Le 19 février 2011 :

Ce samedi pluvieux est le jour de ma dernière garde à Mondor. Et, à l'image de nombreuses autres gardes, j'y arrive en retard. Certaines choses ne changent pas...

13h48 : Bon, 48 minutes de retard. Le temps de poser mes affaires, je remarque une annotation marrante à mon dessin.

Le Pr. Lantieri est le chef de service de plastique, bientôt transféré à Cochin... Eh oui, le mercato s'applique aussi à la médecine !

Je retrouve Marie, ma coexterne de vasculaire, qui heureusement, ne m'en veut pas trop. Elle s'ennuie depuis 13h, et nous ne tardons pas à nous ennuyer tous les deux...

14h44 : J'accompagne Marie qui va manger un dessert qui traine en cuisine. Moi, je sors téléphoner et prendre l'air. Une heure... Un euro durement gagné !

15h21 : On squatte la chambre des externes, à ne rien faire. Je suis sûr que tout va nous tomber dessus ce soir, je le sens...

16h05 : Marie est partie faire un examen clinique. Moi, je reste un peu dans la chambre pour ensuite retourner aux urgences. Je m'ennuie tellement que je me glisse derrière Julie, l'externe de garde de médecine, pour la surprendre, alors qu'elle rêvassait devant l'ordinateur.
Marie revient faire son topo à Hanna, la chef finlandaise (!), puis va voir la patiente en sa compagnie. Bon, je retourne dans la chambre en attendant...

16h30 : Lors d'une énième pose cigarette de Marie, celle-ci m'avoue être fan de Diablo II. C'est assez rare pour être noté !

Ma coexterne Marie, ou sainte Marie, comme j'aime souvent l'appeler... :p

18h00 : Après un long moment en chambre, je retourne en salle d'urgences. Je tombe sur Marie en pleine discussion avec un médecin, à propos d'une patiente entrée pour une asthénie et hypotension.
Le médecin demande à ce qu'on lui fasse un ECG et un test d'effort. Qu'est-ce qu'un test d'effort ? C'est une mesure simultanée de la tension et du pouls en position allongée puis debout à 1,3 et 5 minutes, afin de faire une étude comparative.

Une fois l'ECG fait, on installe le brassard et l'oxymètre, qui ne peut pas fonctionner à cause du vernis de la patiente. On essaie de le mettre au pied, sans succès.
Tout d'un coup, l'infirmière débarque avec son charriot, alors que nous sommes déjà deux à s'occuper d'elle. Elle nous demande, l'air de rien : « Ah, vous êtes sûrs qu'il faut le pouls pour un test d'effort ? ». Devant la patiente.
Et quand je demande s'il y a quelque chose pour retirer le vernis dans les alentours, elle nous répond qu'on a qu'à le prendre à la main. Elle ne va pas nous dire comment lacer nos chaussures, aussi ? Contrairement à moi (pour une fois), Marie commence à cacher de plus en plus difficilement son ulcération...
Une fois terminé, le mari, très inquiet, se jette sur Marie tel le loup sur une brebis, avec beaucoup de questions. J'en profite pour ranger la machine à ECG, et je parviens à la sauver de l'angoissé.
En fait, sa prévenance jusqu'à l'étouffement s'explique par le fait que sa femme, suite à un décès dans sa famille proche, a fait un épisode dépressif. L'examen, qui n'a rien révélé, semble d'ailleurs orienter vers une cause psy. Marie part donc fumer sa clope.

18h54 : Ah, un bloc... en vasculaire ? Cela doit-être une urgence. J'y vais.

00h00 : Ah, pour une urgence, c'en est une. Un patient adressé de Reims (!) et qui vient pour la pré-rupture d'un anévrysme de l'aorte de la taille de mon poing.
Qui est le chef de garde ? Amélie...
Ça doit être un test, c'est pas possible que je tombe sur elle à ma dernière garde... M'enfin, défi accepté.

 

Dès le début, le panseur me fait chier en disant que je ne devrais pas porter mes baskets (alors que j'ai des surchaussures et que je suis en garde, d***n, je ne vais pas m'acheter des crocs pour tes beaux yeux !). Je dois installer la table, vu que c'est moi l'instrumentiste sur ce coup-là. Gnap.
Après avoir subi ses remarques incessantes quant à la disposition de ma table, c'est au tour d'Amélie de me pourrir à propos d'instruments dont je ne connais pas le nom. L'interne de digestive, venue pour aider, s'est même fendue de quelques remarques désobligeantes à mon égard. Honnêtement, au début de l'opération, j'ai cru mourir.

Mais une fois le ventre dégagé (et l'interne de digestive partie, bon débarras), là, j'ai commencé à apprécier un peu plus. Surtout la montée d'adrénaline au moment où l'on clampe l'aorte. A partir de cet instant, les minutes sont comptées.

La prothèse posée, l'aorte déclampée, l'étanchéité vérifiée : il faut ranger les intestins et refermer le ventre. Beaucoup moins exaltant !

Mais l'essentiel n'est pas là : le patient va bien, Amélie a réussi sa première opération en solo sur un anévrysme et surtout, elle m'a dit merci quand je suis parti. Ha ! Comme quoi, tout arrive... Défi relevé !

00h10 : Je suis enfin dans la cuisine pour me sustenter. Marie finit sa clope dehors. Elle n'a pas arrêté : deux sutures, dont une sur un patient complètement saoul (12 points sur le cuir chevelu !). Je comprends son coup de mou...
Après une discussion dépressive à propos de l'AP-HP et de la fermeture d'hôpitaux (par exemple, Albert Chenevier), je vais dans la chambre. Elle retourne s'en fumer une autre.

00h30 : Le. Téléphone. Sonne. Sans doute l'opération de digestive dont j'ai eu vent dans les couloirs. Pas question de le prendre, après toutes les histoires terribles que Marie m'a racontées sur les chefs de là-bas...

00h45 : Je préviens Marie du funeste appel. Nous allons aux urgences pour voir si quelqu'un nous a demandé. Non, personne. Pas de nouvelle, bonne nouvelle. Elle va dormir, je termine mon ultime graffiti dans la chambre.

01h31 : Pendant que j'écris ces lignes, Julie passe pour savoir si on a des patients. Je réponds par la négative ; elle me dit qu'un patient est en attente depuis une demi-heure. Je vais vérifier. Ben, non, personne en fait. Hm ?

03h23 : Julie vient encore nous chercher pour une suture, le téléphone ne fonctionnant manifestement pas. Et nous n'avons rien à voir là-dedans, promis ! Marie s'y rend donc.

03h33 : Elle est déjà revenue. Il ne fallait qu'un point.
À noter un épisode de paralysie du sommeil, ce qui ne m'arrive qu'en garde...

07h45 : Après une nuit misérable, ON A FINI ! Champagne !

Ou plutôt, des céréales et au lit.