, des larmes coulent le long des joues de leur papa. Des larmes? Oui, les retrogameurZ sont de grosses madeleines! Nostalgie quand tu nous tiens... Bruce pleure quand il rejoue à Goldeneye, Tétris se touche devant Earthworm Jim, K.W bave devant Rayman, ou encore Le Pen s'exulte devant Custer's Revenge (à défaut de ne pas pouvoir jouer à Killzone 3 en relief). Rien ne vaut le contact de la manette NES anguleuse à vous faire saigner, de l'Atari 2600 et son joystick à bien prendre en main ou encore l'enchevêtrement de vos câbles couchés sous votre télé bombée. Mais s'il est cœur d'artichaut et joueur passéiste le retrogameurZ n'est pas pour autant sectaire, et il ne saurait cracher sur toutes les options qui s'offrent à lui. Le rétro est donc partout, et c'est tant mieux.

* Si dans ces quelques lignes certaines remarques vous ont semblées décalées, il serait temps pour vous de consulter un psy.*

Comme dirait un grand philosophe : « Le plastique et les soudures c'est bien, mais ce sont les jeux qui importent». En effet, bien qu'attachés aux consoles d'antan, cela n'empêche pas le retrogameurZ de recourir à de vils procédés, parfois illégaux : les émulateurs. Logiciels permettant de jouer à certaines consoles sur ordinateur et de redécouvrir l'univers pixellisé des prémices du jeu vidéo, les émulateurs ont comblés plus d'un joueur. Qu'il s'agisse d'un fainéant qui ne souhaite pas rebrancher sa Master System pour jouer à Shinobi, ou d'un gaillard frauduleux voulant tester un jeu qu'il ne possède pas (comportement dangereux à ne pas reproduire chez vous), les émulateurs sont définitivement la solution de facilité, et leur succès s'en est ressenti.

Mais l'émulation ne se fait pas que sur PC, et les éditeurs ont vite senti que le filon du retrogaming allait devenir une bonne source de revenus. Les retrogameurZ sont effectivement de bonnes poires, c'est pourquoi les différentes consoles récentes ont vu émerger sur leur plate-forme de téléchargement des jeux rétro. Le phénomène s'étend même à tous les appareils high-tech, de votre mobile à votre tablette tactile (pour ne pas citer de marque).

 
La dématérialisation aidant, le phénomène du retrogaming est devenu quasiment universel, amenant même des joueurs conventionnels à s'intéresser de plus près à cette culture. Après tout qui n'a jamais joué à Tétris ? D'une part la fibre nostalgique est en chacun de nous et d'autre part le retrogaming n'est pas qu'une affaire de mélancolie : les titres aux qualités ludiques exemplaires ne prennent pas de rides avec l'âge et ne perdent en rien de leur superbe.

Artifice de ce marché légitimant une partie des contenus dématérialisés et destiné à appâter le vieux briscard pour lui revendre des jeux déjà programmés, la tendance actuelle de ressortir tel quel (ou avec une simple mise à jour en « 'achdé ») a de quoi faire grincer les dents. Seul un petit nombre de jeux rétro bénéficient d'une réelle retouche graphique comme ce fut le cas pour Monkey Island.

Des sites comme GOG.com cay le bien proposent également de télécharger à petit prix de vieux jeux chiadés. D'où son nom Good Old Games ; le site est évidemment légal et reconnu : mangez-en !

L'amour pour le rétro est tel que paraissent régulièrement des compilations (Sega Megadrive Collection, Capcom Classics Collection, Taito Legends, etc.) et remakes de jeux de légende. Quelle joie de voir les consoles actuelles prendre en affection les jeux d'antan. Des bijoux de technologie au service de titres archaïques ! Certains jeux vont même jusqu'à insérer d'autres titres dans leur univers. C'est le cas par exemple de GTA où il est possible de jouer sur une borne d'arcade à différents jeux rétro, voire , à plus grande échelle, du dernier service de jeux d'arcade de Microsoft : la Games Room.

Plus vivace que jamais, le rétro arrive jusque dans les dernières productions, les développeurs continuant de faire des jeux 8 bits. C'est pourquoi des titres comme Dark Void ou les derniers Megaman rendent hommage aux productions à la difficulté gargantuesque et au gameplay aussi millimétré que punitif. Il en est de même pour Scott Pilgrim VS the World reprenant le principe des beat'em all à la sauce Double Dragon. Ces jeux au style impérissable surfent sur la vague retrogaming, reprenant ironiquement le concept pour se l'approprier ; et ce n'est pas Jean-Pierre Bonnard qui nous contredira !

Autre tendance s'étant développée, le demake, ou la volonté d'adapter les jeux actuels sur des consoles antérieures. S'il s'agit la plupart du temps de simples captures d'écran, certains demakes sont jouables. De Bioshock à Ico, en passant par Team Fortress 2 et autres Left 4 Dead, le défi créatif est d'autant plus stimulant qu'il s'agit de conserver l'essence même du jeu pour la retranscrire avec une technologie moindre.

 
On l'aura compris, le pixel est aimé, que ce soit par des artistes (Eboy, Patrick Jean, etc.) ou tout ce qui touche de près ou de loin à la culture geek avec son lot de produits dérivés (t-shirt de super heros, space invader, nike air, casio g shock, etc.). Le pixel ne connaîtra pas la faim ! Des passionnés ont même décidé de crier leur amour pour ce média et son histoire à travers diverses publications. Pix'n Love en a d'ailleurs fait une maison d'édition entièrement dédié (nous aurons l'occasion de vous reparler de ces joyeux lurons dans une future chronique). Retrogame Mag, Revival, la presse spécialisée ne manque pas à l'appel des joueurs et tout curieux désireux d'enrichir son savoir a aujourd'hui un endroit vers lequel se tourner.
Il serait aussi dommage d'omettre de mentionner la communauté internet qui elle aussi, à travers pléthore de forums et de sites consacrés aux pixels fait la part belle aux retrogaming. Mister Game Price, Grospixels ou Obsolete Tears en sont quelques-uns des plus réputés; parallèlement aux supports comme youtube, dailymotion & cie où les tests/superplay/cinématique/walkthrough de jeux affluent.

 Enfin, le phénomène se propageant plus rapidement qu'un virus avec la prise de conscience d'aimer un média encore trop souvent considéré comme une sous-culture, des associations veulent aujourd'hui préserver ce patrimoine et redorer le blason du jeu vidéo en amenant le public à le découvrir d'une manière originale et interactive. MO5, une de ces assoc' composée de bénévoles, œuvre régulièrement pour mettre en place des expositions. Museogames, la dernière en date que vous pouvez encore découvrir jusqu'au 7 Novembre prochain au Musée des Arts et Métiers à Paris, retrace en grandes lignes 40 ans d'histoire des loisirs numériques. Leur projet à moyen terme étant de créer, avec le support de notre ministre de la culture et des communications Frédéric Mitterrand, le Musée National des Jeux Vidéo.

Ils sont quand même étranges ces retrogameurZ à regarder en arrière alors que l'avenir vidéoludique s'ouvre devant eux. Ils me rappellent Georges. Idéologiquement. Mais en fait, si on y réfléchit bien, les fondations sont nécessaires pour évoluer. Qui sont-ils en réalité? Peut-être pas tant de vulgaires réfractaires au progrès que des hommes avides de savoir. Comme l'ont prouvés les récentes démarches, le retour aux sources a également permis d'insuffler une réflexion supplémentaire, tel le MacGruber du jeu vidéo! Ou pas.

Tétris / K.W
 Merci aux Editions Pix'n Love pour les précieuses informations qu'ils nous ont apportées !