Par , publié le 30/06/2014 à 16:29, mis à jour à 16:44

Des internautes s'émeuvent après la publication d'une étude pour laquelle Facebook a modifié le fil d'actualités de 689 000 utilisateurs. Mais le réseau fait bien pire, et depuis bien avant 2012. 

Facebook est critiqué pour avoir "manipulé" le "newsfeed" ce près de 700 000 utilisateurs.Scandale: Facebook a "manipulé", sans le dire, le fil d'actualité de 689 000 anglophones. Cette intervention a eu lieu du 11 au 18 janvier 2012 dans le cadre d'une étude sur la "contagion émotionnelle". Concrètement, le réseau social et des universitaires américains ont modifié le contenu des fils d'actualités de ces utilisateurs afin d'observer leur réaction. Comme s'il s'agissait de vulgaires "cobayes", pestent de nombreux internautes. En fait, nous sommes tous de vulgaires cobayes dès le moment où nous nous inscrivons sur le réseau... 

Ce qui est reproché à Facebook

Pour leurs travaux, les scientifiques ont masqué des publications, jugées "positives" ou "négatives", des fils d'actualités des utilisateurs testés. Résultat, clamé dans leur conclusion: quand on masque des messages positifs, l'utilisateur poste moins de contenu positif.Et vice versa. C'est cette méthodologie qui vaut autant de critiques à Facebook. Les premières charges ont été lancées samedi par les sites The Atlantic et Slate. Le premier considère que "c'était probablement légal", mais se demande si c'était "éthique". "Ce qui est dérangeant, c'est que Facebook a manipulé les sentiments de centaines de milliers d'utilisateurs sans demander leur permission", ajoute le second. 

Tal Yarkoni, psychologue et informaticien à l'université d'Austin(Texas),n'est pas d'accord. "L'affirmation selon laquelle Facebook a 'manipulé les émotions de ses utilisateurs' est trompeuse", écrit-il sur son blog. "Facebook a simplement retiré une proportion variable de statuts qui étaient automatiquement détectés comme comportement des mots positifs ou négatifs. Il n'a pas ajouté du contenu dans le but d'induire des émotions spécifiques." 

Les mystères de l'algorithme de Facebook

Reste, tout de même, des interrogations légitimes sur le tri que Facebook s'est permis de faire dans le fil d'actualités de ses membres. Et cette manière obscure de procéder sans prévenir et en toute opacité. Sauf qu'il n'y a là rien de nouveau. Cette situation est connue depuis des années, bien avant la publication de l'étude incriminée. Les interrogations formulées ces jours-ci renvoient en fait au fonctionnement même de Facebook.  

>> Lire aussi: les fantômes de Facebook, ces amis dont on ne reçoit plus les messages 

Le fameux "tri" dans les statuts, si décrié quand il est fait à des fins de recherche sur les interactions, est fait en permanence sur le site. En moyenne, un utilisateur est potentiellement exposé à 1500 histoires différentes quand il se connecte sur le site. La majorité est donc écartée de son fil d'actualité de manière automatique: c'est le fameux algorithme de Facebook. On en connaît les grandes lignes (plus un post reçoit de likes, partages ou commentaires, plus il sera vu), mais sa recette exacte est aussi secrète que celle du Coca-Cola.  

"L'utilisateur, dindon de la farce"

De fait, cette priorité donnée aux contenus qui génèrent le plus d'interactions revient à encourager les posts à forte valeur émotionnelle, au détriment de réflexions plus arides. Facebook a donc toujours, d'une certaine manière, joué avec nos émotions.  

"C'est une mutation assez naturelle que le site portait en son germe dès le début, expliquait en mars dernier Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net, à L'Express. Certains ont pensé que ces plateformes pouvaient donner le contrôle aux utilisateurs, mais on ne peut pas leur faire confiance. L'utilisateur est le dindon de la farce". Peut-être commence-t-il au moins à s'en rendre compte.