Dernier post avant le départ au Japon dimanche. Eh, si ça se trouve, je serais déjà dans l'avion quand vous lirez ceci. Bref, voici l'anecdote du temple promis plus tôt. Ça se passe en 2007, alors qu'on avait décidé d'aller un peu de temps dans le coin le plus paumé qu'on pouvait trouver...

Le temple de la douleur

Le temple de Kinkasan est en fait assez connu. Il est réputé être « efficace » pour les prières sur la fortune (faut juste leur rendre visite trois années de suite, ce qui explique que je sois toujours pauvre), et cette petite île accueille aussi un événement spécial, durant lequel les daims qui traînent dans le coin se font raboter les cornes, où un truc comme ça. Mais de toute façon, on est hors saison, et on débarque sur les lieux radicalement seuls. Il a bien fallu un long trajet en bus et en bateau, et on se retrouve vraiment nulle part (et c'est joli). On montera au sommet de la montagne, quelques jours à peine après l'épisode Miyajima, c'est dire c'est on est peu idiot sur les bords (bien crevé encore, mais ça valait le coup).

Quand vous choisissez d'aller à Kinkasan, c'est pour le temple. Il n'y a rien d'autre à faire, et le logement est très spartiate : c'est l'auberge du temple, levé 6h, ce genre de chose. Et donc, la messe. Oh ce n'est pas obligé, mais histoire de voir comment ça se passe... On ne peut pas dire que je sois très religieux. Je préférerai casser la croûte avec Dawkins que Desmond Tutu, comme dirait Tim Minchin. Je ne sais même pas si le temple est bouddhiste, ou shintoïste. Apparemment, il a connu plusieurs périodes. Mais la curiosité...

Ce matin là, nous nous dirigeons donc vers le temple au saut du lit et nous payons pour diverses prières, la procédure habituelle. Et puis la cérémonie commence. Nous sommes seuls dans la salle devant le prêtre et ses aides. Nous nous agenouillons dans la position tout à fait classique au Japon. Là, il faut bien comprendre que personnellement, je suis aussi souple qu'un bloc de béton armé congelé, donc à peu près 2,415 secondes sont nécessaires pour commencer à avoir mal aux jambes. Et bien entendu, ça ne va pas s'améliorer.

Je ne me souviens plus exactement combien de temps la messe a duré, mais pour moi, ça se comptait en éternité. Une éternité d'éternités. La douleur était persistante, mais par respect, je n'ai pas cherché à bouger. Sans être catholique, j'ai quand même des valeurs assez judéo-chrétiennes, comme pas mal d'Occidentaux, alors je pensais que cela serait un bel échange culturel : lui, priant pour ma richesse et secouant des bidules en ferraille dorée au dessus de ma tête pour attirer la bonne fortune, et moi, souffrant en silence tel le christ sur sa croix, prêt à tendre l'autre joue. N'empêche, ça ne s'est pas avéré facile, je me suis senti vachement pieux.

La cérémonie s'est presque terminée, ma femme m'a soufflé « il faut se lever », j'ai répondu « je ne peux pas ».

Je ne pouvais pas.

Me jambes étaient mortes et j'étais paralysé au sol. Et j'ai donc dû me tortiller pour réussir à me lever. Cela a pris un certain temps, durant lequel le prêtre et ses deux jolies aides ont bien rigolé. Heureusement qu'on était seuls !

Ça fait un mois que j'essaye de me convaincre de faire des exercices d'assouplissement avant de retourner au Japon, mais je n'ai rien fait. Je sens que je vais encore le payer cher.