J'écris ce texte en réaction à cette brêve : https://www.gameblog.fr/news/28004-presidentielle-2012-cheminade-interdire-les-jeux-video-viole

En cette période pré-électorale où un quarteron de politiciens se tirent la boure pour la place de 1er magistrat du pays, les gros micros mous des journalistes poussent comme des champignons après la pluie. Tous ces Méchants Cons et autre Ducon Gnangnan jouent à celui qui sortira la plus grosse connerie. De l'un qui veux taxer "les riches" à 75% à l'autre qui veux taxer les "exilés fiscaux", en passant par celui qui veux taxer un peu tout le monde, on a droit à un festival, un véritable feu d'artifice !

Bien sûr, entre autre stupidité réthorique, on a la méthode ô combien éprouvé mais ô combien efficace du bouc emmissaire. Il s'agit, en gros, de désigner à la vindicte populaire une classe sociale minoritaire et de l'accuser des fautes de celui qui les accusent. Mais oui, si tout va mal dans ce pays, c'est la faute des méchants arabes / juifs / spéculateurs / banquiers / étrangers / libéraux / américains / capitalistes / patrons (rayer les mentions inutiles). Dans le cas qui nous occupe, ce sont les vilains jeux vidéo qui sont la cause des maux de notre société.

Nous ne parlerons pas cette brave ingénue de Laure Manaudou, ses déclarations n'engagent qu'elle seule. Après tout, écrire des idioties n'est pas illégal, heureusement.

Dans le cas de Jacques Cheminade, les choses sont un peu plus complexe. En effet, le bonhomme se destine à la plus haute magistrature de notre pays et, contrairement à Manaudou, pourra parfaitement utiliser toute la machinerie coercitive de l'Etat pour imposer à la population ses (coûteuses) lubies.

Que disait-il ? Que les jeux vidéo violents doivent être interdit et que tout ceux n'ayant pas de contenu pédagogique doivent être surtaxé (encore une taxe, quelle imagination). Et le cuistre de récidiver : "Très souvent, ces meurtres de masse sont associés au jeux vidéo violents" disait-il à propos des tueries de Montauban et de Toulouse*.

On s'interroge tout d'abord sur l'expression contenu pédagogique. Les jeux vidéo, ne seraient-ils destinés uniquement aux enfants ? C'est ce que, contre toute évidence, semble croire M. Cheminade, du moins, c'est sous-jacent dans ses propos. Et que doit apprendre dans les jeux vidéo, au juste ? Fallout 3 est jeu pédagogique puisqu'il nous apprend que le gouvernement est profondement immoral (tuer les sbires de l'Enclave rapporte du karma positif). Mais je ne crois pas que ce soit le genre d'idée que M. Cheminade souhaite voir enseigner aux "enfants".

En ce qui concerne le sujet de la violence, on usera de bon sens en rappelant 1) que l'humanité n'a pas attendu Counter Strike pour se foutre sur la gueule et 2) l'antique notion de Catharsis**

Mais admettons un instant les prémisses philosophique de notre pipologue : les jeux vidéo violents génèrent des comportements violents. Il convient donc de les interdire. Mais sur quelle base ? À partir de quand un jeu vidéo est violent ? Où se situe la limite ? Quelle définition donner de la violence ? Citons quelques exemples. Mortal Kombat, est-il violent ? Et Civilization ? Silent Hill ? Track'n Field ? Chacun de ces jeux peuvent l'être de différentes manières. Convient-il de les interdire tous ? Ou seulement la violence graphique ? L'aspect réaliste ou la quantité de sang à l'écran ? Ou, dans le cas de Track'n Field, le comportement des joueurs ?

En réalité, certaines études iraient dans le sens inverse des déclaration de notre futur-ex-candidat. Ainsi, une étude australienne conclut que la violence videoludique n'affecte que les enfants prédisposés à la violence. Une étude allemande affirme que les enfants violents jouent plus souvent à des jeux violents et non l'inverse. Une étude des services secrets américains nous apprend que 12% des ados impliqués dans une fusillade jouent à des jeux vidéo violents quand 24% d'entre eux aiment des films violents et 27% lisent des livres violents.

Voir aussi : https://www.grandtheftchildhood.com/GTC/Home.html

En conclusion, on retirera de cette affaire 2 leçons :

  • Les jeux vidéo ne rendent pas plus violent que le cinéma ou la littérature ou le théatre.
  • Quand on ne maîtrise pas un sujet, l'attitude la plus raisonnablement sensée est de fermer sa gueule. 

 

* On apprendra plus tard que le tueur était un fanatique religieux et politique. Les donneurs de leçons ont encore perdu une occasion de se taire !

** Catharsis signifie purge en grec ancien. Ce principe stipule que les êtres humains ont des pulsions violentes et morbides. Ces pulsions sont nuisibles à la vie en société et il convient de les purger en les vivants par procuration, en les voyants s'accomplir devant soi.